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L'édito de Jacque Renucci : L'agriculture au régime sec


Jacques RENUCCI le Dimanche 5 Novembre 2017 à 15:57

La lutte contre la sécheresse estivale ne doit pas être portée par la seule profession agricole, mais par la société corse tout entière



L'édito de Jacque Renucci : L'agriculture au régime sec
Dans les années soixante-dix, les périodes de sécheresse étaient perçues comme des anomalies ; dans les années deux mille aussi, mais déjà un peu moins. Aujourd'hui la sécheresse, avec chaleur et pluviométrie en baisse, est inscrite dans l'agenda climatique comme une fatalité attendue.
Comme attendu aussi, c'est au monde agricole de subir de plein fouet les conséquences de cette situation. Dans les enjeux de partage par rapport à l'ensemble du territoire, les restrictions de l'utilisation de l'eau à usage domestique ne sont que des désagréments, ne mettant pas en cause des pans entiers de l'économie. Si on m'interdit de laver ma voiture en été, où est le problème ? Car la pénurie concerne aussi les collectivités, les particuliers, les distributeurs, bref, les consommateurs comme les gestionnaires. Mais en termes de vulnérabilité, c'est l'agriculture qui, si l'on peut dire en la circonstance, trinque le plus.
   

Les agriculteurs se mobilisent avec leurs moyens et, en regard des problèmes qu'ils rencontrent, ceux-ci sont dérisoires. Ils interpellent l'Etat, mais trouvent porte close. Ou plutôt, on leur montre la porte d'à côté, celle de la toute puissante communauté européenne, qui édicte la règle. La Corse, avec ses pauvres particularismes, sa dispersion parcellaire, est hors de l'espace européen des décisions, qui subissent la pression des structures surdimensionnées, céréalières ou autres. On sait pour qui est faite la norme, et quel système prédomine, celui qui veut que les petites exploitations disparaissent.


De plus, les coûts de transport, de fourrage par exemple, subissent des écarts qui ne correspondent en rien à la continuité territoriale, qui apparaît plus que jamais comme une imposture. Enfin, même s'il est banal de souligner une évidence, l'insularité empêche de disposer de ressources exogènes qui auraient pu être utiles en ultime recours. Et que dire des situations financières complexes, de remboursement et autres, que connaissent les exploitations corses, auxquelles personne ne fait de cadeau ?


Pour préparer un rapprochement, des études conjointes ont été lancées avec la Sardaigne, qui a visiblement plusieurs coups d'avance... Il tombe 8 milliards de mètres cubes d'eau en moyenne sur la Corse, mais combien en pure perte ? Cela est dit dans l'accord sur l'eau entre les deux îles présenté en mai 2017 ; on y apprend que la Corse ne stocke que 100 millions de mètres cubes d'eau par an, contre 2 milliards pour la Sardaigne. Un seul barrage sarde retient plus du triple d'eau que tout le stockage corse. C'est peu dire que notre région a manqué de prévoyance, d'autant plus que, chez nous, il ne faut que quelques mois pour transformer une zone fragile en zone aride...


Ce qui là fait défaut, comme en tant d'autres domaines, c'est l'anticipation.On ne peut pas au fil des années dresser un constat de quasi catastrophe et attendre des solutions rapides qui, même si elles sont mises en œuvre, ne constituent que des palliatifs.
Le réchauffement climatique est une réalité qui hypothèque le présent et inquiète pour l'avenir. Et il faudra s'y faire pour argumenter : le modèle corse n'entre pas dans les schémas généraux des mesures qui fondent aujourd'hui la lutte contre la sécheresse. On doit donc réfléchir autrement pour aider une région qui n'a que le tort d'être ce qu'elle est. Pour faire passer ce message, une rationalisation générale du problème est nécessaire. Cet « argumentaire collectif et pluridisciplinaire », pour reprendre une formule gouvernementale sur le sujet, ne doit pas être porté que par la profession agricole, mais par la société corse tout entière.

Les agriculteurs se sont mobilisés vendredi à Ajaccio et Bastia
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