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JG Talamoni : "La politique a besoin d’un climat de paix et de confiance"


Nicole Mari le Jeudi 21 Septembre 2017 à 17:41

Le président de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, a placé sa traditionnelle allocution d’ouverture de la session de rentrée, qui se tient depuis jeudi matin à Aiacciu, sous le signe des tempêtes et du courage. Il est revenu, in lingua nustrale, sur les tempêtes, à la fois, climatiques et humaines, apportant son soutien aux Corses qui se sont battus contre le feu, aux Catalans qui luttent pour leur droit à l’autodétermination, à la famille du maire de Centuri, David Brugioni, touchée par un attentat, et même aux travailleurs inquiets face aux ordonnances Macron. Il a, également, abordé la question de la collectivité unique et de son financement.



Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse.
Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse.
Voici le texte de son discours :
 
 
« L’heure de la rentrée a sonné !
Nous accueillons aujourd’hui Antonia Luciani, jeune élue qui remplace Vanina Borromei, laquelle a intégré le Conseil Exécutif en juillet dernier. Marie-Hélène Casanova-Servas accède à la présidence de la commission des compétences législatives et réglementaires. Petr’Antò Tomasi, en devient, lui, le vice-président. Nous aurons donc à élire la vice- présidente de cette assemblée.
 
Les colères du climat et le courage des hommes
Cet été nous a rappelé que, les années passant, nous changeons d’ère au niveau mondial. Nous entrons dans une nouvelle phase de l’histoire de l’humanité. Les scientifiques affirment que l’homme est à l’origine du dérèglement climatique, de la nuisance aux équilibres écologiques et donc, de la menace qui pèse sur notre sécurité. A ce sujet, je veux envoyer un salut fraternel à tous les insulaires des Caraïbes touchés par les cyclones. Je veux saluer aussi nos voisins de Livourne affectés par les inondations. Je veux saluer enfin les Mexicains victimes d’un terrible tremblement de terre.
Plus près de nous, je ne peux pas passer sous silence l’engagement courageux des villageois, des pompiers, de Corse et d’ailleurs, face aux incendies. Sans eux, les dégâts matériels et humains auraient été encore plus graves. Dans une situation difficile, extrême, ils ont montré le plus beau visage de l’homme.
 
Les devoirs de l’homme et les tempêtes du monde
Le monde subit d’autres tempêtes : au Venezuela, en Corée du nord, en Birmanie et, plus près de nous, en Catalogne. Je veux affirmer ici tout mon soutien à la démarche de l’assemblée et du gouvernement catalans. La route vers la liberté d’une nation ne passera jamais par le contrôle policier. L’opposition à l’organisation démocratique du référendum portant sur la création d’une république catalane, la présence de la garde civile espagnole dans les locaux du gouvernement va à l’encontre des valeurs de l’Europe. Au nom de la démocratie, l’Espagne doit reconnaître le droit des Catalans à décider de leur avenir. Elle ne peut pas imposer sa loi et sa police à un peuple qui exprime sa confiance en ses institutions.
Je pourrais vous parler de droit, de droit de l’homme. J’ai choisi de rappeler plutôt un extrait de la démonstration de la philosophe Simone Weil qui, dans son livre L’enracinement, parlait des devoirs de l’homme, de ses obligations, obligations de respecter les besoins physiques d’une personne mais aussi les besoins de l’âme. Simone Weil part de l’idée que
chaque collectivité est unique, singulière et que rien ne pourrait jamais la remplacer. Mieux, riche de nourriture pour l’âme, chaque collectivité serait un lien avec le passé et une continuité vers l’avenir. Il semble que, s’agissant de la Catalogne, l’Espagne ait choisi de ronger non seulement l’âme de la Catalogne mais aussi la sienne, allant ainsi à l’encontre des progrès de la démocratie espagnole depuis la chute de Franco. Les obligations que nous avons à l’égard des collectivités sont aussi des devoirs de confiance en la sienne et dans les autres.
 
Vers la collectivité de Corse
La création de notre collectivité de Corse avec ses futurs élus sera pour nous l’occasion de construire une nouvelle confiance entre les Corses et leurs institutions. Elles seront des outils d’action et de modernisation, de contrôle et de transparence de la vie et de l’action publiques. J’inviterai à nouveau les groupes de l’Assemblée à engager une réflexion sur ce point.
La création de la Collectivité de Corse ne peut être seulement une addition de trois collectivités. Avec la fusion des ressources humaines, je suis convaincu que nous pourrons multiplier sa puissance d’action. Mais cela est conditionné par notre capacité à négocier l’aspect financier de cette réforme et de notre capacité à moderniser l’administration de notre pays. Pour les questions financières, nous serons lundi matin à Paris pour défendre notre vision de cette collectivité. Nous demanderons au gouvernement de ne pas couper les ailes de cette collectivité alors même qu’elle n’est pas encore éclose. Face à la situation sociale de la Corse, dont le niveau de pauvreté et de chômage est au plus haut, nous n’irons pas à Paris pour faire l’aumône mais afin que la Corse puisse disposer d’une fiscalité capable de responsabiliser ses élus, capable de sortir un grand nombre de Corses de la misère, une fiscalité juste pour lutter contre l’inégalité, une fiscalité capable de créer et de renforcer ce lien de confiance entre les Corses et leurs élus.
 
Pour une démocratie apaisée
A ce sujet, en tant que Président de l’Assemblée de Corse, je veux réitérer mon soutien à la famille Brugioni touchée par un attentat inacceptable contre sa maison. Après les menaces de l’année dernière contre un conseiller exécutif et il y a peu contre un autre maire, je veux exprimer à nouveau à tous ma solidarité. Le chemin de la politique a aussi besoin d’un climat de paix, de responsabilité et de confiance.
 
Pour la sécurité des travailleurs et la confiance aux entreprises
Le développement économique et les entreprises aussi ont besoin de confiance. Je pense que le domaine de l’emploi a besoin de réformes profondes. Notre Assemblée a délibéré sur le sujet pour demander le transfert de cette compétence et nous avons élaboré, avec de nombreux partenaires, une proposition de statut fiscal et social. La limitation de l’indemnité de licenciement prévue dans les ordonnances Macron me semble être précisément contraire à cette notion de confiance entre employé et patron, entre le patron et son environnement économique aussi. C’est la raison pour laquelle nous étions hier aux côtés des travailleurs en lutte. »