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Hommage aux morts de la guerre en Algérie : "Beaucoup de Corses sont tombés là-bas"


Philippe Jammes le Samedi 5 Décembre 2020 à 14:45

En cette journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, François Ravier, préfet de Haute-Corse, a présidé samedi matin une cérémonie commémorative devant le monument aux morts de Bastia, de la place Saint-Nicolas, en présence de personnalités civiles et militaires et d’anciens combattants.



Hommage aux morts de la guerre en Algérie : "Beaucoup de Corses sont tombés là-bas"
Par décret du président de la République en 2003, cette journée nationale a été instituée en reconnaissance des sacrifices consentis pour la France par les militaires et les supplétifs lors de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie entre 1952 et 1962. Cet hommage a ensuite été étendu en 2005 aux rapatriés d’Afrique du Nord, aux personnes disparues et aux victimes civiles.
Lors de cette cérémonie, le préfet a procédé à la lecture du message (voir ci-dessous)  de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées.
Des  gerbes ont ensuite été déposées au monument aux morts.
Présent à cette cérémonie et très ému, Ambroise Ottaviani, président depuis 60 ans de  l’Association Régionale des Anciens Combattants prisonniers de guerre et Combattants d'Algérie, Tunisie et  Maroc.

"J'ai perdu 22 copains en un seul jour"
«Cette cérémonie m’a rappelé beaucoup de souvenirs » explique t-il, les yeux humides, la gorge nouée. «J’ai perdu de nombreux copains dans la guerre d’Algérie dont 22 en un seul jour. Cette guerre a fait 22 000 morts en France et beaucoup de Corses sont tombés. On avait 20 ans et on en a bavé pendant 2 ans et demi. On était partis de l’île, abandonnant nos familles. Pourtant soutien de famille j’ai du quitter ma mère. Mon frère était avec moi.  J’ai été grièvement blessé lors d’une opération. J’étais chef de groupe et avec mes hommes on a sauté sur une mine. Plusieurs ont été déchiquetés. Je m’en suis tiré avec un poumon perforé et j’ai fait 3 ans d’hôpital.  Aujourd’hui je pense à tous mes copains ».
 


Le message de Geneviève Darrieussecq

 « En cette journée nationale, la République renouvelle solennellement son hommage aux « morts pour la France » de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie. La nation se souvient de toutes les victimes, civiles comme militaires, de ce conflit qui brisa tant de destins et généra tant de violences.
Il y a soixante ans, une guerre, longtemps niée, entrait dans sa septième année. Des soldats de métiers, des centaines de millions de jeunes hommes appelés ou rappelés sous les drapeaux et des membres des forces supplétives combattaient pour la France sur le territoire algérien.


De 1952 à 1962, en Algérie, au Maroc et en Tunisie, près de deux millions d’hommes ont servi nos armes. 70 000 ont été blessés, plus de 25 000 sont tombés pour la France. Hier, ils ont combattu avec dévouement pour nos couleurs, aujourd’hui, ils reposent dans la mémoire nationale.
C’est à toute cette génération, celle qui a eu « 20 ans dans les Aurès » que nous consacrons cette journée. A ceux qui y trouvèrent la mort, à ceux qui en revinrent, y ont souffert et en souffrent encore, marqués dans leur chair comme dans leur esprit. Le souvenir de ces mois de service et de guerre est toujours vivace chez nombre d’anciens combattants.
Dans son hommage et dans la reconnaissance de la douleur, la France n’oublie ni les tourments des civils, ni les rapatriés qui ont abandonné un pays qui était le leur, qui était celui de leur cœur et de leurs ancêtres. Elle sait à quel point les exactions commises à leur encontre, au printemps et à l’été 1962, notamment, puis le déracinement constituent encore des plaies vivaces.


Elle sait également le sort des anciens harkis et de leurs familles qui ont subi de terribles représailles ou qui ont été contraints de quitter leur terre natale. Elle pense aussi à ces hommes et à ces femmes, civils et militaires dont la trace a été perdue.
Les armes se sont tues il y a cinquante-huit ans. Cette période occupe dans notre histoire et dans notre mémoire nationale une place toute particulière. L’histoire de la guerre d’Algérie est celle d’une déchirure, d’une blessure non-cicatrisée, de drames familiaux, personnels et même intimes, d’un enchevêtrement de destins bousculés parfois brisés.
Parce que cette histoire est complexe, sa mémoire est plurielle. Parce que cette histoire est la nôtre, il est nécessaire de continuer son enseignement et de permettre sa juste compréhension. Parce que ces mémoires sont essentielles pour la construction de nos identités et pour notre cohésion nationale, sa transmission aux jeunes générations doit se poursuivre de manière apaisée.
Se souvenir, témoigner, raconter, expliquer, partager, en sont les maîtres mots. C’est aussi ce que nous faisons en cette journée nationale ».