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Gilles Simeoni : « Le processus de discussion à vocation historique entre la Corse et l’Etat doit s’ouvrir au plus vite »


Nicole Mari le Mercredi 18 Mai 2022 à 20:01

L’ouverture du processus de discussions sur l’autonomie, promise en mars dernier en pleine crise Corse par le ministre de l’Intérieur, est retardée une seconde fois, faute d’interlocuteurs à Matignon et Place Beauveau. Dans un communiqué, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, exprime son inquiétude sur ce nouveau retard et demande qu’une première réunion soit fixée dans les jours à venir. Il estime que, depuis la visite de Gérald Darmanin dans l'île, tous les signaux envoyés depuis Paris sont négatifs et appelle Emmanuel Macron à donner des signes publics clairs de sa volonté d’avancer comme annoncé.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse. Photo Michel Luccioni.
« Le processus de discussion « à vocation historique » entre la Corse et l’Etat doit s’ouvrir au plus vite ». Dans un communiqué diffusé mercredi soir, le président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni, ne cache pas son inquiétude face au silence de Paris sur la date de la première réunion déjà deux fois reportée. « Lors de sa venue en Corse les 16, 17 et 18 mars 2022, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, mandaté à cette fin par le Président de la République, a annoncé et acté par écrit dans un document cosigné avec le Président du Conseil exécutif de Corse, l’ouverture d’un processus de négociation à vocation historique entre la Corse et l’Etat. L’annonce de ce processus et les perspectives qu’il ouvre ont suscité adhésion et espoir chez une très grande majorité de Corses », rappelle le communiqué. Pour tenter de désamorcer la crise violente, qui a secoué brutalement la Corse, après l’assassinat, le 2 mars dernier, d’Yvan Colonna à la centrale d’Arles par un détenu islamiste, le gouvernement avait accepté d’engager des discussions sur l’autonomie. Et, dans la foulée de la visite ministérielle, avait nommé un Mr Corse, en la personne de Gregory Canal, qui s’était discrètement rendu sur l’île pour rencontrer notamment diverses personnalités politiques. « La première réunion entre les élus de la Corse, le Ministre et les services de l’Etat était prévue pour se tenir à Paris le 8 avril 2022. Elle a été reportée à l’initiative du Gouvernement. Le Conseil exécutif de Corse a officiellement regretté ce report, craignant un dérapage du calendrier et s’interrogeant sur les raisons réelles de ce report », précise le communiqué. Un report décidé quatre jours avant par Emmanuel Macron, alors candidat à l’élection présidentielle, après les violences lors de la manifestation d’Ajaccio, le dimanche précédent. Une décision unanimement fustigée par les mouvements nationalistes.
 
Un calendrier à tenir
Une nouvelle réunion était prévue, le 18 ou le 19 mai, mais est de nouveau reportée, faute d’interlocuteurs à Matignon et Place Beauvau. Le nouveau Premier ministre vient à peine d’être élu et n’a toujours pas formé son gouvernement. Ni Gérald Darmanin, ni Grégory Canal, ne sont assurés de retrouver leur poste, difficile dans ces conditions d’amorcer un dialogue. Et le timing qui en découle avec l’élection législative ne semble guère favorable.  « Ce qui s’est passé depuis lors ne peut que conforter nos craintes et nos interrogations », estime l’Exécutif corse. « En ce qui concerne le calendrier, l’engagement du processus reste suspendu à la désignation du nouveau Gouvernement. Y compris lorsque cette désignation sera intervenue, l’ouverture de la période de réserve et la campagne des législatives risquent de conduire Paris à proposer une date début juillet, pour un début effectif du processus en septembre. Un tel calendrier s’assimilerait à un enlisement de la démarche ». Gilles Simeoni demande, donc, au gouvernement de tenir la promesse faite à Ajaccio par Gérald Darmanin de commencer et de continuer à discuter même pendant les campagnes électorales et les périodes de réserve. « Il est donc indispensable que la première réunion soit fixée dans les jours à venir. Cette première réunion doit permettre de définir en commun la méthode de travail, le calendrier d’ensemble, et les objectifs ».
 
Des signes clairs
L’inquiétude est d’autant plus grande que les seuls signes qu’envoie Paris depuis la visite ministérielle ne cadrent guère avec la volonté d’apaisement annoncée. « Au-delà du risque de dérapage du calendrier, et cette fois ci sur le fond, force est de constater que, depuis la fin de la visite de Gérald Darmanin en Corse, tous les signaux envoyés depuis Paris ont été négatifs : déclarations lors de la campagne présidentielle en retrait sur la perspective d’autonomie, silence persistant du Gouvernement depuis l’élection présidentielle, interpellations musclées d’agriculteurs ou de lycéens et d’étudiants, appel suspensif formé pour la troisième fois contre la décision des juges du Tribunal spécialisé de Paris d’accorder à Pierre Alessandri un régime de semi-liberté... Les risques de retour à la logique de tension et au blocage politique sont patents. Nous ne voulons pas de cette perspective », ajoute le président de l’Exécutif corse. « Le peuple corse et la Corse aspirent à la paix, au respect du fait démocratique, et à une solution politique globale - institutionnelle, mais également économique, sociale, culturelle. Il est du devoir de tous, à Paris comme dans l’île, de travailler, par le dialogue, à la définition et à la mise en œuvre de cette solution politique globale – laquelle inclut la vérité et la justice pour Yvan Colonna ». Le Conseil exécutif de Corse demande donc que « des signes publics clairs soient donnés, au plus haut niveau de l’Etat, pour réaffirmer la volonté politique de Paris de donner au processus de négociation annoncé toute sa dimension ».