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En hommage à René Caumer Paris-Calvi All-Stars-Orchestra Big Band en ouverture du Calvi Jazz Festival


Jean-Paul-Lottier le Lundi 16 Juin 2014 à 17:41

La 27ème édition du Calvi Jazz Festival se déroulera dans la cité « Semper Fidélis » du 18 au 22 juin. Une 2ème édition qui débutera donc ce jeudi avec un vibrant hommage à René Caumer, père fondateur de ce festival qui nous a quittés le 15 août 2013. Au cours de cette soirée offerte par la Ville de Calvi, Jean-Loup Longnon a créé le Paris-Calvi All-Stars-Orchestra Big Band composé d’une vingtaine de musiciens qui ont tous connu René Caumer et le Calvi Jazz Festival.



En hommage à René Caumer Paris-Calvi All-Stars-Orchestra  Big Band en ouverture du Calvi Jazz Festival
Véritable homme-orchestre, Jean-Loup Longnon, trompettiste, pianiste, vocaliste, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre français de jazz est mieux placé que quiconque pour nous parler du Calvi Jazz Festival et de René Caumer.
A 48 heures de son arrivée à Calvi et à quelques heures seulement de la dernière répétition dans la capitale du Paris-Calvi All-Stars-Orchestra Big Band, Jean-Loup Longnon a accordé un entretien en exclusivité à Corse Net Infos.

- Comment avez-vous connu René Caumer ?
- «  Fin des années 1970, début 1980, c’est une grande dame de la famille, Ingrid qui a invité René au Bataclan où je me produisais avec  mon Big Band.
Enthousiasmé, il a pris mes coordonnées et quelques jours plus tard il m’a invité chez Ingrid pour me faire déguster ses boulettes à l’Oriental dont il avait le secret. Au cours de la soirée, il m’a parlé de Calvi et m’a dit qu’il fallait absolument que je découvre ce lieu magique. Et, comme il avait d’autres musiciens qui ont bénéficié des mêmes avantages que moi. Ensemble on a pu jouer dans différents cafés, jusqu’à organiser un concert dans l’ancien cinéma de Calvi ».

- C’est là qu’est né le festival de jazz de Calvi ?
- «  Le succès de ces soirées  fut immédiat. Et puis, de ces invitations régulières l’idée d’un festival a germé. Le premier a eu lieu en 1987. L’esprit c’était vous venez vous passer une semaine « gratos » à Calvi et en contrepartie vous jouez.
Ce festival illustrait le côté formidablement créatif de René, le musicien par délégation qui pouvait faire et défaire des différents orchestres  au gré de ses idées, de ses goûts et de ses inspirations.
Au fil des années, la programmation du festival a évolué vers des formations plus construites mais la tradition de l’impromptu demeure à longueur de nuits, sur le port, dans les nombreux cafés du festival « Off ». »

- Vous pouvez définir en quelques mots René Caumer ?
- «  Pour moi c’était plus qu’un ami, c’était un homme charismatique, un érudit -   visionnaire, généreux, humaniste à l’humour cinglant ».
- Pourquoi ce Big Band Paris-Calvi All-Stars-Orchestra ?
- «  Nous avons tous été très affectés par la disparition de René. J’ai appelé tous mes amis qui ont eu la chance et le bonheur de connaître René. Tous ont souhaité que nous lui rendions hommage. Il y en avait beaucoup, beaucoup trop. Pour répondre favorablement à tous, même si certains n’étaient pas libre, il aurait fallu créer un philarmonique.
Nous avons donc décidé de présenter le 18 juin notre Paris-Calvi Big Band et de jouer en hommage à notre ami. Depuis plusieurs mois, nous sommes une vingtaine de musiciens à nous retrouver pour répéter.
Notre concert du 18 juin sera enregistré en live. L’ultime répétition a lieu ce soir et demain nous jouerons tous ensemble avant d’embarquer le lendemain pour Calvi. J’espère que la météo sera avec nous ».

- Que représente Calvi pour vous ?
-  «  Grâce à René Caumer, des centaines de musiciens ont connu et aimé Calvi, puis les calvais, puis la région, puis la Corse, et enfin les corses, indomptablement hospitaliers, farouchement attachants et redoutablement drôles !
De même, pour beaucoup de corses, les musiciens de jazz qui n'avaient longtemps incarné que quelque chose d'assez obscur, à mi-chemin entre une ennuyeuse inaccessibilité assortie d'un perfectionnisme mozartien et une bizarrerie déjantée, ont montré qu'ils savaient aussi être simples, authentiques et généreux. Une question demeure cependant.
A l'heure où nous autres humbles mortels subissons les cruelles morsures de l'hiver, que font les corses ? Dorment-ils ? Hibernent-ils ? D'ailleurs, au fond, savent-ils vraiment ce qu'est l'hiver ?
A chaque fois qu'on se rend chez eux il fait toujours beau !
Certains affirment que, comme en attestent les neiges des montagnes, l'hiver existerait bel et bien chez eux aussi.
Mais quoi... quelques jours tout au plus ?
Les connaisseurs vont même jusqu'à affirmer que c'est en hiver qu'en Corse les lumières sont les plus claires.
Moi, je veux bien...
Mais quand-même, ce qu'à chaque fois l'on nous en montre ressemble étrangement à l'été !
Alors on dira ce qu'on voudra, mais personne ne m'ôtera de l'idée que là-bas la vie est plus douce et les gens plus vrais ».

- Pour conclure, laissez parler votre coeur
- «  Tel un dieu facétieux  épris de hasard autant qu'habité par une foi tenace en la sagesse humaine, René l'esthète contemplatif, le bienfaiteur hédoniste, le fin lettré,  brillant philosophe, l'idéologue visionnaire aux convictions sublimes, n'aimait rien tant que susciter des rencontres imprévues entre musiciens.
Nulle chose ne le captivait plus que de voir de telles combinaisons se faire et se défaire au gré d'inspirations soudaines naissant, disparaissant et réapparaissant un peu partout dans ce "Pays du Non-Argent" que, bien conscient de l'infaillibilité de son charisme hypnotique, il avait un jour inventé comme ça, d'un claquement de doigt !
Puis, "l'ordre naissant du chao", il en attendait l'instant de grâce qu'il savait devoir survenir forcément, tôt ou tard, dans la nuit, sur scène ou dans un des bars entre deux cocktails, ou vers l'aube, au café...
Grâce à la spontanéité, la générosité et la sincérité inhérente aux  principes même du festival, grâce aussi à l'hospitalité et à l'exemplaire dévouement des calvais, grâce enfin à la complicité des auditeurs qui, aussi, se reconnaissaient dans son coté informel, la méthode a réussi et les instants de grâce sont survenus, nombreux !
Dans un éternel et kaléidoscopique labyrinthe fait de soirs, de nuits et d'aubes, la liberté régnait sans partage, presque jusqu'à l'abus de Non-Pouvoir comme parfois, non sans humour, le génial créateur du Pays du Non-Argent en arrivait à le reconnaitre.
Aujourd'hui c'est à nous tous d'y préserver la fraicheur, le désintéressement, la simplicité et la spontanéité qui ont fait compter la belle ville de Calvi parmi les plus rayonnantes capitales du jazz.
Nous devons méditer, protéger et transmettre le message de René, magnifique, singulier et libre.
Alors le Pays du Non-Argent où tous les musiciens vivaient heureux ne disparaitra jamais... »
Propos recueillis par Jean-Paul LOTTIER