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DOSSIER - Ces sportifs corses en route pour les JO de Paris - Morhad Amdouni, la rage de vaincre


Livia Santana le Dimanche 26 Mars 2023 à 20:57

Dans moins de 500 jours, les sportifs qualifiés pour participer aux Jeux olympiques de Paris 2024 s'élanceront sur la Seine pour la cérémonie d'ouverture. Morhad Amdouni, le Porto-Vecchiais de 34 ans, coureur du 10 000 mètres et marathonien, fait tout pour être de la partie. A un peu plus d'un an de la sélection, le champion d'Europe du 10 000 mètres s'entraîne avec beaucoup de rigueur pour avoir la chance de participer à ces olympiades. Dans cet entretien, il revient sur son expérience à Tokyo en 2021, sur ses objectifs et son attachement pour la Corse.



Le Porto-Vecchiais est en bonne voie pour participer aux JO à Paris 2024Crédit Photo FFA
Le Porto-Vecchiais est en bonne voie pour participer aux JO à Paris 2024Crédit Photo FFA
- En Corse, les jeunes garçons s'orientent souvent vers le foot, plus jeune, comment vous êtes-vous dirigé vers l'athlétisme ? 
- C'est vrai que j'ai moi-même commencé par le football puis, arrivé au collège, j'ai participé au cross et c'est là que j'ai eu le déclic. Au fur et à mesure des courses je me suis rendu compte que j'avais des capacités. En plus, dans  l’athlétisme j'aimais le fait de ne pas dépendre des autres, je n’étais pas vraiment fait pour les sports collectifs. À l’âge de 13 ans, je suis parti de Sainte-Lucie de Porto-Vecchio d'où je suis originaire, pour rejoindre l'AJB à Bastia. Là-bas, j'ai pu obtenir ma première belle médaille : celle de champion de France de cross-country à Roullet-Saint-Estèphe. Je suis fière parce que c'était une première pour la Corse. Deux ans plus tard, j'obtiens le titre de champion d’Europe au 5000 m.

- Ensuite, vous avez été obligé de quitter la Corse ? 
- Oui, à 21 ans, je me suis fait une raison. J'étais forcé de partir pour atteindre mes objectifs. J'ai rejoint l'Insep (NDLR; L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance, le lieu où beaucoup de sportifs français s'entraînent) en région parisienne. À ce niveau, il n'y avait plus les structures adéquates en Corse. En plus, cela m'a permis de me former au métier d'éducateur sportif en parallèle.

- Vous avez déjà participé aux JO de Tokyo en 2021, quel souvenir en gardez-vous ? 
- L'ambiance était particulière, car il y avait le Covid, mais l'organisation était vraiment géniale. Sur le plan sportif, c'est vrai que cela fait drôle d'avoir lors du 10 000 mètres les caméras braquées sur nous durant toute l'épreuve. Cela met beaucoup de pression. 

- C'était un rêve d'enfant ? 
-  Je dirais plutôt que c’était une concrétisation parce qu’on ne m’avait pas laissé ma chance à Rio en 2016. À Tokyo,  j'ai pu participer aux marathon et au 10 000 mètres, c'est à ce moment que j’ai pu prouver que j’étais capable de faire les deux même si cela pouvait ressembler à un pari fou. Je voulais casser cette barrière. Bien sûr, les jeux sont symboliques, restent dans l'histoire et représentent l’ensemble d’un travail donc j'étais heureux de les faire. 

- Si vous deviez choisir entre le marathon et le 10 000 mètres ? 
- Ce sont deux efforts différents. J'ai connu les deux à Tokyo, mais je pense que sur le coup, le marathon a été plus dur. J'ai ressenti de meilleures sensations sur le 10 000 mètres puisqu'à 600 mètres de l’arrivée j’avais encore une chance de médaille d’or. En plus voir un français devant c’est assez rare (NDLR; il finira 10ème). Au marathon, il y a une certaine convivialité, mais il faut vraiment être en forme. En fait, j’aime les deux de deux façons différentes.

- La prochaine échéance que vous avez en ligne de mire ce sont les JO à Paris en 2024 ?
- Je vais d'abord cette année aux championnats du monde à Budapest le 27 août. Mais évidemment, je vise Paris 2024. Il y aura 3 coureurs français. Pour pouvoir participer au marathon il faut faire moins de 2h08 et j'ai déjà fait 2h05 ce qui équivaut à un top 6 mondial. Après on n'est jamais à l'abri d'une blessure, je ne vends pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. 

- Comment vous entraînez-vous pour Paris 2024 ? Comment se déroule une journée type ? 
- Je me lève le matin et je cours 15 kilomètres. L'après-midi je fais une séance spécifique qui peut comporter 15 à 20 minutes d'échauffement pour commencer des courses de 25 à 30 fois 400 mètres sur la piste. Le lendemain je fais un décrassage, une récupération avec des massages, des exercices de renforcement musculaire. Le surlendemain je vais plutôt faire une séance plus rythmée pour habituer mon cœur. Je m'entraîne entre 10 et 12 fois par semaine. 

- À un an des jeux, dans quel état d'esprit êtes-vous ? 
- Je dois me reconstruire sur le plan physique parce que j'ai été blessé au bassin. Mentalement, j'essaie aussi de me mettre en condition parce que des marathons on n'en fait pas tous les jours. J'essaie de beaucoup me challenger en me disant que les autres ne me feront pas de cadeaux. 

- Quelle est votre force aujourd'hui ? 
- J'ai toujours eu l'impression que l'on ne me croyait pas capable d'arriver à ce niveau. Moi je me suis toujours considéré comme Français et Corse, mais par mes origines maghrébines j'avais l'impression que l'on me mettait dans une case. Au fil des années, cela m'a donné envie de me surpasser parce qu'il fallait que je fasse toujours plus que tout le monde. Aujourd'hui, je peux vivre mes rêves.

Morhad Amdouni aux JO de Tokyo en 2021/ Photo FFA
Morhad Amdouni aux JO de Tokyo en 2021/ Photo FFA