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Covid-19 : Le cri du cœur des agents de propreté insulaires


Rémi Di Caro le Vendredi 27 Mars 2020 à 16:50

A la suite de la dernière intervention télévisée du premier ministre Edouard Philippe durant laquelle ce dernier a tenu à remercier, à juste titre, le corps médical combattant avec acharnement cette pandémie, certains métiers qui luttent également contre cette crise sanitaire se sont, quant à eux, senti oubliés. C'est le cas de l'entreprise "Nettoyage Insulaire" dirigée par Eric Bousquet, qui opère sur l'ensemble de l'île depuis une trentaine d'années maintenant, et qui a souhaité communiquer, au travers d'une lettre, sur la non considération qui touchait ses agents.



(Image d'illustration)
(Image d'illustration)
"On a l'impression d'être un peu la dernière roue du carrosse." C'est l'impression dont nous a fait part Benoît Scognamiglio, encadrant au sein de la SARL Nettoyage Insulaire, qui emploie plus de 200 techniciens ayant pour mission de maintenir une hygiène impeccable dans de nombreux endroits, publics comme privés.
Se sentant délaissés, ces derniers ont décidé d'écrire une lettre pour faire part de leurs sentiments :

"Je m’appelle Marie, Assunta, Fatima, Helena, Berthe, Zarah, Sonia.. Pour gagner ma vie je travaille dans une entreprise de nettoyage, maintenant nous disons propreté. Quand les gens me demandent, pour eux je fais du ménage, et pourtant, je suis agent de service, agent de propreté. Comme tout le monde, j’ai une famille, et comme pour tout le monde mon métier la fait vivre.

[...] Aujourd’hui, nous sommes le petit monde invisible, telles des fourmis se promenant sous les lames du parquet, on nous demande d’être le plus discret possible, de juste «passer» et d’emporter avec nous les «souillures» des autres. [...] Bien sûr, c’est notre métier, ce n’est pas là le soucis, mais ce qu’on aimerait nous, ce serait un peu plus de considération, de dialogue, de reconnaissance en fait.
Ne plus être le petit monde invisible. Que l’on puisse s’adresser à nous et non pas se plaindre de nous, nous faire participer à la prévention et non pas subir la répression. Mais pour beaucoup, nous sommes sous "les lames du parquet" C’est notre quotidien.


Puis, le Coronavirus est arrivé, et avec lui ses peurs, ses craintes et toutes ses interrogations. Moi aussi, je m’inquiète, Moi aussi, je redoute de l’attraper, Moi aussi, j’ai peur de le ramener chez moi et d’exposer ma famille. Mon employeur nous a remis plus de gants, de blouses, des produits javel et alcool en quantité, des vapos de produits bactéricides et lingettes désinfectantes.
Mon chef d’équipe nous a bien expliqué le nouveau protocole et rappelé les gestes barrière. Je fais très attention, pour moi, pour ma famille, pour le client, pour nous tous en général.

Car j’ai bien compris, que le premier front c’est le corps médical, mais que nous sommes de suite la vague d’après. Nous sommes celles et ceux qui nettoie là où les gens vivent, là où, peut-être, le virus est passé. Notre rôle est important pour participer modestement à sortir de cette crise. Et si possible à en sortir indemne.

Plusieurs de mes collègues ont préféré s’arrêter de travailler, mais beaucoup ont continué malgré le risque. Nous avons décidé de rester, de faire notre travail différemment et participer au combat. Équipés, formés, nous œuvrons jour après jour à cette tâche qui nous apparaît vitale. Et la peur au ventre, c’est vrai, nous y allons, mais nous y allons fièrement.

Ma décision de continuer, je l’ai prise depuis déjà quelques jours, après en avoir parlé avec mon employeur, avec mes supérieurs. Ma décision, je l’ai prise bien avant qu’on nous parle de prime. Ma décision, je l’ai prise bien avant qu’on me parle d’obligation ou de réquisition. Alors, tout ça en tête, dans le quotidien qui est le mien, qui est le nôtre, j’assume mon engagement.

Mais je suis triste et presque outrée quand je lis la déclaration du premier ministre hier, qui cite bon nombre de métiers méritants et ce à juste titre, et le nôtre n’en fait pas partie, le nôtre n’est toujours pas considéré. Je reste ainsi, avec les centaines de milliers de mes collègues, l’armée de l’ombre, les fourmis du dessous du parquet.

Et pourtant, nous existons tous les jours, Nous participons bien plus que certains en ces temps de crises. Peu importe, je continue, nous continuons, et ce soir, comme tous les soirs, à 20h je serais à la fenêtre des bureaux que je nettoie et désinfecte, pour applaudir tous ceux qui sont au front à côté de nos malades."