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Conseil municipal de Bastia : Polémiques électorales


Nicole Mari le Vendredi 13 Décembre 2013 à 22:49

Après un hommage général à Nelson Mandela, la dernière session 2013 du Conseil municipal de Bastia a buté sur le débat d'orientation budgétaire qui a donné lieu à une mise au point musclée entre majorité et opposition nationaliste. L'implantation de vidéosurveillance a déplacé la polémique vers le maire et sa dissidence. L'embauche de 15 agents recenseurs en pleine campagne électorale a suscité la suspicion d'Inseme per Bastia.



Conseil municipal de Bastia : Polémiques électorales
L'ambiance est faussement calme. L'affluence sur les bancs du public est, déjà, révélatrice de la tension électorale sous-jacente. La campagne surgit dés le 1er débat sur les orientations budgétaires avec un retour brutal sur les propos tenus par l'un des candidats, Jean Zuccarelli, lors de son premier meeting. Elle s’invite, ensuite, au menu de tous les sujets sensibles.
Tout débute plutôt tranquillement avec une présentation succincte des orientations budgétaires par le 1er adjoint délégué aux finances, Ange Rovere, se livrant, ainsi, pour l'avant-dernière fois de sa longue carrière politique à son exercice favori. Il le fera, une ultime fois, pour le vote du budget primitif, repoussé à la session de fin janvier.

Peu de marges de manœuvre 
Dans la ligne de ses prédécesseurs, le budget 2014 ne présente guère de surprises. Il s’axe autour de deux points forts. « Le budget primitif n’augmente pas les taux d’imposition. C’est un choix politique que nous faisons depuis 25 ans. Il affiche une épargne nette positive », indique, d’emblée, Ange Rovere. Il explique que les charges financières seraient en baisse de 9% et que l’encours de la dette a diminué de 12 millions €, depuis 2008, passant de 40 millions € à 28,8 millions prévus pour 2014. Pendant cette période, la ville a investi 133 millions €. Les recettes devraient rester stables. L’élargissement des bases d’imposition, suite à l’arrivée de logements nouveaux et donc de nouvelles taxes d’habitation, laisse augurer une croissance de 3% du produit des impôts. Celle-ci devrait contribuer à équilibrer la diminution des dotations de l’Etat, évaluée autour d’1 million €. Aussi aucune opération nouvelle n’est-elle programmée au niveau des investissements qui ne concerneront que le paiement des chantiers en cours déjà votés. « La section d’investissement n’est plus à la hauteur de ce que nous avons connu précédemment, entre 45 et 50 millions par an », précise Ange Rovere. Elle s’établira à 36,8 millions € pour 2014 avec un besoin d’emprunt de 29,5 millions €.
 
Un budget insincère
L’opposition nationaliste, par la voix de Michel Castellani, estime cette présentation budgétaire plutôt tendancieuse, trop avantageuse pour l’équipe municipale et peu sincère. « Nous n’avons sous les yeux qu’une partie du fonctionnement de la ville car il manque celui de la CAB (Communauté d’agglomération bastiaise). Il y a quelque chose d’artificiel dans ces dépenses. La présentation de la situation financière de la ville est très avantageuse ». L’élu d’Inseme per Bastia estime que les taux d’imposition n’augmentent pas parce qu’ils sont déjà très élevés et bien supérieurs à ceux des moyennes nationales. Il s’étonne que la majorité accepte comme « une fatalité » la faiblesse du potentiel fiscal de la ville sans rien faire pour y remédier. Et se demande : « Comment financer la part du programme d’investissements qui ne l’est pas ? ».
 
Une loi non respectée
La maire et président de la CAB, Emile Zuccarelli, fait remarquer que les débats et les comptes de la CAB, étant publics, ne peuvent être ignorés. « Ne dites pas que vous ne savez pas ! ».
Gilles Simeoni, le leader d’Inseme, réplique que le maire a refusé que l’opposition soit représentée à la CAB et l’accuse de ne pas appliquer la loi Chevènement. Celle-ci oblige le président de la CAB à envoyer 2 fois par an un rapport sur la situation financière à chaque commune concernée. Ce rapport doit, ensuite, faire l’objet d’une délibération et d’un débat en Conseil municipal. Ce que l’actuelle équipe municipale, dont le malaise sur le sujet est patent, n’a jamais fait. « Avez-vous organisé la communication et le débat, prévus par la loi deux fois par an ? », questionne l'élu nationaliste.
Gêné, Emile Zuccarelli tente, quand même, de faire front : « Vous ne nous l’avez pas demandé ? ».
Riposte immédiate de Gilles Simeoni : « On a besoin de vous demander d’appliquer la loi ! ».
 
La dette de la CAB
Ange Rovere botte en touche en revenant sur le budget pour se féliciter de sa constance et sa répétitivité. Il explique la faiblesse du potentiel fiscal par les 30% de logements sociaux que compte la ville. « Nous financerons comme nous l’avons toujours fait sans toucher au porte-monnaie des Bastiais », clame-t-il. 
« C’est faux ! », assène Gilles Simeoni. « La dette de la CAB est passé de 6 millions € en 2007 à 36 millions € en 2013, elle a été multiplié par 6. Cette augmentation pèse aussi sur Bastia. Les Bastiais, qui représentent 75% de la CAB, remboursent aussi cette dette ».
Francis Riolacci, pressenti pour succéder à Ange Rovere sur le chapitre des finances, répond par un panégyrique de la CAB, de ses services et de ses réalisations, notamment celle du stade de Furiani. Il affirme que, grâce à elle, la taxe moyenne d’habitation et le prix moyen du m3 d’eau potable sont inférieurs à la moyenne nationale.
Le débat clos, Ange Rovere annonce que la ville est obligée de négocier l’ouverture d’une ligne de trésorerie avec la Banque postale en attendant le paiement des subventions du Conseil général et de la Collectivité territoriale qui sont en retard. « C’est un peu inquiétant ! », commente Gilles Simeoni.
 
Le respect des personnes
De façon impromptue, la campagne électorale fait une entrée brutale en plein débat budgétaire, quand Michel Castellani change brusquement de sujet et s’insurge contre les propos tenus par Jean Zuccarelli lors de son premier meeting. « Nous savons tous que le combat électoral se nourrit d’exagérations, d’attaques plus ou moins outrancières. Il y a des limites à ne pas franchir à ce jeu-là. Que vous nous accusiez d’incompétence, passe encore ! Que vous nous accusiez de cécité mentale, passe encore ! Mais, quand vous allez trop loin, comme votre candidat l’a fait, nous ne l’accepterons pas ! Vous attentez à notre honneur, vous ne respectez pas les personnes. Les valeurs de la démocratie nous appartiennent autant qu’à vous ! ».
L’occasion est trop belle pour Emile Zuccarelli de rétorquer en serinant son refrain favori : « Vous pouvez difficilement vous victimiser. J’attends toujours une condamnation claire des attentats, pas de ceux dont j’ai été victime. Il y a, chez vous, un silence assourdissant sur ce sujet. Ce sont vous et vos prédécesseurs qui n’arrêtez pas de distiller qu’il se passe des choses abominables à la mairie. Le respect des personnes est dans les deux sens ».
 
Le port, toujours plus Vieux !
Le gel des tarifs d’amarrage et d’hivernage du Vieux Port relance une vieille polémique.
Gilles Simeoni, qui s’est fait le porte-voix des revendications des pêcheurs, stigmatise « un déficit d’échanges » et de communication et des travaux toujours en rade.
Ange Rovere rétorque que réaliser ces travaux ferait « exploser » les tarifs d’amarrage. « Il n’est pas juste que la petite vieille de Lupino paye pour les usagers du Vieux Port. Il est normal que les Bastiais payent pour la cantine scolaire au nom de la solidarité, mais pas pour le plaisir de quelques uns ! ».
Réflexion désabusée du leader d’Inseme : « On est, donc, condamné à laisser le Vieux Port se dégrader ! ».
 
Les caméras de la discorde
La joute, qui n’opposait jusqu’alors que les deux voix de la majorité et de l’opposition, s’enrichit d’un troisième acteur sur la question de la mise en place d’un dispositif de videoprotection sur le domaine public. La Ville souhaite se doter de 13 caméras à divers points sensibles, notamment à la mairie, aux quatre ronds-points Nogues, Port de Toga, Novelty et Sampiero Corso, Place d’Armes, au Vieux Port ou encore rue Carbuccia. Elle demande à l’Etat, une subvention de financement de ce projet estimé à 150000 €.
Sur ce sujet particulièrement sensible qui touche à l’éthique, aux droits fondamentaux et à la liberté de chacun, la 1ère salve arrive, par surprise, de la dissidence. « Je découvre un rapport qui me surprend. Nous savons tous que la vidéoprotection, en milieu ouvert et sur la voie publique, est coûteuse et peu efficace. Elle ne concourt que très marginalement à l’élucidation des crimes et des délits. Dans la majorité municipale, nous avons toujours considéré que ce n’est pas une bonne solution », s’étonne François Tatti. Le candidat à l’élection municipale, en rupture de majorité, trouve étrange ce choix fait sans diagnostic préalable de sécurité, ni explication sur les choix d’implantation et cette demande de subventions par « un rapport très sec où on n’explique pas pourquoi on change d’orientation ».
 
Une proposition imbécile
Comme d’habitude, les interventions de son ex-adjoint aux travaux ne sont pas du goût du 1er édile qui dévie, en tir oblique, sur la proposition qu’il qualifie « d’imbécile » d’un membre de l’équipe Tatti d’armer la police municipale. « C’est faux ! Nous n’avons jamais fait cette proposition », récuse François Tatti. Julien Morganti, pilier de son équipe, se sent visé et riposte vertement qu’il a simplement posé cette question. « Ce qui peut paraître imbécile est de laisser en l’état la police municipale ! La police nationale n’est plus présente sur le terrain, surtout la nuit, et les délits restent sans réponse. Or, l’intervention, la nuit, pose des problèmes de sécurité des personnels ». Il prône une redéfinition de l’action municipale, le renforcement de l’encadrement, la formation des personnels et la création de locaux décents. Puis, il s’interroge sur la pertinence du choix des lieux d’implantation des caméras.
 
Un problème d’éthique
Le sujet gène visiblement le maire qui tente d’expliquer que ces caméras répondent à un besoin de sécurité de la population. « Nous avons hésité. La vidéoprotection peut être efficace. Il ne faut pas qu’elle soit liberticide ou trop coûteuse. Nous ne surveillons pas les grands axes. Les caméras ne font qu’enregistrer en boite noire. Il n’y a pas de coût de fonctionnement. », avoue-t-il. Il reconnaît, également, que le choix d’implantation n’est pas parfait : « C’est une première configuration. On verra ».
L’approximation fait réagir Gilles Simeoni qui n’approuve ni la méthode qui consiste à imposer ce dispositif « sans aucun débat approfondi, ni éthique, ni technique », ni le principe de vidéosurveillance, susceptible de dérives. « En l’absence de schéma directeur, on s’aventure dans une direction où on ne sait pas où on va ! ». Il demande un débat sur le sujet.
 
Un recensement suspect
La dernière querelle naît de l'embauche de 15 agents recenseurs en pleine campagne électorale qui suscite la suspicion d'Inseme per Bastia. « Ce recrutement est inopportun car le recensement intervient en février, pendant la campagne électorale, et se fait au domicile des gens. Ces opérations peuvent donner lieu à des démarchages ambigus à la veille du scrutin municipal. Pour qu’aucune suspicion ne soit fondée, nous demandons de les différer après la tenue du scrutin », propose Gilles Simeoni.
Refus net d’Emile Zuccarelli qui objecte que le recensement se fait partout en France. Il se déchaîne contre « les fausses informations et le jeu délétère à l’égard du corps électoral. Vous ne respectez pas votre ville. Vous stigmatisez le corps électoral. Vous cherchez les arguties ».
Le reste de l’ordre du jour sera expédié dans l’indifférence générale.
Les rapports entre la majorité et les oppositions se tendant au fil des jours, le prochain conseil municipal, prévu fin janvier, sur le budget, promet, à deux mois du scrutin, d’être électrique.
 
N.M.