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CESEC : Un clash préfectoral et une motion sur le prix des carburants votée à l’unanimité


Nicole Mari le Mardi 22 Février 2022 à 19:01

Brève altercation entre la CGT et les Nationalistes, mardi matin, à la session de février du Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Corse (CESEC), à propos du Préfet Lelarge. Des dissensions plus lisses ont, ensuite, animé les débats sur le rapport Spadoni concernant la fiscalité des successions et le rapport Mastor concernant l’évolution législative et règlementaire. Une motion relative au prix des carburants a, in fine, fait l’unanimité pour réclamer des mesures immédiates sur le prix des carburants et le pouvoir d’achat.



C’est par un clash bref et violent qu’a débuté, mardi matin, la session du CESEC. En ligne de mire : les cadeaux d’adieux du préfet Lelarge qui jaillissent en gerbe continue depuis l’annonce de son départ… et qui réservent peut-être d’autres surprises à venir ! L’ex-locataire du Palais Lantivy entend bien faire payer à la Corse et particulièrement à son pouvoir nationaliste son remplacement prématuré. S’y ajoutent en cascade les avatars de Matignon avec le maintien du statut de DPS du commando Erignac… Les relations, qui semblaient s’adoucir, se retendent brusquement entre la Corse et Paris. Dans son discours d’ouverture, la présidente du CESEC, Marie-Jeanne Nicoli, relaye l’inquiétude générale. « On pouvait espérer que le contentieux s’allègerait. Malheureusement, les signaux, que nous espérions positifs semblent, aujourd’hui, susciter plus d’inquiétude que d’apaisement. Mauvais signe que le scandaleux mandatement d’office sans aucune concertation préalable avec le président de l’Exécutif ! Mauvais signe que le non-versement des 50 millions € obérant dangereusement le budget de la CDC et compromettant la mise en place de son projet de développement de l’île et la concrétisation des actions qui sont absolument nécessaires à l’amélioration de la condition de vie des Corses. Comment interpréter la décision de la Commission locale de la centrale de Poissy, qui s’est prononcée de manière défavorable à la levée du statut de DPS du commando Erignac, sinon comme un blocage politique qui semble perdurer ! De manière inattendue, sans raison explicable, après avoir donné depuis 2017, plusieurs avis favorables, on peut s’interroger sur les motivations de cette décision, sur les intentions réelles du gouvernement et même sur la réelle indépendance de la justice ». Le nationaliste Denis Luciani appelle à une mobilisation collective face à des décisions qu’il juge « inqualifiables, iniques. Ces décisions ne sont nullement techniques ou honorifiques, elles sont politiques et frappées du sceau de l’infamie. Tous ces faits semblent résulter d’une tentative de provocation et de déstabilisation visant les élus légitimes de la Corse. Elles sont, hélas, au diapason d’une mandature présidentielle marquée par le mépris des élus de l’île, de sa démocratie et de ses institutions ».
 
Un psychodrame 
Le sujet semble clos, et le débat se focalise sur le premier rapport à l’ordre du jour, à savoir le Document d’orientations budgétaires (DOB) de la Collectivité de Corse (CDC). C’était compter sans Jean Pierre Battestini, délégué du syndicat CGT, qui lance tout à trac : « Certes, le Préfet est breton, il n’a pas de sympathie particulière pour les dirigeants de la CDC qui l’ont accueilli aussi de manière assez rude. Quoi qu’il en soit, il faut faire attention à ne pas attaquer un homme comme cela, comme je le vois sur les réseaux sociaux. Nous avons déjà malheureusement vécu un drame avec l’assassinat d’un préfet, je ne souhaiterais pas qu’il y en ait un deuxième ». Le propos fait immédiatement bondir Denis Luciani qui s’écrie : « C’est scandaleux ce que vous dites là ! Pourquoi on appelle au meurtre du préfet ! ». Jean Pierre Battestini n’en démord pas : « Il y avait, aujourd’hui, malheureusement, sur les réseaux sociaux, des gens qui s’emportaient, comme tu le fais maintenant, accusant le préfet de vouloir presqu’assassiner la Corse par son attitude. Je le dis tranquillement : soyons calmes, soyons vigilants. On a déjà tué un préfet en Corse, je pense qu’il faut raison garder ». Cette fois, la présidente Nicoli l’interrompt : « À aucun moment, dans cet hémicycle, nous avons mis en cause la personnalité du préfet. Nous avons simplement indiqué que son mandatement d’office, juste la veille de son départ, était un acte scandaleux et dangereux pour le développement de la Corse et le budget de la CDC. On ne peut pas élargir le propos à ce qui se dit sur les réseaux sociaux et dont nous ne sommes pas du tout comptables ». Réponse de Jean Pierre Battestini : « Je dis les choses comme je les ressens sans vouloir vexer personne. Chacun a sa sensibilité, il faut respecter la sensibilité des uns et des autres. Je n’accuse personne de vouloir assassiner le préfet ». Riposte de Denis Luciani : « La différence d’arguments ne permet pas d’allier des propos avec des actes qui sont en tous points condamnables. La diffamation, ce n’est pas de l’argumentation ». Jean-Pierre Savelli en appelle à la solidarité des Corses face à ce qu’il considère comme « une grande manipulation faite par le gouvernement. On voit très bien le mépris affiché et tout ça mène à l’altercation que nous avons eue. C’est fait pour diviser. Je souhaiterais que par rapport à ce mépris, ces insultes, nous soyons tous solidaires ».

Légal ou pas ?
Ceci dit, le délégué CGT défend la décision préfectorale : « Sur le mandatement d’office, je suis désolé, il est obligé de le faire pour ne pas être responsable des dettes non encourues. C’est comme cela que pratiquent les comptables publics parce qu’ils sont responsables des dettes publiques et qu’ils engagent leur propre responsabilité lorsque les dettes, qu’ils sont chargés de recouvrir, ne le sont pas. C’est la loi ! ». Il reconnait cependant que « le préfet la fait de manière assez cavalière sans prévenir le président de l’Exécutif ». Tout en rappelant que la CGT a a été la première à dénoncer les pratiques de la Corsica Ferries : « On en paye aujourd’hui toutes les conséquences. Au-delà de l’amende scandaleuse que nous devons payer, que ce soit l’Etat ou la CDC qui paye, c’est de l’argent public qui va dans une société dont le siège est en Suisse. Je ne veux pas créer de tensions supplémentaires, il y en a assez. On voit que les attentats reprennent, en même temps les Corses vivent des moments très durs au niveau social ». Rectifiant le tir, Marie-Jeanne Nicoli explique que s’il y a obligation de payer la dette de 86 millions € « c’est ce qui a été fait ! », en revanche, « concernant les intérêts qui ont fait l’objet d’un mandatement d’office, il y avait un engagement de l’Etat pour accompagner la CDC à négocier avec le créancier, sinon l’annulation des intérêts, au moins leur diminution ». Le délégué du STC, Jean Brignoles rétorque, lui aussi, que l’argument de son collègue de la CGT « ne tient pas la route. En tant que syndicalistes, on a été amené ensemble à faire valoir l’avis général plutôt que la simple comptabilité publique ou privé. Malheureusement, par rapport à la Corsica Ferries, il y aura encore des dettes à payer avec une action judiciaire entre 25 et 40 millions € à régler ». Sans compter, précise-t-il, « l’enquête européenne pour demander aux compagnies délégataires le remboursement de centaines de millions € avec un clash social derrière ».

Des avis critiques
Le calme revenu, le CESEC rend des avis critiques sur deux rapports : celui de Me Alain Spadoni sur la transmission du patrimoine immobilier, et celui de Wanda Mastor sur l’évolution institutionnelle de la Corse. Concernant le premier, il fait cinq propositions, notamment la possibilité de réaliser l’ensemble des successions en un seul acte et un paiement unique supporté par l’ensemble des ayants-droits. L’idée est de de limiter « les prescriptions inquisitives pour éviter des actes successifs pénalisants ». Le CESEC préconise aussi d’intégrer d’autres indicateurs que la seule valeur marchande dans l’évaluation de la valeur vénale des biens, et même de définir une valeur par microrégion, et d’engager une révision du cadastre. Pour préserver le patrimoine des familles corses à la retraite modeste, il recommande que les plafonds règlementaires de récupération sur actif successoral soient fixés à 100 000 € pour l’ASPA (Allocation de solidarité aux personnes âgées), l’ASH (Aide sociale à l’hébergement) et l’ASD (Aide sociale à domicile). Enfin, il veut rester dans le droit commun pour les successions de plus de 500 000 €. Le rapport d’étape de Wanda Mastor, qualifié de « technique » et « d’assez attendu » est taclé pour son manque d’ambition. « Il faut aller plus loin. On n’avance pas ! », commente Jean-Pierre Savelli. Jean Dal Colletto, représentant de la diaspora, suggère de réfléchir à un statut de la diaspora, comme au Pays Basque. « Il y a une véritable osmose entre les gens du Pays Basque et ceux qui ont été contraints de partir et de rester à l’extérieur. La participation des Corses de l’extérieur au CESEC est une conquête historique, mais la représentation de la disapora à la CDC est en dessous de ce qui devrait être. Quand on voit la représentation des Français de l’extérieur au sein de la représentation nationale, on pourrait s’en inspirer ».
 
Une motion sur les prix
Enfin, est abordée la question du prix du carburant à travers une motion, votée à l’unanimité, qui fixe deux priorités et cinq demandes insistantes. Pour faire face à l’urgence, la motion réclame, comme solution immédiate et applicable, la majoration des aides gouvernementales : « dans l’optique de corriger le surcoût induit par l’impossible non-recours au véhicule personnel, une majoration indexée sur le différentiel Corse-Continent constaté à la moyenne des prix à la pompe sur un exercice annuel, et plus largement du surcoût de la vie dans l’île et à la moyenne des salaires, des aides directes au consommateur ». Mais aussi, « le blocage immédiat du prix des carburants en Corse, indexé sur le différentiel Corse-Continent à la moyenne la plus basse constatée sur un exercice annuel ». Tout en réaffirmant son soutien à la démarche portée en ce domaine par l’Exécutif corse, la motion réclame, ensuite, la généralisation de l’indemnité compensatoire et la mise en place de l’Indemnité de trajet région corse (ITRC), négociée et validée par l'ensemble des parties prenantes en mars 2020. Egalement, la prise en charge à 100% par l'employeur de l'abonnement aux transports collectifs pour les salariés, et le soutien des initiatives locales pour proposer des transports en commun à des tarifs préférentiels, voire gratuits. Mais aussi l’intervention de la puissance publique pour lutter contre la situation de monopole dans l’approvisionnement et le stockage des carburants en Corse. Enfin, la mise en œuvre d’un cadre législatif et règlementaire dans la durée, « adapté aux contraintes et besoins spécifiques de l’île, en matière de fiscalité et de fixation des prix des carburants, à l’instar du mécanisme spécifique qui s’applique dans les territoires d’Outre-Mer ». Les avis ont été transmis à l’Assemblée de Corse qui se réunit, ces trois prochains jours, en session.
 
N.M.