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Bastia : Une manifestation contre les violences sexuelles


Philippe Jammes le Vendredi 19 Juin 2020 à 08:54

«Ensemble, brisons le silence» c’est le cri du cœur d’une trentaine de femmes et d’hommes victimes de viols ou de violences sexuelles en Corse. Ce sera le slogan de la manifestation de ce dimanche 21 juin, une marche qui partira à 18 heures du Palais de Justice pour se rendre à la préfecture de Haute-Corse, via la place Saint Nicolas.



Bastia : Une manifestation contre les violences sexuelles
Si ce n’est pas la première fois que des victimes montent au créneau, les actions de celles-ci prennent plus de poids depuis quelques semaines avec l’émergence du hashtag #Iwas. Un mouvement né au début du mois aux Etats-Unis et qui a vite traversé l’Atlantique pour se répandre sur les réseaux sociaux en France. #IWas (« J’avais » ou « J’étais »), suivi de l’âge au moment des faits, permet aux victimes de violences sexuelles de partager ce qu’elles ont vécu. A travers ce hashtag, des victimes de violences sexuelles  témoignent d’une agression, d’un attouchement, d’un viol, et racontent leur expérience, pour briser le silence. La parole se libère. Y compris en Corse, loin d’être à l’abri des faits, où l’omerta, les tabous sont bien ancrés.
CNI a rencontré Lina Marini, toute jeune étudiante bastiaise, une des organisatrices, une victime aussi.

-  La Corse, une île où pourtant les valeurs sont fortes,  est-elle concernée par les violences sexuelles ?
-  La Corse n’est pas à l’abri. La proportion de cas est importante. On doit recenser à ce jour 200 cas déclarés. Des violences subies aussi bien d’ailleurs par des hommes que par des femmes même si elles sont majoritaires. Sous le poids des tabous, notre île est restée trop longtemps sous silence. Pourtant nous n’avons pas été épargnés. Depuis la naissance du hashtag #IWAS, plusieurs centaines de corses, femmes et hommes, ont témoigné. Aujourd’hui il est temps de réagir et surtout d’agir. Il est temps pour les victimes d’obtenir Justice. C’est pour cela que nous appelons à la mobilisation de tous, dimanche à 18h devant le Palais de Justice de Bastia.


- Qui se cache derrière le « Nous » ?
-  Nous sommes une trentaine de femmes et d’hommes, des victimes. Nous nous sommes rencontrés sur les réseaux sociaux grâce au hastag. Nous n’avons pas de nom de groupe. Pour cette mobilisation, on a voulu se regrouper en dehors des réseaux sociaux pour avoir une démarche concrète.


- Quelle est votre démarche ?
- Aujourd’hui on veut éveiller les consciences, briser les tabous. Nous voulons que les personnes victimes de viols, de violences sexuelles, qu’elles soient des femmes ou des hommes, se sentent moins seules, aidées. Certains ont déjà porté plainte, d’autres pas encore…cette manifestation est aussi dédiée à toutes les personnes qui sont dans le silence


-  Par peur ?
-  On n’a pas peur même si aujourd’hui il y a beaucoup de pression sur les victimes. Pression des agresseurs eux-mêmes mais aussi de leurs familles. Des pressions aussi sur les réseaux sociaux. Certains ont même porté plainte pour diffamation. Il est vrai que des listes de noms ont circulé sur les réseaux sociaux mais elles n’étaient pas de notre fait. Mais aujourd’hui beaucoup de victimes restent dans le silence


- Vous-même ?
-  Je suis une victime très concernée. J’attends d’autres témoignages pour porter plainte car si je suis seule, ma plainte sera sans suite, faute de preuves. J’étais dans la souffrance et je croyais que c’était un cercle restreint. Mais j’ai vite découvert des amis dans le même cas.


- Que donnent les plaintes ?
- Beaucoup de plaintes restent sans suite, faute de preuves. C’est souvent la parole de l’agressé contre celle de l’agresseur. Les témoignages manquent et on nous prend pour des menteuses. Nous voulons que nos plaintes soient prises au sérieux. C’est pour cela qu’on souhaite qu’il y ait beaucoup de monde à notre manifestation dimanche. Il s’agit d’une première action, on ne fera pas retomber la pression.


- Avez-vous contacté d’autres associations ?
- Nous avons été reçus par des associations de défense des femmes qui
 nous ont écoutées, donné des conseils. Des avocats, suite à nos tweet, se sont aussi manifestés pour nous aider.


- Un désir de vengeance ?
- Non pas du tout. Un désir de justice oui. Aujourd’hui les victimes ont honte d’elles-mêmes, on veut que la honte change de camp. Que les plaintes arrivent à terme, que justice soit faite. Vous parliez de valeurs, le coté patriarcal est très fort chez nous, certains coupables ne se rendent même pas compte du mal, de la faute qu’ils commettent. Il y a aussi un manque d’éducation.