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Bastia : Une "Entrée Livre spécial traduction" à la bibliothèque centrale


Odile AURACARIA le Samedi 7 Décembre 2013 à 00:01

Un débat animé par Marie-Hélène Muraccioli s'est déroulé mardi soir à la bibliothèque centrale de Bastia.



Bastia : Une "Entrée Livre spécial traduction" à la bibliothèque centrale
Au cours de ce dernier rendez-vous de l'année "D'Entrée Livre" les participants devaient s'exprimer autour du thème de la traduction. Que signifie bonne traduction? Comment peut-on traduire pour que le lecteur ressente une émotion?
Marie-Hélène Muraccioli a conseillé deux ouvrages pour guider les lecteurs. "Sur la traduction" du philosophe Paul Ricoeur qui fait découvrir la traduction et la nécessité de traduire sans trahir l'auteur pour que celui-ci fasse passer un message. "Pour une critique des traductions John Donne" de Antoine Berman, là l'auteur présente les dangers d'une traduction qui peut déformer le sens d'un texte. Ainsi John Donne avait écrit un poème conjugal qui du fait de sa traduction est devenu un poème érotique. D'où il ressort que la traduction est parfois très subjective. Confiance et trahison sont étroitement mêlées. Pour traduire, il est nécessaire que le traducteur possède une bonne culture générale afin d'être bien imprégné du texte et du contexte dans lequel celui-ci a été écrit.
L'assemblée est tombée d'accord pour dire que le mot à mot ne convient pas bien sûr, mais qu'il faut s'occuper du sens des mots.
Malgré tous ces dangers et ces restrictions, la traduction s'avère nécessaire du fait qu'il existe environ 6 000 langues dans le monde. Des cas particuliers se présentent, alors comment traduire? La question s'est posée pour "L'Etranger" d'Albert Camus, livre rédigé au passé composé, lorsqu'il a été traduit en créole langue où ce temps n'existe pas. Fallait-il quand même traduire cette oeuvre? Fallait-il renoncer privant ainsi les lecteurs créoles de la découverte d'un grand roman?
On ne peut pas tout traduire non plus, il faut respecter l'écriture de l'écrivain. Ainsi, James Joyce, dans ses textes en anglais, incluait des termes en français ou en italien, qu'il est bon de conserver.

Différents lecteurs ont présenté des ouvrages étrangers qu'ils venaient de lire en français, se déclarant satisfaits de la traduction qui leur avait été proposée. "Les 622 chutes de Bungo" de Stanislaw Witkiewicz, traduit du polonais, livre largement autobiographique écrit entre 1910 et 1911, qui a marqué la littérature polonaise. "Un chant de Noël" de Charles Dickens, écrit en 1843, traduit de l'anglais. "Gatsby le magnifique" de Francis Scott Fitzgerald, traduit de l'américain.
Le seul bémol touche un livre de Stefan Zweig, "Amerigo", traduit de l'allemand, qui semble présenter des contre-sens, des répétitions et des fautes de français.
Une lectrice s'est penchée sur la traduction du poème "If" de Rudyard Kipling, écrit en 1910 et devenu sous la plume d'André Maurois en 1918 "Tu seras un homme mon fils". Cette traduction du poème est la plus ancienne et semble-t-il la plus fidèle et la plus appréciée. Mais cette oeuvre a été traduite cinq autres fois, par Germaine Bernard-Cherchevsky en 1942, Jules Castier en 1949, Hervé-Thierry Servent en 2003, Jean-François Bedel en 2006, Leslie Tourneville en 2009, dans des versions et sensibilités très différentes. Il est possible de retrouver et comparer les différentes traductions sur le site www. crescenzo.nom.fr/kipling.html
Enfin, lorsque l'oeuvre d'un auteur n'est pas tombée dans le domaine public, il est très difficile de pouvoir le traduire. La question s'est posée avec "Le vieil homme et la mer" de Ernest Hemingway, traduit à l'origine par Jean Dutourd. François Bon présentant sur le net une nouvelle traduction de ce roman, a été contraint par les éditions Gallimard de tout effacer.
Après un débat aussi passionnant, la soirée s'est terminée par le partage de pâtisseries et de muscat corse.
Il ne faut pas oublier que cette 3ème édition de "I Scontri di u Libru" se poursuit toute la semaine. Une exposition d'Ex-Libris et de signets est visible dans la section patrimoniale de la bibliothèque centrale. Le public est attendu à l'auditorium du Musée, samedi 7 décembre à partir de 10 h 30 pour une table ronde, des rencontres d'auteurs et d'éditeurs et des lectures musicales.