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Ajaccio : 18 mois d’emprisonnement pour cyber harcèlement


Laurina PADOVANI le Mardi 20 Février 2018 à 22:25

Ce mardi 20 février le tribunal correctionnel d’Ajaccio jugeait un cas de cyber harcèlement. Un homme de 29 ans comparaissait pour avoir forcé des jeunes filles mineures à se déshabiller sur le net.



Ajaccio : 18 mois d’emprisonnement pour cyber harcèlement
C’est en fin de journée ce mardi, après une longue journée d’audience, que la présidente du tribunal correctionnel d’Ajaccio appelle à la barre Serge Laurent (Les noms ont été modifiés pour la rédaction de cet article). L’air désorienté, il s’approche et écoute immobile le retour sur les faits.
L’Ajaccien de 29 ans comparaît pour avoir forcé des jeunes filles mineures de moins de 15 ans à se déshabiller sur des réseaux sociaux. Des faits qui se sont déroulés de 2013 à 2015.
Dans cette affaire il y a quatre victimes dont l’une d’entre elle, Alizé, la plus jeune (13 ans au moment des faits) s’est portée partie civile. Cette dernière a échangé pendant des semaines sur internet avec le prévenu. Celui-ci a usé de compliments pour la séduire et la mettre en confiance. Il lui demande tout d’abord des photos. Puis il lui fait part de son envie de communiquer avec elle par webcam, en restant, de son côté, anonyme. Il l’incite alors à se déshabiller et à se toucher devant la caméra. Elle refuse puis, après quelque mois, finit par céder.
Alizé parle alors de menaces de diffusion de vidéo.
« Elle avait refusé de se dévêtir et j’étais frustré, explique le prévenu. Alors je lui ai dit que j’allais mettre ses vidéos sur le net. Mais je ne comptais pas vraiment le faire. Je n’avais pas ces vidéos

Des explications qui ne contentent pas le procureur Sylvain Darchy.
« La victime vous a assuré que si vous diffusiez ses vidéos, elle se suiciderait, assène t’-il. Et pourtant vous êtes resté sourd à ces menaces. Vous ne vous êtes pas dit que ça pouvait déraper? Vous pensiez qu’elle bluffait? »
Le prévenu ne répond pas et baisse la tête.

L’avocat de la défense, Me Alain Falzoi, demande à son client comment il se sentait à cette époque. « J’étais très gros, je faisais presque 120 kilos et j’avais des problèmes de santé dû à une anomalie sexuelle, raconte Serge Laurent. Je n’avais pas confiance en moi et je restais enfermé à la maison devant les réseaux sociaux. »
« Mais ça n’explique pas votre attirance pour des mineures » reprend la présidente.
« Je ne savais pas qu’elles étaient mineures, assure le prévenu. Alizé m’a dit qu’elle avait 17 ans

« Des faits détestables. »
Une fois les débats terminés, c’est à la partie civile et Me Marie-Laure Battesti de revenir sur le profil de la jeune victime. Une enfant issue d’une famille recomposée, abandonnée par son père.
En grandes difficultés, la jeune fille aurait trouvé dans cette relation virtuelle un moyen d’exister. Elle pensait avoir trouvé une place, une écoute auprès de son correspondant. Elle dit même être tombée amoureuse.
Les faits sont selon Me Battesti « difficilement qualifiables » et « détestables »
« Je ne reprendrai pas ce qui a été dit durant ces conversations, c’est sordide et odieux. Lorsqu’on a des enfants, on redoute des individus comme Mr Laurent, de l’autre côté du web. »

Dans son réquisitoire, le procureur Sylvain Darchy revient sur le mode opératoire du prévenu. De la mise en confiance à la phase de chantage, la mécanique semble selon lui bien rodée.
« Le cyber harcèlement est à l’origine de nombreux suicides. Quoi de pire pour une adolescente que la divulgation de son intimité. Cela peut causer des dégâts irrémédiables. »

L’instruction démontre plus de 43 000 messages échangés avec des jeunes filles entre 13 et 20 ans.
« Il y avait donc bien une recherche de ce profil, assure M Darchy. Il était tout à fait conscient de l’âge de ses correspondantes. »
Le procureur évoque la volonté du prévenu d’assouvir ses désirs sans prendre compte des conséquences sur ses victimes.
« Des victimes qui, elles, auront des difficultés à revenir à une vie normale. »
Il annonce ses réquisitions : 2 ans d’emprisonnement dont 6 mois de sursis avec une mise à l’épreuve de trois ans, obligation de soins et un dédommagement des victimes.


L’ère de la virtualité
Dans sa plaidoirie, Me Falzoi reconnait le comportement odieux de son client. Pourtant, il s’étonne de la « maturité » de la victime qui avait des vidéos de strip-tease dans son ordinateur. Il interpelle la présidente sur cette attitude revenant sur le fait qu’Alizé était d’accord pour faire ce qu’on lui demandait.
« On laisse penser que mon client est un prédateur. Je n’excuse pas ce qu’il a fait mais c’est un gamin face à des gamines. Ils sont dans un monde virtuel. Nous sommes dans l’ère de la virtualité. Aujourd’hui cette virtualité a dépassé la réalité. »


Le conseil assure qu’il n’y a pas de preuve de pédophilie, rien dans l’ordinateur de son client.
Les deux expertises psychiatriques et l’expertise psychologique font état d’un mal être et ne mentionne pas que le jeune homme soit dangereux. Une « garçon » aujourd’hui en couple, apprécié dans son travail.
« Mon client a vécu pendant des années de manière virtuelle, avec un esprit de séduction dans un monde de paraître où des jeunes filles peuvent prétendre être plus âgées. Aujourd’hui il a eu plusieurs vraies relations et une vie bien réelle ».

Mais ce retour à la réalité plaidé par le conseil ne convainc qu’à moitié le tribunal.
L'homme est condamné à 18 mois d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis, 6 000 euros de dommages et intérêts et une obligation de se faire soigner. Le prévenu repart tout de même libre et bénéficiera certainement d’un aménagement de peine lui permettant d’être placé sous bracelet électronique.