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À Corte, les fidèles ont récité le Rosaire pour rendre hommage au pape François


Gilda Emanuelli et Mario Grazi le Lundi 21 Avril 2025 à 19:06

L'annonce du décès du pape François a suscité une vive émotion dans le monde entier, jusque dans la cité cortenaise. Le 15 décembre dernier, plusieurs centaines de fidèles de Corte s'étaient rendus à Ajaccio pour rencontrer le Souverain Pontife. Ce lundi soir, nombreux sont ceux qui se sont retrouvés en l'église de l'Annonciation pour lui rendre hommage en récitant le Rosaire.



Comme un coup du sort, heureux pour les uns et triste pour les autres, la mort du pape François est vécue par certains comme un message divin en ce lundi de Pâques, pour d'autres, un malheur. Et Corte s'est réveillée avec le son du glas venu du Vatican, annonçant la mort du pape François. Une nouvelle autant sidérante que douloureuse, bien que son état de santé n’ait guère été optimiste avec une pneumonie bilatérale. Ce dimanche de la Résurrection, déjouant la vie, les fidèles du Vatican et du monde entier le virent au balcon, ne voulant point déroger à la bénédiction Urbi et Orbi. Aussi, nul, ou presque, à part lui-même peut-être, n'aurait préjugé de cette miraculeuse disparition comme un legs de son humanité au monde.

Une humanité née, forgée, renforcée, puisque rompue aux épreuves des peuples des favelas de Buenos Aires pour ce jésuite d'Amérique latine, Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, né en 1936. Ce premier pape américain imposera son empreinte, son tempérament, son estampe indélébile au sein de l'Église catholique, tout au long de son pontificat et de ses "projets" liturgiques de proximité.

On dit que dans la vie, il n'y a pas que des hasards mais des rendez-vous : nul n'aurait soupçonné ce lundi ce rendez-vous de François, ce pape des peuples, avec le Christ ressuscité. Un pape, originellement garant de l'unité de l'Église. François, au terme de son ministère de douze années, aura imposé sa vision humaine d'une liturgie éminemment tournée vers les masses, le peuple, les indigents, donnant lui-même le ton à ceux qui l'avaient jugé ostentatoire, préférant une croix en argent à une croix en or. Parlant avec son cœur, remplissant sa mission avec autant d'humilité que de compassion, cet artisan de l'Église en marche, son intériorité tournée vers l'autre, dédaignant tout cérémonial, préféra la simplicité du camail immaculé sur sa soutane, privilégiant la proximité avec ses fidèles. Et puisque la foi est vivante, contrant la norme d'un catholicisme établi, il fit entrer le peuple au cœur de sa déontologie chrétienne, allant, en dehors des lignes vaticanes, là où on ne l'attendait pas.


C'est ainsi que, voulant être un pape des pauvres, ses destinations le portèrent, entre autres, jusqu'à des sites hostiles au catholicisme. Atypique, maniant subtilement, dirait-on, une ostie d'ironie au coin de l'œil, notamment lors de sa rencontre avec Poutine, fuyant les mondanités de l'inauguration de Notre-Dame-de-Paris, il en déconcertait plus d'un, comme le président français Emmanuel Macron, bien obligé de rencontrer Sa Sainteté dans un court intervalle d'un local de l'aéroport Napoléon Bonaparte d'Ajaccio après la visite d'apothéose de François sur le sol de l'île des Justes, dans sa Papamobile délestée de tout blindage de sécurité, fondant les foules recueillies dans une ferveur religieuse sui generis.

La Corse, terre chrétienne par tradition, avait fait les choses en grand à l'occasion de cette mémorable visite du Souverain Pontife, attendu comme le messie. Les Corses, en communion totale avec François, étaient en fait le rempart de sécurité de première ligne de leur pape, debout, bénissant hommes, femmes et nouveaux-nés sur son trajet ponctué de nombreux arrêts. Tout le monde gardera en mémoire son image de lumière, apposant son signe de croix sur le front des malades et des nouveaux-nés que des mères, animées d'une foi inextinguible, lui tendaient sans réserve.

Jamais, il n'aura vu autant d'enfants dira-t-il à propos de cette foi insulaire. Une date mémorable pour tous les chrétiens de Corse rassemblés ce 15 décembre dernier à Ajaccio, sur la vaste esplanade du Casone, dont la Corse avait offert l'insolite vision du plus merveilleux et surnaturel pupitre "d'una nave", d'un bateau, pour porter le message mystique de son pape, acclamé d'une inédite ferveur lors de son message d'amour et de paix sous la bienveillance de la mantille de la Madunuccia, de sortie en ce jour d'exception.

 


La Corse, en effet, avait mis en place un circuit bien rodé de navettes, de transports en communs, autobus et même des bateaux pour acheminer les fidèles jusqu'au point de ralliement. Longtemps, les Cortenais se souviendront de ce départ au petit jour de Corte via Ajaccio pour y faire "la rencontre de leur vie" de l'avis de tous les chanceux catholiques de l'événement religieux.

Aujourd'hui, abasourdis, consternés par la nouvelle de sa disparition, recueillis en l'église de l'Annonciation autour d'un Rosaire initié par la Cunfraterna San Teofalu, ils ont rendu hommage à "l'homme en blanc de la Papamobile" diront des enfants. La tristesse imprimait tous les visages rassemblés dans ce moment de deuil, dans ce temps de l'émotion et de la prière, suivi ce mardi soir de la messe de Requiem à 18 heures.

En cette période qui aurait dû être marquée par le Jubilé, les petites églises du monde et celle de Corte bousculent leurs habitudes pour rendre un vibrant hommage à leur pape au lendemain de la Résurrection. Un hommage à ce réformateur de l'Église catholique ayant défié la norme vaticane et celle de la Curie tout au long d'un pontificat lié aux plus précaires, au nom d'un humanisme exacerbé, au nom de la charité, comme pour les drames de Lampedusa, et de la justice, au prix d'écarts et de digressions au protocole parfaitement assumés puisque coïncidaient en lui la fonction publique et la fonction privée.

Absent pour la récitation du Rosaire, l'abbé Boccheciampe a dit sa tristesse et insisté sur le message de paix délivré par le Saint Père lors de sa venue à Ajaccio : "Nous rendons grâce à François pour tout ce qu'il a apporté à l'Église lors de son pontificat. La Corse a prouvé qu'elle était capable de se rassembler pour célébrer la vie et la foi. Je retiens tout ce qu'il a fait pour la pauvreté, les réfugiés, les migrants et les mourants en mer Méditerranée. Pèlerin inlassable à travers le monde, il s'est rendu aussi sur des terres hostiles. Je retiens aussi le fait qu'il a été le premier chef d'État à reconnaître l'État palestinien."

Avant la récitation du Rosaire, Laurent Ghionga, Premier Prieur de la Cunfraterna, a lu une prière dans laquelle il est dit : "Par lui, tu as tourné nos regards vers les plus petits et vers la Création..." Laurent Ghionga se souvient avoir rencontré François à plusieurs reprises :
"J'ai même déjeuné à ses côtés à Santa Marta. C'était un homme bon qui nous a apporté beaucoup de choses comme son message d'espérance."

Ce lundi soir, les fidèles se sont souvenus de cet homme exceptionnel. "Sa venue en Corse a permis aux jeunes de retrouver la foi, comme ma petite-fille de 19 ans", a déclaré Francine Coque, "et pour cela je l'en remercie."

L'émotion se lisait sur les visages de toutes et tous. Personne n'oubliera sa venue en Corse, comme Marilyne Antoni : "J'ai été émue et heureuse de le voir chez nous. Il a même dit qu'il se sentait chez lui en Corse. J'ai été bouleversée d'apprendre sa mort ce matin car c'était un très bon pape. De son pontificat, je retiens sa liberté d'esprit, sa générosité et sa proximité envers les plus démunis et isolés de ce monde."

Philippe Bona aussi était à Ajaccio ce 15 décembre. Il faisait partie de la chorale des 300 choristes.
Ce jeune organiste de l'église de l'Annonciation s'est dit : "particulièrement peiné par la disparition du pape François. C'était un Saint Père bienveillant et je l'avais déjà rencontré à Rome avec mon père Laurent et mon frère Pierre-Henri. Je garderai à jamais le souvenir de cette rencontre avec cet homme bon et proche du peuple."