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1er mai :« Si notre système social bascule, il y aura de grands malheurs en Corse »


Christophe Giudicelli le Jeudi 1 Mai 2025 à 08:49

Ce jeudi 1er mai, les syndicats défileront à Bastia dès 10 heures depuis le palais de justice. Un rassemblement particulièrement symbolique cette année pour la CGT, qui célèbre ses 130 ans d’existence. Charles Casabianca, secrétaire départemental de la CGT de Haute-Corse, alerte sur la remise en cause du modèle social français et ses conséquences dramatiques pour la Corse.



Charles Casabianca, secrétaire départemental CGT de la Haute-Corse
Charles Casabianca, secrétaire départemental CGT de la Haute-Corse
- Un 1er mai 2025 à la saveur particulière pour la CGT, qui fête ses 130 ans d’existence...
- Ce sont les 130 ans de la CGT et de tout le système social que nous avons mis en place avec les militants et élus de la CGT, mais aussi avec des ministres, notamment en 1948. Ce 1er mai est très symbolique, car tous nos avantages sociaux sont remis en cause. C’est un 1er mai important pour l’ensemble des salariés. Sur les projets sociaux, il se trouve qu’aujourd’hui les gouvernements n’ont que les mots « libéralisme » et « ultra-libéralisme » en tête, avec la remise en cause de notre modèle, mais aussi de notre bien-être au travail. Il y a aussi les attaques incessantes du patronat contre les représentants de la CGT, que ce soit au niveau local ou national, car nous demandons l’amélioration des conditions de travail.

- Réforme des retraites, réforme de l’assurance chômage, salaires, vie chère, système de santé, austérité… Quelles sont, cette année encore, les principales revendications portées à l’occasion du 1er mai ?
- Ça fait partie du « package » du 1er mai. Mais si l’on prend notre région en particulier, on s’aperçoit que ces problématiques sont encore plus accentuées. Sur la santé, on a l’exemple de l’hôpital de Bastia, avec les problèmes de recrutement, les départs plus ou moins volontaires, qui remettent en cause la politique sanitaire de notre région, notamment pour les populations les plus défavorisées. En ce qui concerne les retraites, à la CGT, nous pensons que le départ à la retraite à taux plein à 60 ans est possible, et qu’il faut arrêter de dire que les gens vivent plus vieux. En France, nous vivons en bonne santé jusqu’à l’âge de 62 ans en moyenne. Nous dénonçons aussi les attaques incessantes contre les conditions de travail, les statuts. Il y a aussi la précarité qui est croissante en Corse. Nous dénonçons également le manque de logements sociaux dans nos villes, pour compenser la perte de démographie scolaire, notamment à Bastia. Ce ne sont pas les projets mis en place qui vont compenser, dans les années à venir, les 8 000 demandes dans le Grand Bastia.

- Avez-vous l’impression que la situation sociale se dégrade de plus en plus rapidement ?
-:Oui, et nous nous apercevons qu’en ce qui concerne les extrêmes, la situation évolue encore plus vite. C’est-à-dire que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent. Nous pouvons penser que nous sommes dans une société où, quand il y a une difficulté, elle se retrouve à tous les échelons. Mais ce n’est pas le cas. On le voit avec le BTP dans notre région. On nous dit qu’il y a une crise, mais il y a énormément de constructions destinées à la location ou à la résidence secondaire. Il s’agit de choix politiques faits par les maires.

- Selon vous, les élus insulaires se préoccupent-ils assez du volet social ?
- Aujourd’hui, les élus se préoccupent de l’économie. Certes, il faut de l’économie, mais il ne peut pas y avoir d’économie sans social. Il ne peut pas y avoir d’économie sans pouvoir d’achat. 75 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, 120 000 perçoivent à peine le SMIC. Nous sommes la région la plus pauvre de France métropolitaine. Nous sommes la région avec un taux de RSA assez important, et tous ceux qui pourraient y prétendre n’en bénéficient pas, car cela mettrait en difficulté la Collectivité Territoriale. En plus de cela, nous sommes la région la plus chère de France : 20 % de différence par rapport à la moyenne nationale, et 14 % uniquement sur l'alimentation. Tout cela réuni fait que les pauvres s’appauvrissent davantage, et que les riches font leur beurre sur le dos des pauvres.
 
- Nous voyons régulièrement la population se mobiliser en masse sur de nombreuses thématiques – délinquance, cultuelle, etc. – mais très peu sur le social et notamment pour le 1er mai
- La retranscription qui est faite du 1er mai, c’est que c’est la fête du travail. Ce n’est pas le cas. C'est le maréchal Pétain qui avait décrété la fête du travail le 1er mai, mais c’est la fête internationale des travailleurs et des travailleuses. Nous continuons à dire que le 1er mai doit être une fête essentielle pour revendiquer des droits sociaux supplémentaires, mais aussi pour l’application de tous nos acquis sociaux issus du Conseil National de la Résistance. Si aujourd’hui notre système social bascule vers un système assurantiel, comme le souhaitent certains, je pense qu’il y aura de grands malheurs dans notre région. Des personnes ne pourront plus se soigner, ni se loger, ni avoir le minimum vital, et le 1er mai est là pour nous le rappeler.

- Vous évoquez cette tentation de la privatisation de la société. Le risque n’est-il pas grand, dans une région pauvre comme la Corse, de voir une partie de la population ne pas avoir les moyens de s’offrir les services de base ?
- Tout à fait ! Aujourd’hui, quelle est votre capacité à épargner pour avoir une retraite basée sur des fonds de pension placés sur les marchés boursiers ? Aux États-Unis, il y a des gens qui ne perçoivent plus de retraite, car les fonds de pension sont en faillite et ils ont tout perdu en Bourse. Nous ne voulons pas d’un système de jeu ; nous voulons un système basé sur la contribution et le salaire différé.

- Quel serait votre programme politique en matière de social pour la Corse ?
- Quand on parle d’autonomie, il faut mettre la question sociale au cœur de ce projet, et bâtir une société autour de cette thématique. C’est ce qu’ont fait les résistants à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont mis en place un système social autour de la répartition des richesses et du mieux-vivre. Aujourd’hui, nous sommes exclus des discussions concernant le projet d’autonomie, car il se fait sans les partenaires sociaux. L’erreur que commet la Collectivité de Corse, c’est de ne pas analyser réellement la situation économique et sociale de la région. On s’apercevrait que, pour bâtir un projet de ce genre, il va falloir énormément de milliards. Si on veut faire des dépenses, il faudra des recettes, et il faudra chiffrer tout cela. Aujourd’hui, nous allons vers l’inconnu. Pour nous, il est hors de question de sortir d’un système social qui permet de protéger ceux qui sont les plus faibles, de sortir d’un système qui ne privilégie pas la fonction publique, c’est-à-dire le bien commun de tous.

- Rentrer dans un système privé, dans la région la plus pauvre de France, c’est comprendre que l’on va vers une population encore plus pauvre ?
- Il y a également la montée de l’extrême droite. Vous évoquez là aussi un risque pour les acquis sociaux. Il suffit de regarder les votes qui sont faits au Parlement européen et au Parlement français. L’extrême droite a voté contre l’augmentation du SMIC ou encore contre l’égalité homme-femme. Après, il s’agit d’artifices et de vocabulaire pour faire entendre à la population ce qu’elle veut entendre. On donne des chimères. Il n’y a rien de social dans la politique du Rassemblement National. C’est une politique libérale extrême.