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Une première édition réussie des Rencontres de Cinéma de Costa Verde


LH le Mardi 18 Juin 2019 à 12:24

Le week-end dernier, du 14 au 16 juin, avaient lieu les premières rencontres de cinéma de Costa Verde. Trois jours dédiés à des rencontres professionnelles entres les acteurs nationaux (distributeurs) et locaux du cinéma (exploitants, producteur, festivals, etc.)



Eric Rubecchi, adjoint d’animation et Serge Bereni, collaborateur, en poste à la Communauté de Commune de Costa Verde, sont également en charge d’U Murianincu, le cinéma en plein air de Moriani. Devant la difficulté à obtenir certains films, particulièrement en dehors des grosses sorties d’été, ils ont décidé d’organiser, avec le soutien de la région, ces premières rencontres professionnelles (lire plus ici).
La journée du vendredi est consacrée aux distributeurs venus du continent (plus de 15 ont répondu à l’appel dont Le Pacte, Bac films, Condor, KMBO, Pyramide mais aussi Gaumont, Universal et même Disney), elle leur permet de découvrir la région et de rencontrer les exploitants de cinéma en plein air. Une journée qui se termine par la projection de courts métrages corses (Sur tes traces d’Alexandre Oppecini, Sur la Terre Nue de Julie Perreard, FDP de Stephan Regoli, etc.), une manière de montrer toute la vivacité et la qualité des productions insulaires.
Le lendemain, dès le matin, rendez-vous est pris au couvent de Cervioni où les acteurs locaux – producteurs, réalisateurs, exploitants de plein air et de salles fermées, organisateurs de Festivals – rejoignent les distributeurs.
Après un petit-déjeuner, tous s’installent dans la salle de conférence où Marc Alexis Nicolaï, directeur général des services de la Communauté de Commune, donne tout d’abord la parole à l’acteur/metteur en scène François Berlinghi, également élu de Costa Verde. Il rend hommage à René Viale, monsieur cinéma en Corse. Il cite un texte de « son ami de toujours, Jean-Baptiste Croce » qui évoque le personnage, sa passion et tout ce qu’il a apporté au cinéma en Corse. Un moment particulièrement émouvant pour sa fille Michèle de Bernardi, présente en tant que directrice du Studio de Bastia. Suit un diaporama de photos où on le voit seul ou accompagné d’amis, de collaborateurs et d’invités.
 
Le débat, lui, commence avec une première réflexion autour de la concurrence ou au contraire de la collaboration que peuvent tisser cinéma fermés et cinémas de plein air. Le DGS qui anime le débat donne alors la parole à Daniel Benedettini, directeur du cinéma le Régent à Bastia qui confirme que « toute collaboration commence par une rencontre, d’où l’intérêt de ces journées. Qu’il pourrait y avoir une dynamique du plein air sur des films plus “difficiles“ mais qu’il faut surtout, à son avis, se pencher sur la problématique de diffusion des films régionaux. » Cette question permet d’élargir très vite le débat et des acteurs de l’audiovisuel corse interviennent dont Stéphane Mattei de Studio B et la productrice/réalisatrice Delphine Leoni, confronté avec son prochain film, La Nuit venue, a un problème de diffusion mais aussi simplement de perception sur le continent de la part des professionnels qui n’ont pas toujours les clefs pour décrypter les problématiques liées à l’île. Tous s’accordent à dire qu’une entente de programmation sur les films corses devrait exister. S’ensuit une réflexion autour des problèmes de numéro de visa, de billetterie CNC, de créer des événements, d’une bonne communication, d’aller chercher la diaspora, etc.
Les distributeurs venus du continent, ont du mal à se positionner jusqu’à une intervention très à propos de Valentin Sarkissian du Pacte qui note que « les spécificités viennent de partout. Autant d’Afrique, du Japon, etc. pas seulement de Corse. » Il est également question de la qualité du film, de son sujet, des acteurs, etc. et de se rendre compte que la Corse ne fait pas toujours vendre. Faces aux entrées d’Une Vie Violente – « plus de 100 000 précise Marina Gomez de Pyramide » –, c’est Apnée, Laissez bronzer les cadavres ou encore, plus récemment Jessica Forever qui ont été des échecs au box-office.  « On savait, continue Xavier Hirigoyen du Pacte, qu’il serait difficile de distribuer Caroline Poggi et Jonathan Vinel mais, pour nous, c’est un pari sur l’avenir. Sur le talent surtout. On ne regrette pas malgré une perte financière. »
Après les exploitants, ce sont les Festivals qui prennent la parole. Geneviève Lodovici pour Arte Mare insiste sur l’accompagnement des films par les Festivals, sur l’importance de l’art et la culture. Le cinéma n’est pas qu’une industrie. Laurent Hérin, coordinateur du Festival de Lama confirme et donne l’exemple d’un film comme Le Procès contre Mandela et les autres qui a rassemblé plus de 700 personnes lors de la 25e édition du festival de plein-air et qui n’est pourtant pas distribué sur l’île à sa sortie.
Delphine Leoni en profite également pour souligner le travail d’Alix Ferraris avec ses Nuits Med et l’accompagnement des jeunes talents insulaires.
Il n’est pas loin de 13h, la discussion se poursuit alors dans la cour du couvent de Cervioni autour d’un délicieux buffet.
Après cette coupure, place aux images avec la projection des extraits et line-up des distributeurs présents. Celui de Hobbs & Shaw, franchise Fast & Furious, provoque l’hilarité de la salle quand The Rock (Dwayne Johnson) arrête un hélicoptère à main nue !
De la bonne humeur et des rires qui annoncent la soirée à venir puisqu’Eric et Serge profitent de ces rencontres pour également lancer la saison du Murianincu. C’est une version karaoké de Grease qui est présentée, les goodies (ballons, clap main, bonbons, etc.) distribués sur les chaises font le bonheur des petits et des grands…distributeurs !
Le public a répondu présent, la salle chante, danse et tape dans les mains à chaque apparition de Travolta. Nos amis du continent ne sont pas en reste et c’est à nouveau dans le rire et la bonne humeur qu’ils rejoignent le bus qui les ramène vers leur hôtel.
Une belle manière de terminer cette journée sous le ciel étoilé de Costa Verde et de se donner rendez-vous l’année prochaine.

3 questions…

…à Éric Rubecchi, adjoint d’animation en Costa Verde et responsable de la salle plein air U Murianincu de Moriani mais également programmateur pour cinq cinémas plein air de corse : Le Bel Aria de Travo, U Sampieru de Sagone,  A Ruscana à Sainte Lucie de Porto Vecchio et le Simplexe de St Florent.

CNI : Comment et quand vous est venu l'idée de ces rencontres ?
C’est une idée qui a germé ces dernières années au fil des discussion où plutôt des négociations avec les distributeurs. Mon objectif étant d’obtenir les meilleurs films pour les cinémas de plein air et surtout dans des dates proches des sorties nationales. La politique des distributeurs et les conditions d'obtention des films étaient calées sur celles salles fermées. Les exigences de diffusion sur plusieurs soirées pour un même plein air sont impossibles, sachant que nous ne sommes ouverts deux mois dans l’année avec une seule projection par soir. Nous ne pouvions pas suivre ces cadences. La première solution a été l’alliance entre plusieurs pleins airs afin d’assurer une proposition de qualité aux saisonniers et aux locaux. Mais je me heurtais tous les ans, à la reprise des négociations, aux exigences des distributeurs.

D’où l’idée de faire venir les distributeurs nationaux ?
Nous sommes d’abord aller les rencontrer (avec Serge Bereni, NDLR). Nous avons fait le tour de quinze maisons de distribution en quelques jours et nous avons évoqué avec eux, lors de nos différents échanges, la possibilité de leurs faire découvrir notre cinéma plein air U Murianincu et d’en finir avec cette image négative qui nous colle parfois à la peau. Notre objectif : lever les différences par rapport aux salles de cinémas classiques (situation géographique, distance, conditions de projections, manque de séances, etc.)
 
Après le succès de ces 3 jours, envisagez-vous une deuxième édition en 2020 ?
Pourquoi pas, chiche ! [rires] Le top départ de cette manifestation remonte à début janvier. Si c’est une réussite, elle est collective. Nous avons travaillé de concert avec l’Office de Tourisme de Castagniccia Mare e Monti (le Président Jacques Paoli et la directrice Marilyne Renosi, NDLR), tous  les saisonniers et les titulaires de ces deux structures, sans oublier la Collectivité de Corse. La cinémathèque de Corse nous également permis de proposer des œuvres corses de qualité aux distributeurs. Je n’oublie pas toutes les personnes sans qui la dernière soirée n’aurait pas eu lieu : les food-truck, les forains, les pinups corse, les footballeurs américains, les prestataires professionnels et bien entendu Natacha Campana et son comédien chanteur qui ont enflammé le cinéma plein air avec Grease en mode karaoké géant !
 
Une anecdote pour terminer : sur ces Rencontres, je voulais une feuille de route, une méthodologie, un peu d’aide en somme. Et une personne que je contacte un jour me dit – je ne risque pas de l’oublier et il se reconnaitra – « je ne vais pas te donner la recette pour organiser ton événement, c’est comme si un boulanger s’installait à coté d’une autre boulangerie. Tu crois vraiment que ce dernier, déjà en place va lui donner sa recette pour faire du bon pain ? Je ne pense pas ». Cette réflexion m'est restée en travers la gorge comme « un mauvais bout de pain. » Si je le croise aujourd’hui, je lui dirais que : « pour une première, le “pain“ nétait pas si mauvais, et que la recette ne peut que saméliorer ! » [rires]