Corse Net Infos - Pure player corse

Union européenne : La croissance bleue, un moteur économique pour les îles et les régions littorales


Nicole Mari le Lundi 15 Mai 2017 à 22:33

Les mers et les océans sont un sujet d’avenir, crucial pour lutter contre le changement climatique, produire l’énergie de demain, assurer notre alimentation et notre santé, contribuer à notre qualité de vie et à nos emplois. L'économie bleue représente, déjà, 5,4 millions d'emplois et une valeur ajoutée brute de près de 500 milliards d'euros par an. Reconnaissant ce potentiel considérable en matière d'innovation et de croissance durable, l'Union européenne (UE) a impulsé, notamment sous la présidence maltaise, une stratégie à long terme, appelée la « Croissance bleue ». Lors de la session plénière du Comité européen des Régions (CdR), le 12 mai à Bruxelles, Christophe Clergeau, conseiller régional des Pays de la Loire et membre du Comité, a fait voter un rapport sur cette question. Il explique, à Corse Net Infos, les enjeux d’une vraie stratégie maritime européenne, notamment pour les zones côtières et les îles.



Golfe de San Fiurenzu, Conca d'Oru, Haute-Corse.
Golfe de San Fiurenzu, Conca d'Oru, Haute-Corse.
- Qu’est-ce que la croissance bleue ?
- C’est tout simplement mobiliser tout le potentiel de l’économie maritime dans sa diversité. Cela comprend aussi bien la pêche, la construction navale et toutes les activités d’aménagement de la côte ou de l’océan proche, le tourisme côtier et nautique, les biotechnologies, les énergies marines renouvelables… Les mers et les océans offrent une grande diversité d’activités qui ont des potentiels de développement et de croissance très importants. L’Europe est trop centrée sur son intérieur, elle n’est pas assez attentive à ce potentiel de croissance et de développement porté par les zones côtières et par les îles.
 
- Les pays européens et la France ont-ils avancé sur cette idée assez récente ?
- Oui ! L’idée de la croissance bleue a avancé en France et en Europe. Deux éléments importants ont été mis en œuvre : la qualification spatiale de l’océan, qui permet d’organiser la cohabitation des différentes activités, et, dans beaucoup de régions, le développement des énergies marines renouvelables. Avec, à la clé, des dizaines de milliers de créations d’emplois à l’échelle européenne, et déjà plus de 1000 créations d’emplois en France. Néanmoins, l’Europe n’a pas une approche globale, transversale de l’économie bleue.
 
- Que propose votre rapport ?
- Je propose, notamment, que les îles et les territoires littoraux puissent bénéficier d’une vraie programmation inter-fonds entre tous les outils de la politique européenne au service de projets locaux. Par exemple, des projets des petites entreprises, des projets d’innovation dans les territoires autour de cette économie maritime. Le plan Juncker, ce sont des milliards d’euros. Pour en profiter, il faut aller à Bruxelles expliquer ce que l’on veut. Ce n’est pas la bonne méthode ! Il faut que le plan Juncker soit décliné dans nos régions, que Bruxelles se rapproche des entrepreneurs et de tous ceux qui portent des initiatives locales et qu’à travers l’économie bleue, elle aide des petits projets qui créent des emplois locaux dans la pêche, le tourisme, les énergies renouvelables, l’aquaculture…
 
- Concrètement, quels projets ont déjà vu le jour dans l’économie bleue ?
- Dans ma région, par exemple, en pays de la Loire, des dizaines de PME (Petites et moyennes entreprises) se mobilisent sur les énergies marines renouvelables pour produire les pièces des éoliennes. Si, aujourd’hui, ces PME veulent investir, quelles sont les banques qui vont concrètement les soutenir ? Aucune ! Les banques n’aiment pas l’industrie ! Donc, l’Europe doit contribuer à financer cette prise de risque sur une filière émergente qui est l’économie bleue. Autre exemple : les biotechnologies. C’est un secteur où il y a beaucoup de start-up qui cherchent à identifier des molécules d’origine marine, susceptibles d’être utiles pour la santé et l’alimentation. Est-ce qu’on met le paquet sur ces nouvelles bio-ressources qui peuvent répondre à des besoins humains fondamentaux ? Non ! C’est pour cela que je propose la mise en place de fonds d’investissements dédiés, alimentés en partie par des fonds européens. Ce sont des mesures concrètes qui peuvent accélérer les projets dans l’ensemble de nos régions.

Union européenne : La croissance bleue, un moteur économique pour les îles et les régions littorales
- Prenons le cas de la pêche, quels projets l’Europe pourrait-elle financer ?
- Quand, aujourd’hui, on parle de la pêche, on parle presque uniquement des bateaux de pêche et de l’activité de pêche en mer. Un des enjeux majeurs de la croissance bleue dans ce secteur, c’est l’organisation de la filière à terre, bien sûr les infrastructures portuaires, mais aussi tous les circuits courts de distribution de poisson ou les unités de transformation. Mieux commercialiser le poisson en proximité, c’est tout bénéfice pour les pêcheurs qui vendent le poisson, mais cela crée aussi des emplois supplémentaires à terre. Il faut renforcer cette vision globale de la filière pêche, et pas seulement limiter la politique du secteur aux activités en mer.
 
- La croissance bleue serait donc un enjeu d’avenir pour une île ?
- Oui ! Un enjeu majeur pour les îles, c’est l’autonomie énergétique. Ce sont les énergies marines renouvelables dans la diversité de leurs technologies, - éolien, énergie des courants, énergie des vagues…-, et de leurs perspectives. L’idée est de construire, dans chaque île, une stratégie adaptée à la géographie, à la configuration de la mer autour de cette île, pour produire des énergies renouvelables. L’Europe fait-elle un plan « Energies marines renouvelables » pour chaque île de l’espace communautaire ? C’est une question concrète qu’il faut poser. Ce plan serait un accélérateur de croissance et créerait des emplois dans chaque île tout en répondant aux enjeux d’autonomie énergétique.
 
- Les bienfaits seraient-ils, selon vous, considérables pour une île comme la Corse ?
- Je ne connais pas bien l’économie corse mais, si on suit les recommandations de mon rapport et si la Corse développe une stratégie maritime basée sur des projets concrets, elle pourrait bénéficier d’un accompagnement sur-mesure des outils européens adaptés à ses réalités spécifiques. Elle n’aura plus besoin d’aller à Bruxelles dire : « Coucou, on existe ! » pour être prise au sérieux et accompagnée sur le terrain. C’est cela mon objectif : du sur-mesure pour le potentiel de chaque région et de chaque île en Europe !
 
- Demandez-vous la prise en compte de l’économie bleue immédiatement ou faudra-t-il attendre la future programmation post-2020 ?
- Des choses peuvent être faites dès maintenant. Par exemple, on peut, tout de suite, mettre en place des plateformes régionales du Plan Juncker pour financer, en priorité, des projets de proximité, innovants et créateurs d’emplois. On peut également commencer tout de suite à financer plus de recherche autour de la mer. Ensuite, il faut, bien sûr, dans la perspective de 2020, faire évoluer certains outils pour donner encore plus d’ambition à cette politique. Mais, il est hors de question d’attendre deux ou trois ans. Dès maintenant, avec assez peu d’argent, l’Europe peut prendre des mesures nouvelles, concrètes et efficaces.
 
- Comment les élus du Comité de région ont-ils accueilli votre rapport ?
- Avec une bonne écoute, de la sympathie et de très larges votes favorables… Je me demande toujours si c’est parce que personne ne se soucie vraiment de la croissance bleue ou si, au contraire, tout le monde est vraiment convaincu de son potentiel ! Nous sommes en train d’expliquer à toutes les régions que l’économie maritime n’apporte pas que des emplois dans les zones côtières, mais aussi dans des régions intérieures où des PME participent à la chaine de valeur de la construction navale, des énergies marines renouvelables, des produits de la pêche... Il faut faire partager cet enjeu maritime par toutes les régions européennes. C’est un rôle sont peut se saisir le Comité des régions pour contribuer à créer un consensus sur l’idée qu’en aidant les îles et les régions littorales, c’est l’Europe que l’on aide ! C’est l’ensemble de l’Union européenne qui est concernée !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

Christophe Clergeau, conseiller régional des Pays de la Loire et membre du Comité européen des Régions.
Christophe Clergeau, conseiller régional des Pays de la Loire et membre du Comité européen des Régions.