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Christian Mendivé, directeur académique de Haute-Corse : "Le conseil que je donne aux parents est de remettre leurs enfants à l'école"


Livia Santana le Mercredi 10 Juin 2020 à 18:38

Décrochage scolaire, notation au baccalauréat, fréquentation des écoles, continuité pédagogique... Christian Mendivé, directeur académique des services de l'Education Nationale de Haute-Corse, fait le point sur l'école de l'après confinement pour CNI.



Christian Mendive, directeur académique des services de l'éducation nationale de Haute-Corse
Christian Mendive, directeur académique des services de l'éducation nationale de Haute-Corse
- Depuis quelques semaines comment se profile le retour à l'école ? 
- Dans le département la moitié des écoles seront ouvertes cette semaine. Nous pouvons y accueillir tous les élèves dont les parents souhaitent la scolarisation en présentiel. Pour ce qui est de la fréquentation, elle est très variable selon les établissements. Certaines écoles accueillent plus de 50% des effectifs d'autres 5%.

-  Combien de maires ont refusé de rouvrir ? Quelles sont les raisons avancées ? 
- Une vingtaine de maires refusent à ce jour de rouvrir leurs écoles. Ils opposent la peur des familles ou la difficulté à mettre en œuvre le protocole sanitaire. J'ai du mal à comprendre leur argumentaire car le protocole est applicable partout dans la mesure où l'on limite le nombre d'élèves accueillis. Quant à la peur des familles, elle est infondée car l'application du protocole sanitaire est une vraie garantie de sécurité. On se doit de répondre au besoin des enfants de retourner à l'école. Tout ne peut pas être résolu par l'enseignement à distance. La seule raison avancée par certains maires, que je peux comprendre, c'est lorsqu'ils ne peuvent pas mobiliser leur personnel pour raisons de santé. J'espère toutefois que les maires qui n'ont pas encore ouvert se décideront à le faire dans les jours qui viennent. Dans la vie d'un enfant même une semaine ou deux d'école c'est extrêmement important. Je remercie les maires qui l'ont compris et qui jouent le jeu. Le droit à l'éducation est fondamental. Il doit être préservé.

- Est-il important de remettre son enfant à l'école s'il suit bien ses cours en distanciel ? 
- Vous avez vu et entendu comme moi combien les élèves plébiscitent l'enseignement en présentiel. Ils l'ont dit eux-mêmes : leurs parents ne sont pas des maîtres, de vrais professionnels de l'enseignement. Et pour moi, aujourd'hui, accueillir à l'école des élèves qui ont besoin d'être pris en charge par un professeur à leurs côtés est la plus belle des victoires. Dans des classes comme le CP où l'apprentissage de la lecture doit être correctement installé, les enfants ont besoin d'être encadrés par un professionnel, quelqu'un qui les soutient, comprend leurs erreurs, consolide les acquisitions. Beaucoup d'enfants aussi nécessitent l'émulation d'un groupe pour progresser. 

- Quel bilan tirez-vous de cette année scolaire ? 
- Cette période de confinement a été une épreuve pour l'école comme pour tous les secteurs de la société. Ce que je retiens c'est l'engagement exceptionnel des professeurs dans la construction de l'enseignement pédagogique à distance. Chose qui s'est faite très rapidement. Les enseignants se sont très rapidement emparés des outils à disposition et les enfants aussi. C'est un sursaut extrêmement réconfortant dont je salue la réactivité et le professionnalisme. Il ne remplace pas pour autant l'enseignement en présentiel. Chez les élèves les plus fragiles, les acquisitions ne sont pas au rendez-vous. L'enseignement à distance n'a pas pu compenser le travail stimulant et régulateur de l'oral, le besoin d'accompagnement différencié et personnalisé.

- La continuité pédagogique a-t-elle été réellement efficace ? 
- On ne pourra le savoir qu'au vu de l'état des acquis des élèves à la rentrée. Si la continuité pédagogique à la maison n'a pas complètement remplacé l'école elle était nécessaire pour maintenir le lien entre l'enfant et les apprentissages. Je crois que là, oui, elle a été efficace, et je remercie l'implication des familles qui ont aidé à organiser cette continuité. On entend dire que les parents ressentent aujourd'hui un sentiment d'épuisement. C'est paradoxal et cela m'interroge puisqu'un grand nombre de familles ne demande pas le retour à l'école au moment où elles rouvrent. Je le redis encore, les protocoles sanitaires sont très bien mis en œuvre par les mairies. Le conseil que je donne aux parents est de remettre leurs enfants à l'école si elle est ouverte. Le contexte de la maison n'est pas durablement porteur et structurant pour permettre aux enfants d'entrer efficacement dans les apprentissages, il ne remplace pas ce que le maître ou la maîtresse d'école est en capacité d'organiser. 

- Qu'en sera-t-il du système de notation ? 
- Tout ce qui a été fait pendant le confinement ne sera pas comptabilisé. C'est une décision prise au niveau national. On ne retiendra que les notes du premier et second trimestre pour une question d'équité et de justice. 

- Pour le brevet et le bac, c'est une année un peu spéciale, ces diplômes auront-ils la même validité que les autres années ?
- Je pense qu'on peut avoir un regard tout à fait juste sur les compétences qu'a pu acquérir un lycéen au bout de deux ans et demi de travail au lycée. Il ne faut pas surestimer ce qui peut être acquis entre le mois de mars et le mois de juin. Les enseignants connaissent très bien leurs élèves. Ils savent très bien quelles compétences ils ont développées dans le cadre de leurs disciplines au fil de trois années de travail et je sais qu'ils auront un regard juste. Pour les collégiens c'est la même chose. Le brevet valide le parcours scolaire de trois années de cycle, ne l'oublions pas.

- Certains s'inquiètent des établissements privés qui noteraient "plus sévèrement" tout au long de l'année 
- Il n'y aura pas de différence de traitement entre les établissements privés et les établissements publics. Nous encadrons le travail des uns et des autres sans distinction de statut. Ce qui nous importe, c'est la réussite de tous les élèves et la justice de traitement face à l'examen final, quel que soit le lieu où ils étudient. Il est en outre prévu de mettre en place des commissions d'harmonisation supervisées par les Inspecteurs pédagogiques régionaux pour rectifier au besoin des écarts de notation au sein des établissements ou entre établissements. C'est  une mesure d'encadrement pratiquée tous les ans dans le cadre du baccalauréat pour éviter que les élèves soient injustement pénalisés par une trop forte sévérité ou une trop grande largesse de notation.

- Comment envisagez-vous la rentrée de septembre ?
- Nous travaillons aujourd'hui sur des scénarios différents. Je ne sais pas lequel sera retenu car cela dépendra bien évidemment du contexte sanitaire et de l'évolution du protocole. Ce qui a déjà été affirmé par le ministre de l'Education Nationale c'est que la rentrée scolaire de septembre serait obligatoire en présentiel. Les parents n'auront plus le choix de l'enseignement à distance. Si la situation sanitaire reste la même et que nous ne pouvons pas accueillir plus de quinze élèves par classe, nous devrons concevoir un accueil en rotations, compléter l'offre d'enseignement par un temps d'étude surveillée ou des temps d'activités culturelles, sportives ou citoyennes encadrées par des intervenants spécialisés. Mais il est encore difficile pour moi de vous dire quel scénario sera retenu. Ce que je peux vous dire de manière certaine, c'est que la rentrée 2020 devra prendre en compte les circonstances exceptionnelles de l'année scolaire et ménager jusqu'à la Toussaint au moins, des temps pour consolider les apprentissages et accompagner au mieux nos élèves les plus fragiles. Il en va de leur réussite future.