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Une conférence sur les enjeux de l’Energie pour le territoire ajaccien


le Lundi 6 Mai 2013 à 15:49

Une conférence suivie d’un débat sur le thème des enjeux de l’Energie sur le territoire ajaccien animée par Jean-Marc Jancovici, spécialiste de la thématique Energie/Climat, a eu lieu vendredi au Palais des Congrès d’Ajaccio.



Maria Guidicelli, Paul-Antoine Luciani et  Jean-Marc Jancovici vendredi au Palais des Congrès d'Ajaccio. (Photo Marilyne Santi)
Maria Guidicelli, Paul-Antoine Luciani et Jean-Marc Jancovici vendredi au Palais des Congrès d'Ajaccio. (Photo Marilyne Santi)
« Quels impacts l’épuisement programmé des énergies fossiles aura-t-il sur le fonctionnement du territoire Ajaccien ? ». Tel était le vaste programme de la conférence sur les enjeux de l’Energie qui a eu lieu vendredi au Palais des Congrès d’Ajaccio. Animée par un spécialiste de la question  - par ailleurs membre du Comité des experts du débat national pour la transition énergétique et inventeur de la méthode du bilan carbone - Jean-Marc Jancovici, et en présence du premier adjoint au maire Paul-Antoine Luciani et de la conseillère de l’exécutif en charge de l’élaboration du PADDUC Maria Guidicelli, cette conférence entendait analyser les répercussions des importantes consommations d’énergies fossiles (nécessaires au fonctionnement de l’économie locale) et leur épuisement programmé, sur le fonctionnement du territoire Ajaccien.   

Vers la création d’un Pôle Energie au sein des services techniques de la ville d’Ajaccio
Avant la conférence, Paul-Antoine Luciani a rapidement pris la parole dans une salle comble pour rappeler l’importance des enjeux liés à la problématique de l’énergie pour la ville d’Ajaccio. « C’est un sujet très important dans lequel nous nous investissons pleinement. A ce sujet, il y aura bientôt la création d’un Pôle Energie au sein des services techniques de la ville » a expliqué le premier adjoint, représentant le Maire d’Ajaccio Simon Renucci qui a rejoint la conférence un peu plus tard. Rappelant la mission commune de la Mairie et de la Région dans cette mission de Service Public : « La Région s’investit également beaucoup pour cette problématique et Maria Guidicelli a également créé un Pôle Energie au sein de l’Agence d’Aménagement et d’urbanisme de la Corse. C’est une grande question que celle de la contrainte énergétique et il faut qu’elle soit l’affaire de tous » a conclu Paul-Antoine Luciani.

Dépasser les 30% d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables en Corse
Puis, Maria Guidicelli a pris la parole pour un long discours au cours duquel elle a rappelé l’importance de l’élaboration du PADDUC et ses enjeux pour la Corse. Mais également la prise en compte de la dimension énergétique dans la construction d’un nouveau modèle de société respectueux de l’environnement et du cadre de vie de la population insulaire. « L’élaboration du PADDUC est un processus de réflexion qui conduira à effectuer de vrais choix fondamentaux pour notre île. La Corse est dans une situation de dépendance conjuguée à l’insularité, ce qui cause une augmentation du coût de la vie et de fait, de la pauvreté (…) La beauté de notre île crée une forte attractivité qui place de plus en plus la Corse au centre d’intentions spéculatives fortes qui créent des atteintes à notre environnement (…) Agir au niveau énergétique c’est aussi lutter pour ce combat (…) Le modèle du tout consommation a montré aujourd’hui ses limites et nous courons à la catastrophe si nous ne construisons pas un modèle de développement sensible aux approches environnementales » a martelé Maria Guidicelli, concluant sur le fait « qu’actuellement, 30% de l’électricité en Corse est produite à partir d’énergies renouvelables et il faut développer davantage notre potentiel » a t-elle affirmé.   

Peu d’explications claires et concrètes sur l’avenir énergétique et économique de la Corse…
Puis, c’est Jean-Marc Jancovici qui a pris la parole. Le sujet, par nature complexe, attendait à la fois des explications vulgarisées pour le grand public mais également, eu égard à la problématique de l’avenir du territoire, une force de proposition clairement annoncée. Malheureusement, au terme de plus de 1h30 de propos, si l’on a saisi très précisément la thèse de l’expert, les propositions, elles, ont semblé être plus ou moins passées à la trappe. Par l’utilisation massive de diagrammes, courbes et autres schémas alambiqués que le conférencier n’a jamais lâché d’un pouce, si ce n’est pour lever la tête vers le public de temps à autre. Mais également par le placement exclusif des propos sur le double mode de la physique pure et de l’économie.
Ainsi, kilowatts/heure, PIB, mouvement, poussée et autres principes scientifiques ont-ils concentré l’essentiel de l’intervention. On s’attendait à une adaptation locale et concrète de la problématique mais celle-ci n’est pratiquement jamais arrivée.
Quelques explications concernant la Corse ne tombant pratiquement qu’à la fin de la conférence. Mais là encore, seuls les pourcentages et le PIB de notre île ont été évoqués. Laissant ainsi essentiellement la place à des principes scientifiques généraux évoqués sur le mode du cours magistral en lieu et place d’une projection concrète de ces données pour esquisser les contours concrets de la physionomie énergétique et économique de la Corse de demain.

Le public s'est déplacé en nombre vendredi au Palais des Congrès pour assister à la conférence de l'expert. (Photos Marilyne Santi)
En proportion, la Corse plus dépendante du pétrole que le reste du monde ?
Ainsi, après avoir appris « qu’utiliser de l’Energie c’est transformer le monde qui nous entoure et modifier l’environnement » et que « l’énergie propre n’existe pas » (ce qui a d’ailleurs donné lieu à des désaccords parmi le public sur la notion même d’énergie propre), Jean-Marc Jancovici a longuement présenté les diverses énergies fossiles, parmi lesquelles sa bête noire : le charbon ! Car « depuis un siècle, la production de charbon n’a cessé d’évoluer et 66% servent à produire de l’énergie pour faire tourner les centrales électriques » a affirmé le scientifique. Il serait effectivement souhaitable d’en réduire (tout comme pour le pétrole) notre consommation car le charbon possède, en terme de C02 par unité d’énergie, les plus importantes émissions.
Et les pays émergents comme la Chine consomment à eux seuls l’essentiel de l’augmentation. Mais chez nous en Corse, c’est le pétrole qui est utilisé à 75% environ pour nos besoins énergétiques, ce qui proportionnellement, selon le scientifique, fait que notre île est plus dépendante de l’or noir que le reste du monde. Et là encore, évidemment, il serait souhaitable de réduire notre consommation comme chacun le sait bien…

« La production énergétique est le meilleur indicateur de la conjoncture » Jean-Marc Jancovici
Passées les énumérations socio-économico-politiques où secteur primaire, tertiaire, chômage, crise et mondialisation se mélangent un peu dans une sorte de flou artistique, on arrive au volet du transport et  de ses conséquences énergétiques. Ou comment nous expliquer que l’évolution des modes de transport a fait, depuis la bicyclette jusqu’à l’avion, évoluer notre consommation d’énergie. « La production énergétique est le meilleur indicateur de la conjoncture » a précisé Jean-Marc Jancovici, pour qui tout dans l’univers, est lié à la consommation d’Energie (PIB, croissance…). Qu’on se le dise ! La logique se tient à peu près (quoique sur certains points, on reste dubitatifs) mais la surabondance de graphiques et autres courbes achève de vous brouiller l’esprit.
Mais le nerf de la guerre pour l’expert, c’est le lien intrinsèque entre le climat et l’énergie, « aval et amont d’un même problème : la transformation des ressources ». Ou comment Dame Nature nous a donné tout un tas de choses gratuitement et où l’Homme, vénal par nature s’en est emparé en lui donnant une valeur marchande pour faire des bénéfices. D’où la production massive, la transformation de matière, l’épuisement des ressources, la pollution, le réchauffement climatique, etc… Bref, une liste qui donne le tournis alors qu’elle est loin d’être exhaustive.

Les diverses conséquences possibles du changement climatique...
Enfin, l’expert "ès" Energie/climat a évoqué les diverses conséquences possibles du changement climatique. « L’augmentation de la température de 5°c entraînerait un bouleversement climatique très important sur l’environnement. Même si nous cessions dès aujourd’hui un certain nombre de nos consommations abusives, les conséquences continueront et varieront en fonction de l’ampleur de nos émissions (…) Affaiblissement et disparition d’écosystèmes, augmentation du volume des maladies, montée des eaux, vagues de chaleur et sécheresse, modification des courants marins, catastrophes climatiques, etc. » a-t-il expliqué, se refusant toutefois à prédire l’avenir.
Le débat qui a suivi avec le public Ajaccien n’a, en substance, pas soulevé de questions essentielles, à l’exception d’un représentant de la filière bois qui a cependant mis en exergue le potentiel de ressource de cette matière abondante en Corse dans la production d’énergie.
 
En résumé, le public (pas forcément spécialiste de la  question) venu en nombre pour tenter d’obtenir des réponses concrètes et simplifiées à la problématique initiale de l’impact de l’épuisement des énergies fossiles sur le territoire Ajaccien, est reparti, sans doute, avec plus de questions encore que de réponses…
Et il est loin d’être sûr que cela soit le fruit d’un discours qui aura brillé par son intelligibilité. Dommage.  
Yannis-Christophe GARCIA  

SAVOIR +
Comme nous avons une vue perçante, nous avons repéré l’adresse du site Internet de Jean-Marc Jancovici sur le diaporama de sa conférence. Et comme l’expert aime, voire adore, écrire, (y compris sur les qualités et les compétences des journalistes pour, selon lui, maîtriser telle ou telle question pointue ; question à laquelle il accorde d'ailleurs un boulevard dans une rubrique de son site sobrement intitulée « Les journalistes sont-ils de bons porte-parole des experts ? »), vous pourrez retrouver la totalité des conférences et sujets abordés par l’expert (et sans doute bien plus encore !) sur son site Internet http://www.manicore.com/index.html ou encore sur le site dédié à la Stratégie carbone des organisations http://www.carbone4.com