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Transformer l’air en eau : une solution d’avenir pour les agriculteurs corses ?


Léana Serve le Samedi 18 Octobre 2025 à 11:13

Alors que les épisodes de sécheresse s’intensifient et que l’accès à l’eau devient un défi pour de nombreuses exploitations agricoles en Corse, la société Genaq a présenté ce vendredi ses générateurs d’eau atmosphérique à la Chambre d’agriculture, qui transforment l’air en eau potable. Une solution d’appoint prometteuse, mais encore coûteuse.



La société Genaq a créé des générateurs d'eau atmosphérique
La société Genaq a créé des générateurs d'eau atmosphérique

Plus de 2 000 m³ d’eau. C’est ce qui a été transporté par les hommes du service d’incendie et de secours à la demande de la chambre d’agriculture pour venir en aide à différentes exploitations de Haute-Corse lors de la canicule qui a frappé l’île durant l’été 2024. Face à des températures en constante augmentation et une raréfaction des pluies, la Chambre d’agriculture a accueilli ce vendredi 17 octobre à Vescovato la société Genaq, spécialisée dans la création de générateurs d’eau atmosphérique. Un système complexe qui permet de transformer l’air ambiant en eau potable.
 

« Il fait un peu la même chose qu'un climatiseur », résume Joseph Ebeyer. « Il va aspirer l’air ambiant, qui va être filtré. Une fois que l'air a été filtré, il passe dans une sorte de chambre de compensation, c'est-à-dire qu'il y a un choc thermique qui va créer de l'eau, qui va ensuite être répartie dans la machine. Elle passe par plusieurs filtres, notamment pour le nettoyage des impuretés : un filtre à charbon qui enlève les odeurs et le goût, un filtre à sable, un filtre de reminéralisation. Ensuite, l’eau monte et passe par une lampe UV, dont le rayonnement va finir de la nettoyer. À la sortie, l'eau est complètement potable. »
 

Pouvant générer entre 50 et 5 000 litres par jour selon les modèles, le générateur d’eau atmosphérique a déjà été utilisé dans plus de 70 pays, comme les États-Unis dans des camps militaires, la Malaisie sur des champs de plantation de palmiers ou encore en Espagne lors des inondations à Valence l’année dernière. « Ils sont aussi utilisés en Irak, en Guinée équatoriale, à Djibouti pour approvisionner les populations, et ils ont aussi été utilisés à Saint-Martin après un ouragan », souligne Joseph Ebeyer.


Un atout pour les agriculteurs ?
 

À l’heure où les sécheresses se répètent et s’intensifient, l’approvisionnement en eau devient un enjeu crucial pour les agriculteurs corses. « Durant l’année 2024, les pluies n'ont pas permis de recharger en profondeur, alors que cette année, on a eu des précipitations qui ont permis une recharge fine du sous-sol, et d'avoir des sources qui ont pu être alimentées pour les périodes estivales. Par contre, elles n'ont pas du tout profité à la végétation, et on a eu des sols secs. On n’a pas pu refaire ce dispositif avec les services d'urgence, et on sent quand même qu'il y a un manque d'eau », constate Julien Bergès, chargé de mission agroécologie au sein de la Chambre d’agriculture.
 

Dans ce contexte, les générateurs d’eau atmosphérique suscitent l’intérêt. « Leur gros atout, c’est qu’ils peuvent être transportables. Aujourd'hui, si on doit transporter de l'eau, ça demande beaucoup de temps et beaucoup de moyens, alors que là, on aurait juste à déplacer une machine vers un milieu isolé. Ça permettrait d'être un vrai appui pour les agriculteurs, principalement l'été. On voit que les périodes estivales s'allongent. Avant, on avait des étés qui étaient plutôt concentrés entre juin et début septembre. Maintenant, du mois de mai jusqu'au mois d'octobre, on a quand même des températures qui sont très impressionnantes, de la pluie qui tombe de moins en moins souvent, ou si elle tombe, elle tombe très rapidement. »
 

Si les filières ovine et caprine, très présentes sur le territoire, semblent les premières concernées, « pour abreuver les bêtes, mais aussi pour les besoins liés à la transformation du lait, comme le nettoyage d’ustensiles ou les machines à traire », détaille Jean-Baptiste Arena, président de la Chambre d’agriculture, d’autres usages sont envisagés. Le maire de Patrimonio y voit aussi un potentiel pour les collectivités. « Ce n’est peut-être pas dans un premier temps, mais dans les trois, cinq ou sept ans qui viennent, ça pourrait être intéressant pour venir peut-être pallier certaines ressources qui ont tari, je pense notamment à Patrimonio pour moins tirer sur notre rivière et faire en sorte de maintenir l'équilibre de cet écosystème. C'est vrai que c'est un concept très intéressant pour nous. »

Le seul véritable obstacle aujourd’hui reste le prix. Selon les modèles, la fourchette s’étend de 7 500 à 200 000 euros, pour des capacités de production allant de 50 à 5 000 litres par jour. Des montants encore inaccessibles pour de nombreuses petites structures. « Ça va dépendre de notre volonté à nous politiques de savoir si on veut aller sur ce type de projet et d'apporter en contrepartie les aides en face », détaille Jean-Baptiste Arena. « Il est certain que ce n’est pas pour une exploitation viticole parce qu'il faudrait trois ou quatre générateurs de 5 000 litres qui sont vendus 200 000 euros, mais des petits générateurs de 500 litres au jour pourraient accompagner tout ce qui est ovin et caprin dans des endroits reculés, voire des fois aussi en altitude. En sachant que c’est une nouvelle technologie, donc plus on va avancer dans le temps, plus son prix va réduire. C’est à réfléchir. »