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Retour en bus chaotique, vendredi, pour des lycéens de Porto-Vecchio en internat à Bastia


le Jeudi 11 Septembre 2025 à 12:33

Pourquoi neuf élèves porto-vecchiais, scolarisés au lycée Fred-Scamaroni de Bastia Montesoro, n’ont-ils pas pu monter dans l’un des deux bus Les Rapides Bleus, qui étaient censés les ramener à Porto-Vecchio ce vendredi 5 septembre, après une première semaine de cours ? S’ils ont finalement réussi à rentrer chez eux le soir-même, leurs parents, inquiets et en colère, ont demandé des garanties au donneur d’ordres - la Collectivité de Corse - et à la compagnie de bus délégataire.



Au départ de Bastia, le bus des Rapides Bleus est parti en laissant des lycéens en rade.
Au départ de Bastia, le bus des Rapides Bleus est parti en laissant des lycéens en rade.
« Stressant. » « On a la trouille. » Lundi, trois jours après la mésaventure, ces mamans porto-vecchiaises ne décoléraient pas : « Ca ne doit pas se reproduire », résument-elles. Leurs adolescents, âgés de 14 à 17 ans, sont scolarisés cette année en internat, au lycée Fred-Scamaroni à Montesoro. Et vendredi, à l’heure de rentrer chez eux pour le week-end après une première semaine de cours, ces lycéens se sont vu refuser l’accès aux deux bus affrétés pour les ramener à Porto-Vecchio. Le premier bus, celui de 16 heures, est arrivé complet à Montesoro, en provenance de la gare routière de Bastia. Les lycéens originaires de l’Extrême-Sud pensaient pouvoir monter dans le bus de 17 heures, ce qui sera le cas… mais pas pour tous. En effet, le chauffeur s’est opposé à l’accueil de neuf d’entre eux, au motif que le bus de 59 places venait d’atteindre sa capacité maximale. « A ce moment, mon fils m’a appelé, il m’a dit qu’il ne pouvait pas rentrer, témoigne Marie, maman de Timéo, 14 ans. La colère m’est montée, je ne vous explique même pas. Heureusement, une conseillère de vie scolaire est restée dehors surveiller nos enfants, alors qu’elle n’était pas obligée. » « C’est alors qu’un fait sidérant est constaté, relate Andréa, maman de deux des enfants. Un siège était réservé pour le chien du chauffeur. Ce dernier a catégoriquement refusé de céder la place à un élève. »

"Il faisait noir et ils étaient là, sur le bord de la T10"

Le bus de 17 heures s’en va. Informé que plusieurs de ses élèves se retrouvent ainsi en rade, et dans l’impossibilité de les garder en internat pour la nuit, le lycée professionnel contacte la compagnie Les Rapides Bleus, pour qu’une solution d’urgence soit trouvée. Finalement, vers 18 heures, les enfants monteront tous dans un bus qui les déposera à… Bravona, soit à 85 kilomètres de Porto-Vecchio. Sans plus perdre de temps, les parents s’organisent en covoiturage, et finissent par récupérer les enfants à Bravona, l’arrêt final de cette ligne de bus. Quand Marie retrouve son fils et plusieurs de ses camarades, le bus était déjà reparti : « Il faisait noir, et ils étaient là, sur le bord de la T10. Ca m’a retournée. » Le retour dans l’Extrême-Sud se conclut tard, avec une difficulté supplémentaire à gérer pour Bianca : ses deux enfants ont pu être récupérés à Bravona par un papa, mais celui-ci habite à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, où il les dépose. Or, Bianca est dans l’incapacité de prendre le volant, pour raisons de santé. « J’ai dû payer un taxi pour qu’il aille les chercher à Sainte-Lucie et les ramène à Porto-Vecchio », déplore-t-elle, avant de revenir sur le problème initial : « Comment expliquer que nos enfants qui sont scolarisés si loin n’aient pas été prioritaires dans le bus ? » « Ces deux bus ne transportaient pas que des lycéens, il transportait aussi des vacanciers qui n’ont pas proposé de descendre », déplore, révoltée, une autre maman.

Les explications des Rapides Bleus

Certaines décident de se rendre à l’arrivée du bus de 17 heures, en gare routière de Porto-Vecchio, pour demander des comptes au chauffeur. Auprès de Corse Net Infos, elles font part de leur volonté de contacter Les Rapides Bleus, ainsi que la Collectivité de Corse, pour demander à la fois des explications et obtenir des garanties. Contactée par CNI, Joëlle Piereschi, la directrice des Rapides Bleus, dit n’avoir rencontré aucun des parents mécontents : « Je leur ai dit le soir-même au téléphone qu’elles (les mamans) pouvaient venir me voir, mais pour l’instant (mercredi matin), personne n’est venu. » La directrice de la compagnie évoque « plusieurs bébés facteurs » qui ont conduit, selon elle, à cette prise en charge tronquée des lycéens. Le premier de ces facteurs serait lié à la reprise en main du transport scolaire sur cette ligne, par la Collectivité de Corse (CDC) : « Jusqu’en mars, le service était totalement privé. Il suffisait d’acheter un ticket. » Depuis qu’elle en est le gestionnaire, la CDC demande aux parents de procéder à l’inscription de leurs enfants. Le faire avant le 6 juillet leur permettait même de bénéficier de la gratuité du service. Or, se défend la directrice des Rapides Bleus, « des parents n’ont clairement pas joué le jeu d’inscrire leurs enfants ». Ne connaissant pas le nombre exact d’enfants à transporter, il lui était donc compliqué d’anticiper : « Quand les deux bus, de 59 places chacun, sont partis le mardi matin, jour de la rentrée, de Porto-Vecchio, ils ont emmené seulement douze élèves à Bastia. Est-ce que vous pouvez imaginer que 120 places ne suffisent pas, quand à l’aller vous en avez douze de prises ? » 

 

Le bus de 17 heures, à son arrivée quelques heures plus tard à Porto-Vecchio.
Le bus de 17 heures, à son arrivée quelques heures plus tard à Porto-Vecchio.
Une plainte a été déposée

Deuxième explication avancée par la directrice : « Quand cette ligne était privée, nous faisions partir les deux bus à 16 heures, l’un du centre-ville de Bastia et l’autre directement de Montesoro. Mais quand elle a repris la gestion, la Collectivité de Corse a décidé de faire partir les deux bus de la gare routière de Bastia, l’un à 16 h, et l’autre à 17 h 10. » En conséquence, selon elle, nombre d’adultes on pu, en cette période de l’année encore très fréquentée par les touristes, monter dans le bus dès Bastia. Au point d’oublier qu’il y a encore des lycéens à récupérer à Montesoro ? « On donne la priorité aux scolaires, assure Joëlle Piereschi. Après le départ du bus de 16 heures, on a compté. Il restait entre 25 à 30 élèves à récupérer. Quand le deuxième bus est parti de Bastia, on s’est dit qu’on était large. Sauf que d’autres élèves ont quitté le lycée entretemps, pour prendre le bus. A Montesoro pourtant, les cours ont toujours fini à 16 heures, pas à 17 heures. Et personne ne nous a mis au courant du changement. » C’est faux, lui répond le proviseur du lycée Fred-Scamaroni, Jean-Martin Mondoloni : « Le lycée a ouvert en 1976 et depuis tout ce temps, sa couverture horaire a toujours été du lundi matin à 8 heures au vendredi soir à 18 heures. Le fait est que personne ne s’est rapproché de nous, que ce soit la Collectivité de Corse ou Les Rapides Bleus. » Afin de trouver une solution, il dit avoir tenté de joindre la CDC cette semaine, « qui ne m’a pas répondu ». Corse Net Infos a également sollicité la Collectivité de Corse, sans succès.

 

Le chien qui a occupé un siège passager.
Le chien qui a occupé un siège passager.
Samedi, inquiète que la situation ne vienne à se reproduire, une maman porto-vecchiaise s’est rendue à la brigade de gendarmerie de Porto-Vecchio déposer une plainte pour « délaissement de mineur, mise en danger d’un mineur de moins de 15 ans et non assistance à personne en danger ». Une plainte qui est aujourd’hui entre les mains du parquet de Bastia. Les autorités compétentes ont réagi, puisque mardi, trois bus sont partis le matin de Porto-Vecchio, en direction de Bastia. Il y en aura donc autant au retour, vendredi : « Avec la Collectivité de Corse, on s’est donné quinze jours pour voir comment ça se passe, rapporte Mme Piereschi, mais il faut savoir que ce mardi matin, l’un des trois bus a roulé à vide, mais si ça peut rassurer, on continuera... » Vendredi dernier, n’avait-elle pas les moyens de faire remonter tout de suite à Bastia l’un des bus qui était descendu en fin d’après-midi à Porto-Vecchio, pour récupérer les neuf naufragés ? « Oui, mais les parents étaient d’accord pour venir chercher leurs enfants à Bravona », assure-t-elle, quand ces derniers affirment « ne pas avoir eu le choix ». Joëlle Piereschi se dit néanmoins ouverte, « par empathie », à étudier la perspective d’un dédommagement financier. Enfin, concernant l’épisode du chien, elle concède que son chauffeur « a fait une erreur, il aurait dû le mettre par terre pour laisser monter un enfant supplémentaire. Je lui ai notifié par écrit ne ne plus faire monter son chien à bord. » Ce chien, un caniche, a été aperçu par les parents, à Porto-Vecchio, toujours sur son siège : « Il avait l’air bien apparemment, a constaté Pascale. Pas trop scuzzulé par le trajet... »