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Pour la LDH et Ghjuventù Tocca Noi l’antiterrorisme tourne le dos à l’apaisement


Marilyne SANTI le Samedi 14 Mars 2015 à 19:56

La ligue des droits de l’homme de Corse-du-Sud et l’association Ghjuventù Tocca Noi se sont exprimés samedi à Ajaccio lors d’une conférence de presse sur les interpellations de militants nationalistes intervenues ces derniers mois et sur les dangers de l’antiterrorisme. Ils ont aussi précisé leur position sur la question des détenus et celle de l’amnistie.



Pour la LDH et Ghjuventù Tocca Noi l’antiterrorisme tourne le dos à l’apaisement
Le constat est évident pour les deux associations, malgré le dépôt des armes par le FLNC en juin 2014, et depuis l’arrêt des attentats : la Corse n’en a pas fini avec l’antiterrorisme. Les évènements d’octobre 2014, puis de février et mars 2015 ont donné eu lieu à trois séries d’interpellations sur commission rogatoire d’un juge antiterroriste sur des militants nationalistes et d’autres personnes.
En tout une quinzaine ont été gardées à vue. Si à la suite d’attentats et de destruction de biens il est "normal que la justice enquête afin de retrouver les auteurs et complices d’actes délictueux, dans le contexte de l’antiterrorisme et compte tenu que ce n’est ni une justice normale ni ordinaire, mais où l’arbitraire fait loi", les représentants des associations pensent " que le moment est grave et qu’il ne faut pas oublier que l’antiterrorisme est bien une justice d’exception."

La Corse n’en finit pas avec l’antiterrorisme

"Les opérations de police spectacle de ces derniers mois, ne dérogent pas à la règle antiterroristes. Comme toutes les opérations de ce type menées depuis plusieurs décennies, elles sont faites pour impressionner l’opinion publique. Elles confirment le caractère inquisitorial de l’antiterrorisme. Les gardes à vue ont pour but de pousser à l’aveu les personnes interpellées et non pas de rechercher les éléments probants pour avancer dans la recherche de la vérité."
"L’exploitation d’empreintes sur un sac ayant servi à transporter des aubergines est à cet égard caricatural. Mais depuis des décennies combien de corses ont subi ces abus de police, avant d’être relâchés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux ? Et combien de fois a-t-on rappelé qu’il aurait suffi de simples convocations au commissariat ou en gendarmerie en lieu et place de ces gardes à vue éprouvantes et humiliantes ?"

L’antiterrorisme n’est pas une justice sereine

Les conséquences de ces "rafles à répétition" ne peuvent que mener à des incompréhensions et des colères, courir le risque de voir s’enclencher un énième cycle de violence et de répressions. Nous sommes loin de la justice normale et de la sérénité qui dit la caractériser. Parmi les personnes interpellées certains des militants font l’objet d’une poursuite, et l’un d’eux Pierre Paoli a été écroué dernièrement.  En matière d’antiterrorisme la détention provisoire peut durer quatre années : Eric Marras en détention provisoire sur le continent depuis mars 2011 est toujours en attente de jugement. Pierre Paoli, écroué il y a quelques jours à peine pourrait subir le même sort : s’il n’est pas relaxé son jugement n’interviendra pas avant 2019.

L’antiterrorisme est un anachronisme

La LDH et Ghjuventù Tocca Noi pensent que "ce qui tendrait plus vers la normalité serait la possibilité de pourvoir enfin sortir de la logique d’affrontements permanents et de construire une société apaisée, la volonté de chercher des réponses politiques et non pas répressives à des questions politiques, de s’interroger sur l’opportunité véritable de débattre dans un cadre démocratique qui fait désormais consensus."

Ne négliger aucune question qui puisse renforcer le processus d’apaisement

La question du rapprochement des détenus et des prévenus conformément à ce que dit la loi "est une priorité à laquelle il faut répondre concrètement", pour les portes parole des associations. Apporter une réponse à cette exigence démocratique et sociale est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. La loi doit être respectée en matière de rapprochement et de liberté conditionnelle pour en finir avec une inégalité de traitement qui touche les détenus et les prévenus corses.
"Il semble ensuite normal que la question de l’amnistie soit posée. Elle a été déposée ailleurs en Europe et en d’autres temps pour la Corse. Elle a toujours contribué à l’élaboration d’une solution démocratique. Pour la LDH et Ghjuventù Tocca Noi cette revendication est légitime. Qu’elle soit mise en débat et portée par l’assemblée de Corse en même temps que par la société civile donnera à cette attente toute sa force. Nous sommes attentifs à tous les débats qui peuvent renforcer un processus d’apaisement attendu depuis des décennies, porteur d’espoir et d’un avenir meilleur."