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Paul Giacobbi : "Il faut avoir le courage de nos opinions et de nos besoins"


Nicole Mari le Samedi 7 Juin 2014 à 14:03

Les élus insulaires ne voulant pas d’une réforme des territoires imposée par Paris, le Comité stratégique a décidé, à l’unanimité, de bâtir le projet d’une organisation institutionnelle nouvelle et de le soumettre, rapidement, au gouvernement. Le président du Conseil exécutif de l'Assemblée de Corse (CTC), Paul Giacobbi, revient, pour Corse Net Infos, sur ce projet de réforme et en précise le principe et les modalités.



Paul Giacobbi, président du Conseil Exécutif de l'Assemblée de Corse et député.
Paul Giacobbi, président du Conseil Exécutif de l'Assemblée de Corse et député.
- Quelle est la portée de la décision solennelle que vous avez prise ?
- Nous sommes confrontés à un choix. Face aux perspectives ouvertes par le gouvernement, notamment sur les départements, nous pouvions, évidemment, décider de nous laisser entrainer dans le mouvement d’autant plus que celui-ci est un peu confus ! Même si l’orientation générale est bien la suppression à terme des départements, le premier temps est de les vider de leurs compétences. L’idée du Comité stratégique, affirmée de manière très forte, unanime et solennelle, est de ne pas attendre que cela se passe, mais de faire nos propositions. Ce qui est très naturel !
 
- Le Comité n’avait-il pas déjà commencé à le faire ?
- Oui. Nous allons, maintenant, accélérer le mouvement, c’est-à-dire préciser de manière plus détaillée l’architecture institutionnelle que nous voulons pour la Corse et les transferts de compétences des départements au profit de la CTC ou des intercommunalités. Eventuellement même, préciser quelle représentation des territoires nous souhaitons dans les modes électifs. Il faut aller dans le détail.
 
- Etes-vous favorable à la suppression des départements ?
- Jean-Jacques Panunzi (président du Conseil général de Corse du Sud et conseiller territorial de droite) a résumé le propos : qu’on soit pour ou contre, on voit bien que la suppression est décidée ! Elle n’est pas décidée seulement par le gouvernement et le président de la République actuels. Le précédent gouvernement avait lui aussi projeté une réforme territoriale qui consistait à garder deux collectivités, mais une seule représentation élective. On voit bien que la suppression des échelons excessifs forme consensus au plan national. Par conséquent, quelque soit la mobilité du calendrier, les départements vont nécessairement s’effacer.
 
- Ne devez-vous pas jouer une course contre la montre pour prendre d’avance le gouvernement ?
- Non ! Il n’y a pas d’urgence à ce point-là ! D’abord, nous sommes toujours en avance par rapport au gouvernement parce qu’en général, il avance des calendriers qu’il ne tient pas ! Ensuite, à partir du moment où des projets de loi arrivent, nous devons faire valoir le caractère spécifique de la Corse. Il est évident qu’une région à deux départements et à 300 000 habitants n’aura pas la même structure de répartition de compétences ou les mêmes solutions qu’une région nouvelle qui réunit le Languedoc-Roussillon et le Midi-Pyrénées et 4 millions d’habitants. Comme je l’ai dit, cela nous fait passer de la Septimanie* à la mégalomanie ! C’est un peu excessif !
 
- Dans combien de temps, pensez-vous finaliser vos propositions et les présenter au gouvernement ?
- Nous espérons aller le plus vite possible. Nous devons, logiquement, les faire en quelques mois. Ce sera difficile. Il nous faut avancer, sinon à marche forcée, du moins à un pas cadencé de manière à réussir à aller le plus vite possible. Pas forcément en une fois, mais avec peut-être des étapes.
 
- Cette réforme territoriale impose-t-elle une révision constitutionnelle ?
- Il faut être précis. Il y a deux étages. D’une part, il y aura, en France, une révision de la Constitution dans laquelle nous exigerons que la Corse soit comprise et entendue. D’autre part, l’architecture institutionnelle, c’est-à-dire la répartition des compétences des départements, n’exige pas une réforme de la Constitution puisqu’elle est déjà prévue. En ce qui nous concerne, les collectivités peuvent fusionner. Par conséquent, nous travaillerons sur les deux sujets en même temps.
 
- Le Comité réaffirme la nécessité de l’inscription de la Corse dans la Constitution. Est-ce le but premier ?
- C’est indispensable d’un point de vue pratique et technique. Que ce soit sur la langue corse, les questions fiscales, foncières et normatives, il est impossible de ne pas disposer d’un outil efficace et utile qui corresponde à la volonté de l’Assemblée de Corse. C’est une constatation que les meilleurs juristes du royaume ont largement confirmé et qui fait consensus dans l’île.
 
- Le gouvernement reste, jusqu’à présent, autiste aux demandes de la CTC. Pensez-vous qu’il sera mieux disposé à accepter une réorganisation territoriale ?
- C’est le peuple qui décide ! C’est la représentation nationale ! Le gouvernement n’est pas autiste puisqu’il nous entend, il nous écoute même s’il nous dit que réviser la Constitution est compliqué. Aujourd’hui, il se rend compte que, pour mener à bien la révision de l’organisation territoriale qu’il souhaite, il faudra réviser la Constitution. Qu’il le veuille ou non, il faudra bien inclure la Corse dans cette révision de la Constitution, sinon ce serait d’une telle absurdité ! Il sera bien obligé de l’admettre ! Il ne veut pas faire cette révision tout de suite, mais il sera amené à la proposer bien plus vite qu’il ne le pense ! On est écouté quand on formule des choses ! La Corse a été écoutée sur le PADDUC. Quand elle présentera des textes largement consensuels, le gouvernement sera obligé de la suivre !
 
- Le Comité acte, justement, la nécessité d’un large consensus insulaire sur le projet de réforme. Pensez-vous l’obtenir ?
- Nous devons être clairs entre nous sur ce que nous voulons. Plus nous serons cohérents dans nos propositions, plus nous serons intelligents et réalistes, plus nous obtiendrons un large consensus, même si nous sommes audacieux. Nous ne devons pas, pour trouver le plus petit commun dénominateur, jeter par dessus bord, même si c’est compliqué, des questions essentielles, fondamentales qui sont, peut-être, les plus importantes, comme celles du foncier. Il faut avoir le courage de nos opinions, de nos besoins et de nos nécessités.
 
- Que pensez-vous de la date des élections territoriales apparemment fixée à octobre 2015 ?
- Je ne pense plus rien ! Je considère qu’il faut agir comme si elles avaient lieu à la date normale, en mars 2015, même si vraisemblablement, elles seront repoussées de six mois ou d’un an. C’est le cadet de mes soucis ! Je suis dans une position où, de toute façon, si je souhaite me représenter, je pense réussir à être élu. Le souci n’est pas de savoir quand ces élections vont se passer, mais dans quelles conditions, elles vont se passer !
 
Propos recueillis par Nicole MARI
 
* Septimanie : Nom du royaume wisigoth qui, entre le IVe et le VIIIe siècle, s'étendait à peu près sur l'actuel Languedoc-Roussillon et que Georges Frêche, l’ancien président de région, voulait redonner au territoire.