Il est 17h, le soleil commence à baisser sur la ville de Bastia. Devant l’Office de Tourisme, situé sur la place Saint Nicolas, une trentaine de personnes s’est rassemblée. Adultes et enfants, pour la plupart en vacances en Corse, vont participer à la visite guidée Les Légendines. Tous les mardis, d’avril à novembre, l’Office de Tourisme de Bastia propose, pour 25€, une visite de 2h30 à travers la ville, pour découvrir les traditions et les légendes de Bastia.
Elena Gottardi, la guide du jour, annonce le déroulé de la visite au groupe. Au programme : visite de la ville, dégustation de spécialités locales, et concert de chants polyphoniques. Les premiers vacanciers ont hâte de commencer la visite. “C’est la première fois qu’on vient en Corse, et depuis quelques années, on a pris l’habitude de programmer des visites guidées avec des locaux dans les villes qu’on visite, comme Madrid, Montpellier ou Angers, donc on a eu envie de faire la même chose à Bastia”, indique Thierry, originaire de Saint-Nazaire. Marie-Lou, sa fille, précise qu’ils ont principalement été attirés “par le concert de chants polyphoniques et la dégustation de spécialités locales”.
La visite débute sur la place Saint Nicolas, l’une des plus longues d’Europe, avec ses 280 mètres de longueur. Elena Gottardi plonge directement le groupe dans la première légende de Bastia : celle du palais maudit. Si cet immeuble rose abrite aujourd’hui des bureaux et des appartements, à l’époque, un couvent se dressait à cet endroit. Sa destruction, contestée par les Bastiais car des sépultures y reposaient, aurait profané les tombes. Depuis, le bâtiment est surnommé le palais maudit : un échafaudage s'est effondré durant sa construction, causant la mort de plusieurs ouvriers, et certains affirment même entendre les voix des défunts.
En remontant la place jusqu’à la statue de Napoléon, le groupe découvre une nouvelle anecdote. Représenté en Jupiter, l’empereur trône sur une œuvre initialement commandée par sa sœur pour décorer son palais en Italie. Rapatriée à Bastia pour remercier Napoléon III, son neveu, de son attachement à la Corse, la statue fut inaugurée en grande pompe, malgré une superstition. L’impératrice Eugénie refusa en effet de monter les 13 marches séparant son bateau du port de commerce, préférant débarquer sur le Vieux-Port et poursuivre à pied.
Le groupe se dirige ensuite vers la place du Marché et l’église Saint Jean-Baptiste. Après de brèves explications historiques, la visite se poursuit à l’intérieur, et Elena Gottardi raconte l’histoire de Sainte Zita, sainte patronne des fleuristes et jardiniers. Selon la légende, Zita, alors employée de maison, aurait caché du pain sous son tablier pour le distribuer aux pauvres. Surprise par ses maîtres, elle affirma porter des fleurs… qui apparurent aussitôt à la place du pain.
Une immersion dans les traditions corses
Direction ensuite la rue Napoléon et l’oratoire Saint Roch. Sur le parvis, la guide explique le rôle des confréries religieuses. Les questions s’enchaînent du côté des visiteurs : “Combien y a-t-il de confréries en Corse ? Comment entrer dans une confrérie ? Comment fonctionnent-elles ?” Selon Elena Gottardi, cette partie est celle qui intrigue le plus les participants. “Ils n’ont pas l’habitude d'entendre parler des confréries, parce qu'ils n'ont pas forcément ça dans leurs régions.” À l’intérieur, un concert d’une trentaine de minutes de chants polyphoniques vient clore cette séquence, entre émotion et découverte. “Le clou du spectacle, c'est vraiment d’assister à un concert de chants polyphoniques en pleine journée”, explique Elena Gottardi. “Là, ils sont ancrés dans Bastia, on ne peut pas mieux faire.”
Le public, quant à lui, ressort enchanté de cette découverte. “On avait vu des reportages à la télévision, mais c’est la première fois qu’on en entend en vrai”, expliquent Wilfried et Isabelle, originaires de Tillières. “C’est très beau, on a même eu une petite larme à l’œil.” Thierry, quant à lui, est “content d’avoir vécu cette expérience”, bien qu’il avoue ne pas être très friand de chants religieux. Sa fille Léa, en revanche, a beaucoup aimé “les chants sacrés”.
Après une dégustation de charcuterie et de fromage, le groupe se dirige sur le Vieux-Port, autrefois appelé Porto Cardo. Berceau de la ville, le port n’était autrefois qu’un point de passage pour les pêcheurs du village de Cardo, car il était interdit de s’installer sur le littoral, jugé trop dangereux. C’est d’ailleurs ici que les Génois érigèrent une forteresse au XIVe siècle, donnant naissance à Bastia.
Une fin de visite au sein de la citadelle
La visite s’achève au sein de la citadelle, sur la place près de l’église Sainte Marie, face à une bâtisse où Victor Hugo a vécu étant enfant, et où il aurait prononcé ses premiers mots en corse, grâce à sa nourrice bastiaise. Dernière anecdote avant la fin de la visite guidée : cette place a été le théâtre de nombreuses exécutions, dont la dernière en 1935, lorsqu’André Spada a été guillotiné devant l’ancienne prison de Bastia.
Plus de deux heures après le début du parcours des Légendines, la visite se termine, et les visiteurs sont conquis. “On a appris plein de choses, notamment sur le Cap Corse qu’on va bientôt visiter”, expliquent Thierry et sa famille. “On a aussi eu des explications sur des lieux, des détails qu’on avait vu en se baladant par nous-mêmes, et c’est très intéressant de mieux comprendre ces aspects. On est très contents de cette visite, qui est un parfait mélange entre histoire, traditions et gastronomie.”
Elena Gottardi, quant à elle, indique que de nombreux visiteurs prennent part à cette visite chaque semaine. “J’ai souvent des personnes de Bastia qui reçoivent des amis ou de la famille du continent et qui les amènent faire Les Légendines. Ça permet d’apprendre encore plus de choses que par un simple guide écrit. On a aussi quelques locaux qui participent à cette visite, parce que si on réfléchit bien, il y a peu de Bastiais qui sont au courant de tout ça, et ça leur permet de se plonger encore plus dans l’histoire de Bastia.”