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Les 40 ans de la colonie horticole de Saint Antoine à Ajaccio : Le domaine de Castelluccio et son histoire


José Fanchi le Vendredi 18 Avril 2014 à 21:13

Aujourd’hui hôpital psychiatrique départemental, hier colonie horticole et bagne d’enfants, l’histoire de cet immense domaine est assez peu connue des Ajacciens. Seuls quelques anciens se rappellent de ce territoire à quelques kilomètres du centre ville. Jeudi, à l’occasion du 40e anniversaire de la colonie horticole, René Santoni, écrivain et historien de cette partie de la ville est revenu sur l’histoire de ce domaine dont il a édité un ouvrage



Les 40 ans de la colonie horticole de Saint Antoine à Ajaccio : Le domaine de Castelluccio et son histoire
La conférence de presse de René Santoni comprenait deux parties bien distinctes : l’histoire du domaine depuis la Révolution et l’historique de la jeunesse délinquante avec la construction du bagne des enfants de Castelluccio à savoir la colonie horticole de Saint Antoine. Le tout avec des images (collection Philippe Martinetti) et des explications suivies de débat autour du domaine. Au 18e siècle, le domaine de Castelluccio, d’une superficie de 87 hectares, appartenait à la famille Cattaneo d’Ajaccio. Le 7 février 1798, Joseph Fesch, l’oncle de Napoléon, achète le domaine de Castelluccio ainsi que le domaine de Mariuccia à Etienne Cattaneo, soit 260 hectares environ de terres pour la somme de 5500 Francs. En plus de cette somme, Joseph Fesch cède au vendeur, sa vigne de Pietra Bianca qui appartenait à sa famille. Le cardinal Fesch conservera ces biens jusqu’à sa mort. Dans son testament, il cède une partie de son immense fortune, dont la propriété de Castelluccio, à un institut d’études que la ville devait créer pour les jeunes, principalement ceux qui viennent de l’intérieur de l’île. Après la mort du Cardinal, ses vœux ne furent pas réalisés, le grand institut d’études ne fut pas créé, et ses propriétés furent louées à des agriculteurs par la municipalité. A partir de 1845, le domaine de Castelluccio fut loué à un dénommé Ucciani Jean-Félix.

La construction de la colonie pénitentiaire
En 1854, la municipalité d’Ajaccio mit gratuitement, à  la disposition  de l’Administration Pénitentiaire 325 hectares provenant du legs du Cardinal pour la fondation d’une colonie pénitentiaire: (Castelluccio , Mariuccia et Albitrone).
Il faut savoir que sous l’ancien régime, les enfants et les adultes étaient mélangés dans les prisons. Le code pénal de 1810 fixera à 16 ans l’âge de la majorité pénale, et il subordonnera la responsabilité pénale du mineur à la notion de discernement. A partir de 1811, intervient la création de quartiers des jeunes détenus dans les prisons afin de séparer les adultes et les enfants. Par une circulaire du 3 décembre 1832 le Comte d’Argout, ministre du commerce et des travaux publics, préconisait de placer les enfants acquittés en apprentissage, au même titre que les enfants abandonnés, plutôt que de les enfermer dans des prisons. Il fallut attendre l’année 1855 et l’avènement du second Empire pour voir la mise en œuvre de l’article 10 de la loi du 5 aout 1850. A l’époque, on jugea qu’une seule colonie correctionnelle était nécessaire et on l’implanta à Ajaccio. On décida de l’intégrer dans une nouvelle structure pénitentiaire en voie de création : Les pénitenciers agricoles de Corse. C’est ainsi que la colonie correctionnelle de Saint Antoine fut rattachée au pénitencier de Coti Chiavari.
A partir de 1857, les enfants dormiront sur le plateau de Castelluccio dans des abris de fortune pendant les fortes chaleurs, avant la construction des bâtiment et le déménagement dans les nouveaux locaux en 1859. Les locaux de Saint Antoine seront utilisés comme ferme et 40 enfants y résideront l’hiver. La colonie prendra le nom de :Colonie Horticole de Saint Antoine.  L’objectif était de 600 enfants, mais ils seront 400 au maximum. En 1858, sur 247 enfants, 172 avaient moins de 15 ans. 151 venaient des villes et 96 des campagnes. La religion tenait une place très importante dans la vie de la colonie et un prêtre y était exclusivement attaché. Il devait préparer à la communion puis à la confirmation tous les enfants de Saint-Antoine et donnait la messe tous les dimanches et les jours de fête. Il rendait visite aux punis en cellules ou aux malades à l’infirmerie et donnait les derniers sacrements aux mourants. 1861 et 1862, soixante et un enfants étaient morts au pénitencier de Saint Antoine. Le pénitencier de Castelluccio viendra compléter les deux autres  (Coti Chiavari et Casabianda qui avait été créé en 1862). En 1882, la population des pénitenciers agricoles de la Corse se composait de  2186 détenus répartis de la manière suivante :
- Castelluccio 483
- Coti Chiavari 783
 - Casabianda 920. Ce total représentait 16% environ de la population carcérale des maisons centrales françaises qui s’élevait à l’époque à 13392 détenus.

Le pénitencier de Castelluccio  sera  le dernier à être supprimé le 30 janvier 1907, Coti Chiavari l’avait précédé de quelques mois. (juillet 1906), Casabianda avait fermé ses portes en 1886, avant de rouvrir sous une autre forme en 1948, forme sous laquelle il existe encore aujourd’hui.

Depuis les années 1970, le centre hospitalier de Castelluccio a été construit sur l’emplacement du pénitencier.

 
Le couple Campinchi ferme les bagnes
César Campinchi, député de la Corse, et son épouse Hélène, avocate et conseiller Générale de la Corse, sont à l’origine de la suppression des bagnes pour enfants. Après la mort de son mari en 1941, elle est chargée de mission auprès du ministre de la justice,  François de Menthon, en 1945. Elle présidera la commission qui aboutit à la rédaction de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante matérialisant ainsi la proposition de son mari.


L'ordonnance du 2 février 1945, proclame la prééminence de l'éducatif sur le répressif : un corps de magistrats spécialisés, les juges des enfants, est établi à raison d'un par tribunal.

Cette ordonnance, connue sous le nom d’ordonnance Hélène Campinchi, met fin à la loi du 5 aout 1850. Aujourd’hui, elle régit encore en partie, la protection judiciaire de la jeunesse.

J. F.