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L’Assemblée de Corse valide la méthode et le calendrier de la révision du Padduc


le Vendredi 25 Juillet 2025 à 15:46

Ce jeudi, à l’occasion de la session de l’Assemblée de Corse, le président de l’AUE, Julien Paolini, a présenté un rapport visant à poser la méthode et le calendrier de la révision du Padduc, actée en novembre dernier. À cette occasion, il a détaillé les grands enjeux de fond portés par cette procédure, tandis que plusieurs élus ont exprimé leurs réserves sur le calendrier proposé.



(Photos : Paule Santoni)
(Photos : Paule Santoni)
C’est un document qui définit le projet de société voulu pour la Corse. Adopté en 2015 sous la mandature de Paul Giacobbi, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse (Padduc) doit aujourd’hui être repassé au crible, comme le prévoit le Code général des collectivités territoriales. Après la présentation d’une analyse globale de l’application de ce document de planification lors de la dernière décennie, en novembre dernier, l’Assemblée de Corse avait en effet décidé d’engager une révision partielle. Ce jeudi, à l’occasion de la dernière session de l’Assemblée de Corse avant la pause estivale, Julien Paolini, le président de l’Agence d’Aménagement durable et d’Urbanisme et d’Énergie de la Corse (AUE), est revenu devant l’hémicycle pour présenter la méthode et le calendrier de cette procédure. 
 
« Le choix d’opérer une révision partielle ne signifie pas qu’on va modifier à la marge le Padduc de 2015. Il ne s’agit pas simplement de faire une mise à jour réglementaire, mais de modifier l’économie générale du document en conservant l’esprit et la lettre du Padduc de 2015 », explique-t-il en préambule, ajoutant que cette procédure est à la fois « l’occasion de réaffirmer des fondamentaux politiques qui parfois ont été dilués dans le texte actuel ». Le président de l’AUE pose ainsi que trois enjeux « absents ou peu présents dans le Padduc de 2015 » qui apparaissent aujourd’hui essentiels seront notamment ajoutés dans le document par le biais de cette procédure, à commencer par la lutte contre la criminalité organisée et les pratiques mafieuses. S’il concède que « la lutte contre la criminalité organisée relève principalement des compétences régaliennes », il indique en effet que les compétences en matière de commande publique, d’urbanisme, de culture et d’éducation permettent d’agir dans des secteurs économiques exposés. « Par son caractère transversal, le Padduc doit devenir un outil de prévention par rapport aux logiques mafieuses en limitant les opportunités de captations illicites, un outil de résistance pour une société libre, apaisée et démocratique », insiste-t-il. D’autre part, il fixe également comme un enjeu majeur la protection et la défense des biens communs afin de « garantir aux Corses l’accès à leur terre, aux ressources et aux espaces naturels, aux biens immatériels », ainsi que les valoriser et les protéger pour les transmettre aux générations futures. Enfin, il pointe également le « combat contre la spéculation foncière et immobilière », alors que « la problématique de l’accès au logement qui devrait être un droit fondamental garanti, n’a fait que s’accentuer ces dernières années ». 
 
De nouveaux enjeux à intégrer
 
« Les prix du foncier et de l’immobilier ne cessent de flamber alors que nous avons construit un peu moins de 50 000 logements sur les 10 dernières années, sur lesquels 50% sont des résidences secondaires. Pire encore, ces résidences secondaires se sont converties massivement en meublés de tourisme, alimentant une concurrence déloyale avec le secteur de l’hôtellerie traditionnelle et raréfiant l’offre pour les habitants à l’année. Et cerise sur le gâteau, ces constructions ont souvent été autorisées en contradiction totale avec les dispositions protectrices de la loi littoral et donc du Padduc qui la précise », déplore le conseiller exécutif en relevant que ce développement « a exclu la majorité des Corses, notamment les jeunes et les ménages modestes, de l’accès au logement dans de nombreux secteurs de l’île ». « Ce modèle de développement n’est pas soutenable ni acceptable », martèle-t-il, « Il conduit à la fois à renforcer les inégalités sociales avec des riches toujours moins nombreux et des pauvres toujours plus nombreux. Mais aussi des inégalités territoriales entre des zones qui explosent et des zones qui meurent. Cette uberisation de la Corse renforce aussi le sentiment de dépossession, d’injustice ou de déclassement. Cette spéculation c’est le terreau de la colère d’un peuple ». 
 

Dans le même temps, Julien Paolini met également en exergue deux grandes dynamiques qui vont profondément transformer notre île dans les décennies à venir à intégrer dans le futur Padduc. « La révision du Padduc doit permettre de réfléchir à une politique de prévention et d’adaptation au dérèglement climatique », pose-t-il ainsi en ajoutant par ailleurs que si « la prise en compte de la croissance démographique était inexistante dans le Padduc de 2015 », cette dernière ne peut « plus être esquivée aujourd’hui ». « Depuis 1975, la Corse a vu sa population passer de 226 000 habitants à 360 000. Un taux de croissance de près de 60% en 50 ans, alors que la France a enregistré un taux de 25 % », rappelle-t-il. Un « rythme démographique inédit » qui a été « un choc pour la Corse » qu’il convient de prendre pleinement en considération désormais selon le président de l’AUE. 
 
« Ce que nous voulons ce que les Corses n’aient plus à choisir en fin de mois entre remplir le caddie et faire le plein, puissent se loger à des prix abordables, puissent se soigner ou se former sans avoir à prendre l’avion. Ce que nous refusons c’est une terre abîmée par la spéculation foncière et immobilière, une terre exposée aux quatre vents, notamment la spéculation, une terre fragmentée et bétonnée. Ce que nous voulons c’est une Corse qui résiste face aux défis du XXIème siècle, notamment le défi climatique. Ce que nous refusons c’est une terre fragilisée face aux menaces des chocs climatiques, économiques et sociaux. Ce que nous voulons c’est une terre qui ne tue plus ses enfants. Ce que nous refusons c’est une terre meurtrie par la menace mafieuse, où les outils de travail brûlent régulièrement. Enfin ce que nous voulons c’est une Corse qui fait vivre ses villages, sa langue, sa culture. Et ce que nous refusons c’est une terre qui subit un modèle de développement importé qui tend à uniformiser, à nier les spécificités, à diluer les identités et à renforcer les dépendances », expose-t-il encore en affirmant dans ce droit fil que cette révision du Padduc est « un combat pour l’émancipation ». « Ce combat c’est celui pour garder l’espoir d’un peuple qui aspire à vivre dignement sur sa terre, à travailler et produire librement, à décider ici de son avenir », appuie-t-il en détaillant un calendrier « exigeant, ambitieux, au croisement de différents horizons politiques » pour mener cette révision. Des rapports d’étape trimestriel et des débats intermédiaires sur des points d’urbanisme avant l’arrêt du projet de révision par l’Assemblée de Corse au 4ème trimestre 2027 et le lancement de la procédure d’enquête publique au 1er trimestre 2028 sont ainsi programmés. 
 
Un calendrier qui fait débat
 
Mais si sur le fond, beaucoup partagent les lignes dessinées par le conseiller exécutif, sur la forme de la révision une grande partie de l’hémicycle a fait part de certaines craintes. « En novembre dernier, j’avais compris comme beaucoup ici qu’il s’agissait d’une procédure plus souple, plus rapide, adaptée aux urgences du moment. Ce qui nous frappe et que nous déplorons aujourd’hui c’est le calendrier annoncé avec une entrée en vigueur du Padduc révisé en 2028. C’est beaucoup trop tard », déplore ainsi Catherine Cognetti-Turchini d’Un Soffiu Novu, en notant qu’à partir d’août 2027 « toute extension d’urbanisation sera interdite dans les communes corses non couvertes par un PLU » alors que « la majorité des communes corses sont encore soumises au règlement national d’urbanisme ». « 2028 c’est trop tard ! Si rien ne change ce sont les communes les plus fragiles qui payeront l’addition. C’est une faute de tempo qui aura des conséquences lourdes pour les maires, pour les habitants et pour l’avenir de notre île », regrette-t-elle. 
 
Dans la même ligne, Paul-Félix Benedetti indique également ne pas partager le calendrier du fait des obligations réglementaires pour les communes dès 2027. « Un vote de rapport non définitif au premier semestre 2028 c’est de la folie ! C’est trop tard et en plus nous serons dans un contexte d’élections territoriales. Ce Padduc va partir à enquête publique début 2028 et il sera voté ou relancé par une nouvelle majorité », s’alarme-t-il en annonçant que Core in Fronte déposera un amendement pour resserrer le calendrier afin d’avoir un vote du document définitif avant fin 2027. En outre, il ajoute que son groupe déposera également un amendement qui demande la mise en place d’un Comité de pilotage pour mener cette procédure de révision, afin d’y associer « tout ce que la société politique, sociale et économique de Corse représente ».
 
La représentante de Nazione dans l’hémicycle, Josepha Giacometti-Piredda invite pour sa part « à trouver des outils immédiats pour avoir une action offensive » et « trouver comment rendre applicable ces grands principes ». « Les incantations ne sont plus suffisantes », martèle-t-elle.« J’ai eu l’impression d’assister plus à un discours politique qu’à la présentation d’un rapport sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire. On a souvent constaté que la faiblesse du Padduc c’est son manque d’opérationnalité. Or c’est un peu inquiétant pour nous de voir qu’on s’éloigne toujours un peu plus du terrain », appuie pour sa part Jean-Michel Savelli sur les bancs de la droite. 
 
Après les débats, une longue discussion en commission permettra d’écrire des amendements qui resserrent le calendrier pour une approbation définitive du Padduc révisé fin 2027 et actent la création d’un COPIL. Le rapport sera finalement adopté en fin de soirée, avec l’abstention d’Un Soffiu Novu qui a estimé que malgré les amendements le calendrier de la révision, « même contracté » était trop tardif.