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Eric Simoni : « Les Bastiais veulent l’alternance »


Nicole Mari le Mardi 17 Septembre 2013 à 10:33

Candidat de Corsica Libera pour les élections municipales de mars 2014 à Bastia, Eric Simoni conduira une liste d’ouverture « Un’Alba nova per Bastia ». Le candidat indépendantiste entend utiliser une campagne électorale, qui s’annonce âpre, pour porter les messages de son mouvement. Il explique, à Corse Net Infos, que les Bastiais veulent l’alternance. Pour cela, il incite les commerçants et les artisans à s’inscrire sur les listes électorales. Et se dit prêt à discuter, au 2nd tour, d’une alliance la plus large possible, autour de Gilles Simeoni, sur un contrat de gestion municipale.



Eric Simoni, candidat de Corsica Libera aux élections municipales de mars 2014.
Eric Simoni, candidat de Corsica Libera aux élections municipales de mars 2014.
- Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter à Bastia ?
- Nous avons décidé, au niveau du mouvement, d’être présents, d’abord pour porter, à partir d’une élection très importante comme le sont les Municipales à Bastia, des messages forts. Ensuite, pour chercher des convergences avec d’autres forces, en particulier celles qui se réclament de la Nation, pour construire une dynamique qui pourrait être victorieuse au 2nd tour et garantir l'alternative au sein de l’alternance. Notre liste sera ouverte et comprendra des gens qui ne sont pas des militants de Corsica Libera, mais qui appartiennent à la société bastiaise et travaillent à Bastia.
 
- Cela signifie-t-il concrètement que vous êtes prêts à soutenir Gilles Simeoni au 2nd tour ?
- Aujourd’hui, beaucoup de Bastiais veulent l’alternance et veulent en finir avec des décennies de gestion municipale qui ne vont pas dans le bon sens pour la Corse et pour Bastia. Cette alternance est importante, mais elle ne se fera pas facilement et personne ne pourra y arriver tout seul ! Nous pensons qu’au 1er tour, on choisit et qu’au 2nd tour, on élimine. Dans cette perspective, nous voulons arriver à réaliser un score suffisant pour être représenté au 2nd tour au sein d’une dynamique globale. Il est évident que les premières personnes avec qui nous discuterons sont celles qui se réclament de la Nation et, donc, la liste que conduira Gilles Simeoni.
 
- Pourquoi ne faites-vous pas, comme à Ajaccio, une liste d’union ?
- On ne sait pas encore ce qui va précisément se passer à Ajaccio puisque tout est en pourparlers. Nous considérons qu’au niveau du mouvement national, tout doit se faire par le biais d’un accord politique global. Viennent des échéances très importantes pour la Corse où les Nationalistes vont parler d’une voix commune pour fixer un certain seuil en-deçà duquel ils n’accepteront pas d’aller lors des discussions concernant, notamment, l’évolution institutionnelle et la réforme. Dans chaque région, dans chaque commune, l’histoire locale et les possibilités donnent des configurations différentes permettant de nouer des alliances au 1er ou au 2nd tour en vue de la plus grande efficacité possible. Il faut, à notre avis, à Bastia au 1er tour, proposer un panel de programmes et d’idées dans lequel tout le monde se retrouve. Au 2nd tour, construire une union large, au-delà du seul camp nationaliste, sur un contrat de gestion municipale avec des convergences fortes afin que Bastia connaisse enfin l’alternance.
 
- Le fait que le maire sortant ne se représente pas est-il un atout ?
- On assiste, actuellement, à une sorte de guerre de succession. Les efforts, qui ont été faits pour assurer la pérennité d’un pouvoir que d’aucuns qualifient de dynastique, auraient pu être mis au service des Bastiais et de la ville. Le fait qu’Emile Zuccarelli ne se représente pas crée une situation qui peut paraître nouvelle à certains égards, mais qui est largement héritière de l’ancienne situation avec des réseaux bien en place, qui pèsent sur le scrutin. Il faut que Bastia puisse respirer un air nouveau.
 
- Quels seront les points forts de votre programme ?
- Nous travaillons depuis longtemps sur une philosophie complètement différente de celle que nous avons subie jusqu’à aujourd’hui. Nous voulons faire de Bastia une ville qui se ressemble, une ville corse à part entière, « vulemu fermà padrone in casa nostra » ! C’est très important pour les Bastiais ! La ville doit se réapproprier un certain nombre d’outils culturels, avoir une vision du développement économique et donner des signaux d’orientation forte qui se répercuteront dans toute la Corse. Nous pensons, notamment, à un projet mis en avant comme un projet porteur et qui, pour nous, ne l’est pas du tout et est même une erreur d’orientation majeure dont nous allons pâtir à l’avenir : c’est le fameux port de la Carbonite.
 
- Pourquoi y êtes-vous opposés ?
- Nous y étions opposés et nous continuons de l’être parce que des alternatives n’ont pas été étudiées. Le projet du port est aux antipodes de la vision qu’on peut avoir d’un développement durable, soutenable. C’est un mauvais signal donné à la Corse d’envisager l’avenir sous cet angle-là. Nous y reviendrons en détail dans notre programme. Nous ferons, également, des propositions concrètes concernant, notamment, la circulation intra-urbaine. Au niveau du développement économique, on a favorisé l’implantation et, demain peut-être, l’extension des grandes surfaces à la périphérie de la ville alors que le petit commerce est en train de péricliter. Au sein de notre équipe, des gens travaillent sur ces dossiers.
 
- N’avez-vous pas déjà entrepris une démarche par rapport aux commerçants ?
- Oui. Nous lançons une campagne de sensibilisation en direction des commerçants et des artisans pour qu’ils s’inscrivent sur les listes électorales afin que leur vote pèse sur les orientations de la ville. Un très grand nombre de commerçants, près de 70%, ne sont pas inscrits à Bastia alors qu’ils y travaillent et sont au cœur de l’activité économique. Beaucoup ne savent pas qu’en tant qu’artisan, commerçant ou travailleur indépendant avec un Kbis ou en payant une taxe professionnelle, ils peuvent s’inscrire même s’ils n’habitent pas en ville. C’est aussi le meilleur moyen de changer la donne et de lutter contre la fraude.
 
- C’est-à-dire ?
- Aujourd’hui, la fraude ne se fait plus, comme à une certaine époque, par bourrage des urnes. Par contre, au moment des inscriptions sur les listes électorales peuvent se passer des choses de nature à invalider et à gêner la sincérité du scrutin. Me Chailley-Pompei l’a souligné récemment. Il existe des réseaux qui fonctionnent depuis longtemps, des rouages qui rendent un certain vote, captif. Nous voulons libérer la ville, comme nous voulons libérer la Corse de manière plus globale.
 
- Que comptez-vous faire pour lutter contre la violence urbaine qui se développe ?
- Sans tomber dans le catastrophisme, ni dans les effets médiatiques inappropriés, il est certain que l’on voit, en Corse, des choses qu’on ne voyait pas avant ! Se développe, notamment, une certaine forme de délinquance qui s’attaque aux plus faibles et est, essentiellement, liée au trafic de stupéfiants. La drogue circule comme elle n’a jamais circulé. Nous considérons que la lutte contre le trafic de drogue est une priorité pour éviter que la situation n’empire. A cet égard, imiter les schémas qui ont échoué partout ailleurs et dont personne ne veut plus, serait une erreur fondamentale. C’est pourquoi il faut plonger dans une réflexion et une action porteuses d’un développement urbain différent et faire des choses qui nous ressemblent. Nous ferons tout pour que la politique de la ville à Bastia soit en adéquation avec cette volonté  de lutter contre le trafic de drogue et les comportements qu’il entraine, notamment l’émergence d’une certaine forme de délinquance inacceptable.
 
- Le Front national (FN), qui a le vent en poupe, peut-il cristalliser des votes de rejet qui, avant, se portaient sur les Nationalistes ?
- Il y a, d’un point de vue global, non seulement une différence de pays, de degré, de nation, mais aussi une différence de nature profonde entre les valeurs que porte le nationalisme corse et le discours du FN qui hiérarchise les cultures, les peuples et les nations. Au nom de cette hiérarchie, le FN interdit au peuple corse d’avoir un destin national. Ce nationalisme français ne transpire pas que dans les discours du FN, beaucoup de gens et d'hommes politiques français raisonnent de la même manière dès qu’il s’agit de la Corse. Les positions d’un Mélenchon consistant à refuser à notre peuple le droit à sa culture et à sa langue rejoignent celles de Jean Marie Le Pen. Ces discours importés, nous n’en voulons pas ! Sur un plan local et pratique, le FN n’apporte aucune solution. Au contraire, il s’oppose à chaque avancée. Or, aujourd’hui, il faut apporter des solutions et savoir ce que nous voulons pour notre pays. Il faut s’occuper des problèmes des gens.
 
- Les débats, qui ont lieu actuellement, à l’Assemblée de Corse, auront-ils des répercutions sur le vote municipal ?
- On ne peut pas déconnecter l’avenir de Bastia, de l’avenir de la Corse. Il est évident que ceux qui sont attachés à certaines évolutions, indispensables aux Corses pour pouvoir se loger chez eux et retrouver leur fondement culturel par le biais de la langue, ne peuvent pas être insensibles aux positions des uns et des autres. Quand on entend Jean Zuccarelli s’opposer au statut de résident qui est une impérieuse nécessité ! Même si elle n’est pas la solution miracle qui règlera tout, le statut donnera un sérieux coup d’arrêt à la spéculation immobilière et permettra aux Corses d’accéder à la propriété ! Les électeurs en tiendront compte.
 
Propos recueillis par Nicole MARI