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Corsica Libera refuse à son tour de rencontrer Valls


le Lundi 3 Juin 2013 à 19:24

A l’instar de "Femu A Corsica", le mouvement nationaliste "Corsica Libera" a annoncé lundi soir, lors d’une conférence de presse à Ajaccio en présence de ses principaux responsables, sa décision de ne pas vouloir rencontrer le ministre de l’Intérieur Manuel Valls durant sa visite en Corse. Une décision motivée par les récents propos jugés méprisants du ministre sur la violence « ancrée dans la Culture Corse » ainsi que par la prise de position infondée de Manuel Valls sur le statut de coofficialité de la langue Corse, votée par les élus de l’assemblée de Corse la semaine dernière.



Les responsables du mouvement Corsica Libera ont annoncé leur décision de ne pas rencontrer le ministre Manuel Valls, lors d'une conférence de presse lundi soir à Ajaccio. (Photo : Yannis-Christophe Garcia)
Les responsables du mouvement Corsica Libera ont annoncé leur décision de ne pas rencontrer le ministre Manuel Valls, lors d'une conférence de presse lundi soir à Ajaccio. (Photo : Yannis-Christophe Garcia)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la visite du ministre de l’Intérieur Manuel Valls ce lundi et pour 48 heures en Corse, aura fait couler beaucoup d’encre avant même d’avoir débuté.
Et multiplié les crispations avec bon nombre d’élus Corses, toutes tendances politiques confondues. Après le député UMP Laurent Marcangeli qui a refusé de rencontrer le ministre et exigé des excuses pour les propos exprimés par Manuel Valls sur une prétendue violence « ancrée dans la culture Corse », après la position identique du groupe nationaliste Femu A Corsica et celle du député européen François Alfonsi, qui a exprimé sa décision au ministre de l’Intérieur dans une lettre ouverte, c’est au tour du mouvement nationaliste Corsica Libera d’annoncer son refus de rencontrer Manuel Valls.

« Corsica Libera n’assistera pas à la visite de Valls à l’Assemblée de Corse »
Après une mise en accusation de l’Etat français, par la voix de l’Associu Sulidarità, d’être « hors la loi sur la questions des prisonniers corses » et appelant la ministre de la Justice Christiane Taubira pour que la France « se mette en conformité avec la loi », l’Associu Sulidarità a condamné la répression à l’encontre des jeunes de la Ghjuventù Indipendentista. Puis, les responsables du groupe ont exprimé leur position lors d’une conférence de presse qui réunissait les principales composantes de Corsica Libera. Ainsi Jean-Guy Talamoni, François Sargentini, la conseillère territoriale Corsica Libera à l’Assemblée de Corse Josepha Giacometti, l'Associu Sulidarità et le jeune président de Ghjuventù Indipendentista François Santoni, ont détaillé la position du mouvement. « Corsica Libera n’assistera pas à la visite de Valls à l’Assemblée de Corse (…) Cette énième visite a officiellement pour but de manifester le souci du ministre et du gouvernement, d’assurer l’ordre en Corse. Il semblerait d’ailleurs que les pouvoirs publics se préoccupent bien plus de la mobilisation légitime de la jeunesse corse que de régler les problèmes de paix sociale et civile, d’emplois et de paupérisation, d’un pays qui part à la dérive sous l’œil indifférent de ceux qui exercent les pouvoirs régaliens » a expliqué François Santoni de Ghjuventù Indipendentista, lors de la lecture du communiqué en présence de nombreux militants de Corsica Libera.

Amalgames du ministre entre « assassinats crapuleux et les manifestations de rue »
Réitérant « leur soutien aux familles des jeunes militants interpellés et incarcérés la semaine passée ainsi qu’à Ghjuventù Indipendentista », Corsica Libera a exprimé le « besoin de mobilisation sans faille de tous ceux qui croient en un avenir meilleur, de tous ceux qui militent pour l’émancipation en rejetant l’immobilisme, le renoncement et les dérives en tous genres ».
Par ailleurs, affirmant que « le Ministre Valls est le roi de l’amalgame, puisqu’il met systématiquement sur le même plan les assassinats crapuleux et les manifestations de rue qui se déroulent dans toutes les démocraties », Corsica Libera a exprimé la décision qu’il « ne saurait participer à ce protocole déplacé et hors de saison » rappelant « qu’avec l’ensemble des élus du Mouvement National, elle a présenté des revendications raisonnables destinées à mettre un terme au contentieux qui nous oppose à Paris depuis un demi-siècle ».

La conférence de presse de Corsica Libera ce lundi soir en images. (Photos : Yannis-Christophe Garcia)

Une réception « aussi mondaine qu’inutile »
Estimant enfin que « le gouvernement ne peut continuer à dire tout et son contraire » et que « les Corses s’étonnent et s’inquiètent d’un discours systématisé qui ignore leurs problèmes et ne parle que de mise au pas républicaine » Corsica Libera a rappelé que « les récents propos de Manuel Valls concernant le vote majoritaire des élus corses en faveur d’un statut d’officialité pour notre langue ne dérogent pas à la règle ».
Ainsi, le mouvement nationaliste a affirmé que « conscients que la visite du ministre n’apportera rien de neuf, à part son lot coutumier de déclarations méprisantes à l’égard des Corses et de leurs représentants, les élus de Corsica Libera s’abstiendront de participer à cette réception aussi mondaine qu’inutile ».
 
La visite de 48 heures en Corse du ministre de l’Intérieur démarre donc sous des auspices houleux, de la part d’une partie non négligeable des élus à l’assemblée de Corse. Reste maintenant à savoir comment le ministre de l’Intérieur va parvenir à délivrer un message significatif (bien que déjà connu d’avance !) dans de telles conditions. Un grand écart quasi impossible à réaliser, au vu du climat délétère qui règne dans l’île.
Mais aussi d’une situation qui ne cesse de se dégrader sur le front des assassinats et de la situation socio-économique insulaire, malgré les nombreuses promesses de Manuel Valls lors de sa précédente visite en novembre 2012… Réponse mardi à partir de 10 heures avec la conférence de presse du ministre à la Préfecture d’Ajaccio, puis à partir de midi où il signera la troisième tranche du Plan Exceptionnel d’Investissement (PEI) à l’Assemblée de Corse.
 
Yannis-Christophe GARCIA

3 QUESTIONS À… Jean-Guy Talamoni Président du groupe Corsica Libera à l’Assemblée de Corse

Jean-Guy Talamoni, Président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, a estimé ce soir, lors d'une conférence de presse à Ajaccio, que "les conditions pour un dialogue serein avec le ministre ne sont pas réunies pour que nous participions à ce rendez-vous". (Photo : Yannis-Christophe Garcia)
Jean-Guy Talamoni, Président du groupe Corsica Libera à l'Assemblée de Corse, a estimé ce soir, lors d'une conférence de presse à Ajaccio, que "les conditions pour un dialogue serein avec le ministre ne sont pas réunies pour que nous participions à ce rendez-vous". (Photo : Yannis-Christophe Garcia)
Corse Net Infos : Corsica Libera vient d’annoncer sa décision de ne pas rencontrer le ministre de l’Intérieur Manuel Valls. Pouvez-vous nous expliquer cette décision ?
Jean-Guy Talamoni : Les conditions pour un dialogue serein, notamment après les propos méprisants du Ministre et sa position sur le statut de co-officialité, ne sont pas réunies pour que nous participions à ce rendez-vous. Le ministre Manuel Valls est d’ailleurs hors compétences pour la question de la co-officialité et personne ne lui a demandé de se positionner sur le sujet. Il faudrait d’ailleurs perdre cette fâcheuse habitude de confier toutes les questions qui concernent la Corse au ministre de l’Intérieur. Ce n’est pas là la bonne manière d’engager un dialogue serein. Corsica Libera ne refuse pas le dialogue et le débat démocratique, mais elle ne dialoguera que lorsque les conditions seront réunies pour cela et ce n’est pas le cas aujourd’hui !

CNI : Même si on peut comprendre les éléments qui motivent votre décision, ne pensez-vous pas que le fait de ne pas se rendre à cette rencontre, c’est perdre l’occasion d’exposer clairement les choses qui fâchent au ministre et d’apporter ainsi une force d’opposition concrète ?
J-G.T : Non. Vous savez, au stade où en sont les choses, nous n’avons pas entendu que M. Valls devait venir pour résoudre les problèmes de manière globale en Corse. Pour la co-officialité, il est hors compétences et personne ne lui demande son avis. Pourtant, il le donne. L’assemblée de Corse, que nous sachions, ne lui a pas demandé de se prononcer sur ce point, comme sur le foncier, la fiscalité ou la réforme institutionnelle pourtant indispensable pour la Corse. Dans quelques semaines, l’Assemblée de Corse aura à se prononcer sur ce qu’elle souhaite et le gouvernement lui, devra se positionner après. Mais dans les conditions actuelles, je le répète, les conditions ne sont pas réunies pour que nous participions à ce rendez-vous.

CNI : Enfin, dans un entretien récent donné à nos confrères du journal La Provence, à un lecteur qui lui demandait ce qu’il comptait faire concrètement en Corse pour endiguer les assassinats, le ministre Manuel Valls a répondu que « longtemps, nous nous sommes occupés uniquement de la mouvance nationaliste. Il faut s’attaquer à cette mafia qui a par ailleurs fondé des liens avec une partie de cette mouvance nationaliste ». Que vous inspirent ces propos ? Y-a-t-il de nouveau l’amalgame facile fait entre mafieux et nationalistes ?
J-G.T : Oui, absolument ! Vous savez, c’est un vieil amalgame parisien, bien connu de ceux qui ne se sont jamais attaqués aux réseaux mafieux et qui, à mots couverts, en sont complices. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas sérieux ! Le gouvernement français raconte des sornettes dans ce domaine au lieu de s’occuper des vrais problèmes comme la sécurité ou la lutte contre la drogue. Ces propos nous indifférent et ne correspondent en rien à la réalité. Ils s’adressent d’ailleurs en priorité à l’opinion française, car l’opinion corse sait bien que tout cela est faux. Le ministre de l’Intérieur semble peaufiner son discours dans le cadre d’une volonté carriériste, comme il l’a évoqué récemment. Manuel Valls se sert de la question corse comme un tremplin pour de plus hautes ambitions pour lui.
Enfin, cette visite se passe clairement d’une façon qui n’est pas normale. Il est parfaitement scandaleux de ne pas tenir compte du vote de l’assemblée de Corse, donc de l’expression de la démocratie pour les Corses. Nous verrons bien si le gouvernement français continuera de donner une fin de non-recevoir à la décision de l’Assemblée de Corse. La France aura à se justifier devant le monde entier sur le fait qu’elle ne respecte pas la démocratie. Chacun aura à prendre ses responsabilités et nous prendrons les notres ! Car nous ne sommes pas encore allés au bout du processus à l’Assemblée de Corse.   

Propos recueillis par Yannis-Christophe GARCIA