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Comment les pharmacies corses font face à la pénurie de médicaments


Patrice Paquier Lorenzi le Mercredi 25 Octobre 2023 à 17:18

A l’approche de l’hiver et de ses virus, certains médicaments ont tendance à manquer dans les pharmacies aussi bien au plan national qu’en Corse. Confrontée à des problèmes d’approvisionnement récurrents, Sandrine Leandri, Présidente de l’USPO Corse, tire la sonnette d’alarme. En attendant, les pharmacies font preuve de solidarité et d’ingéniosité pour répondre à la demande.



Sandrine Leandri, Présidente de l'USPO, tire la sonnette d'alarme concernant la pénurie des médicaments.
Sandrine Leandri, Présidente de l'USPO, tire la sonnette d'alarme concernant la pénurie des médicaments.
Les pharmacies corses sont en colère et le font savoir. Alors que l’hiver et ces virus commencent à pointer le bout de leur nez, la présidente de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine de Corse (USPO), Sandrine Leandri fait part de son mécontentement : « De manière générale, le manque de médicaments se fait toujours ressentir. On reste sur des pénuries concernant les antibiotiques, la flécaine et les anti-inflammatoires, notamment. Nous en recevons au compte-gouttes et nous n’avons aucune visibilité, c’est vraiment au jour le jour. Quand ils ne sont pas manquants, ils sont sous quotas comme par exemple le Solupred. Nous n’avons pas le stock nécessaire au fonctionnement de notre activité ».
Les maladies infectieuses sont déjà là et les officines insulaires doivent faire preuve de solidarité et d’ingéniosité pour répondre à la demande de leurs patients : « Nous n’avons pas vraiment de solutions. Il faut donner des antibiotiques en priorité à ceux qui en ont besoin, et rediriger vers d’autres, des solutions de substitution. Pour les cas les plus importants, notamment pour tous les problèmes cardiaques, on s’appelle entre pharmacies pour voir qui a du stock et qui peut dépanner. On est dans un système débrouille permanent ».
 
Des médicaments parfois distribués à l’unité

Pour faire face à la demande, les pharmaciens n’hésitent pas à non plus à délivrer des médicaments à l’unité plutôt que des lots qui pourraient être gâchés, car pas nécessairement utilisés dans leur globalité : « C’est autorisé sous certaines conditions, mais ce n’est pas idéal, car cela pose des problèmes notamment de traçabilité dans la distribution. C’est loin d’être parfait et nous ne souhaitons pas que cette situation perdure dans le temps. Il faut que chacun s’adapte et nous sommes obligés de demander aux médecins de nous aider en respectant strictement les protocoles », se désole la gérante de la Pharmacie du Finosello à Ajaccio.

Les cas les plus problématiques concernent notamment la flécaine, un médicament anti-arythmique, préconisé dans le traitement et la prévention de certains troubles graves du rythme cardiaque ainsi que dans la prévention des chocs cardiaques électriques chez certains patients porteurs de défibrillateurs implantables : « Il y a des dosages qui nous manquent cruellement et pour lesquels nous n’avons aucune solution de remplacement. L’ANSM (NDLR, Agence nationale de sécurité et du médicament), propose donc un tableau correspondant en adaptant les dosages. Nous ne laisserons jamais une personne en situation de danger ».
Des discussions se sont multipliées ces dernières semaines avec le gouvernement, l’ARS, la CPAM et les perspectives à court terme ne semblent pas très réjouissantes suite à une multitude de facteurs structurels : « Nous n’avons jamais eu des stocks aussi bas à cette période de l’année. Les problèmes internationaux entrent en compte. Les matières premières manquent. Les médicaments sont fabriqués en Asie et visiblement les stocks partent vers d’autres pays plutôt qu’en France du fait des prix d’achat pratiqués ».
 
Vers une grève des phamarcies ?
La France pratique, en effet, les prix les plus bas d’Europe concernant les médicaments. Les multinationales, en quête de rendement, rechigneraient donc à livrer le pays en priorité. « Il suffit de se rendre compte de la situation en observant le cas de l’Amoxicilline. Il y a eu une hausse des prix de vente constatés il y a un peu plus d’un mois. Depuis, ce produit n’est plus en rupture de stock ».
Une hausse des prix qui s’annoncent donc irrémédiables pour des raisons économiques et dont les pharmacies en difficulté économiques sont loin d’être opposées. Pour la présidente de l’USPO Corse : « Il faudrait augmenter les prix pour éviter les ruptures, mais également, car confrontées, à la hausse des charges énergétiques notamment, les officines ont du mal à exister financièrement. En Corse-du-Sud, la pharmacie de Cozzano a dû fermer, la Pharmacie du Port à Ajaccio a suivi le même sort, et deux autres sont également en vente dans ce secteur et ne trouvent pas preneurs ». Des discussions avec le gouvernement sont en cours et une grève des gardes est envisagée ainsi que des jours de fermeture si aucun accord n’est trouvé, concernant une éventuelle hausse des honoraires pour permettre aux officines de faire face à l’augmentation des diverses charges auxquelles elles doivent également faire face.