Le maire nationaliste de Bastia, Gilles Simeoni, entouré de sa 1ère adjointe, la socialiste Emmanuelle De Gentili, et de son 2ème adjoint, le libéral Jean-Louis Milani.
La campagne réclamant une loi d’amnistie pour les prisonniers politiques corses s’intensifie au fil des semaines dans l’île, depuis que Jean-Charles Orsucci, le maire socialiste de Bonifacio et vice-président de l’Assemblée de Corse, a lancé ce pavé brûlant dans la mare boueuse des discussions sur la réforme institutionnelle. De plus en plus d’élus des partis traditionnels portent, désormais, cette vieille revendication nationaliste, que l’abandon de la lutte armée par le FLNC remet à l’épicentre du dialogue avec Paris. Chaque jour, des collectivités locales, de toutes sensibilités politiques, prennent position et délibèrent en faveur de la loi. Il était, donc, normal, que débarrassés des polémiques budgétaires des mois passés, la ville de Bastia et son maire nationaliste mettent, à leur tour, la question à l’ordre du jour du Conseil municipal. Ce fut, d’ailleurs, le premier et le seul débat qui a animé la séance de mardi, fort calme au demeurant. Et si cette motion a réveillé les divergences idéologiques habituelles, elle a, aussi, généré des consensus inattendus.
La motion bastiaise
« Le moment est venu pour toutes les forces de l'île de manifester publiquement leur volonté de mettre un terme à un cycle qui dure depuis plusieurs décennies et d’ouvrir une nouvelle ère de dialogue fécond », explique, en préambule, le maire de Bastia, Gilles Simeoni. Il présente une motion bilingue « en faveur d’une loi d’amnistie pour les faits liés à la situation politique de la Corse » qui prend acte de la situation globale de l’île et de la « volonté largement partagée » des élus et des Corses de « promouvoir une logique de dialogue et d’apaisement ». Considérant que le vote d’une telle loi, « concernant aussi bien les personnes condamnées que celles poursuivies ou recherchées, est le corollaire logique du retour définitif de la paix civile et de l’ouverture d’une ère nouvelle permettant à la Corse de construire son développement politique, économique, social et culturel dans la sérénité et dans le respect absolu et intangible de toutes les opinions », la motion demande à Paris de « soutenir, proposer et adopter » une loi d’amnistie.
Un vote sans réserve
Gilles Simeoni précise que ce texte a fait l'objet « d'une rédaction concertée » avec les différentes forces de la majorité. « S’il ne fait pas référence à l'étendue de la loi d'amnistie, c'est dans un état d'esprit délibéré ». Les deux composantes, socialiste et libérale, de la majorité municipale approuvent la motion sans état d’âme et sans réserve. Philippe Peretti, pour le groupe Bastia Social et Solidaire, rappelle que les deux précédentes lois d’amnistie de 1982 et 1989 ont été décidées et votées par un gouvernement socialiste. Si Jean-Louis Milani, pour le groupe Bastia avant tout, reconnaît que « le sujet peut paraître tabou pour ma famille politique qui a eu parfois des mots durs contre la violence », il évoque le combat du député UMP Sauveur Gandolfi Scheit pour faire adopter la loi sur le rapprochement des prisonniers politiques et les délibérations prises par plusieurs communes de droite en faveur de l’amnistie. Les deux groupes annoncent qu’ils voteront la motion « en l’état », « dans les termes du maire », sachant que, comme les fois précédentes, « le contenu relève du législateur ».
L’amendement du MCD
S’il se dit, également, favorable au principe d’une loi d’amnistie, qu’il qualifie de « légitime et opportune », le MCD (Mouvement Corse Démocrate) de François Tatti, fait, encore une fois, résonner sa différence et propose un amendement excluant les crimes ayant entrainé la mort. « Nous considérons indispensable d’exprimer une position claire, sans ambiguïté sur le point important du périmètre des faits concernés, compte tenu de leur gravité. Cette condition est posée en conscience, même si des mesures de clémence peuvent être réclamées au cas par cas pour solliciter des réductions de peine individuelles ». Le MCD estime la précision nécessaire pour « ne pas compromettre les chances de succès de la loi d’amnistie que nous souhaitons. Nous pensons que notre proposition est susceptible de recueillir l’assentiment le plus large des Corses pour un message fort à l’adresse de l’Etat et du gouvernement ». S’il « respecte la clause de conscience », Gilles Simeoni juge « le débat légitime, mais pas d’actualité ». L’amendement est rejeté par la majorité. Le MCD prévient qu’il ne participera au vote.
L’alternative communiste
Partageant la réserve sur les crimes de sang, les Communistes proposent une motion alternative « sociale, démocratique et républicaine » qui prend en compte l’aggravation du chômage, de la précarité et de la pauvreté. Fustigeant « l’impasse politique et démocratique » de la réforme institutionnelle, « imposée » sans consultation référendaire et génératrice de fractures sociales, le texte propose « la construction d’un rassemblement majoritaire progressiste des Corses » autour d’une politique axée sur le social, l’emploi et l’adhésion aux valeurs républicaines. « Considérant que la République s’est toujours renforcée lorsqu’elle a su faire preuve de clarté, de discernement et de clémence vis-à-vis de certaines personnes qui ont fait l’objet de condamnations pour des actes et délits commis au cours de périodes de crises politiques et sociales ; considérant que l’amnistie relative à ces actes et délits récents, dès lors que les victimes ont obtenu réparation matérielle et morale, peut créer un geste d’apaisement en direction de ceux qui doivent renoncer à la violence clandestine et restituent les armes qu’ils détiennent… », la motion demande le renforcement de la solidarité nationale, notamment la sauvegarde de la SNCM, le référendum sur la collectivité unique et une loi d’amnistie excluant les crimes de sang. La motion, qui n’a recueilli que les deux voix communistes, est rejetée sans appel.
Le Non du PRG
Seule voix totalement discordante, Jean Zuccarelli déclare son hostilité à la loi d’amnistie. S’il soutient le rapprochement des prisonniers, il prétend que les deux précédentes amnisties « ont été foulées aux pieds et ridiculisées par ceux qui commettaient la violence », la première ayant été suivie par une Nuit bleue et la seconde par « une recrudescence sans précédent de la violence ». « Une amnistie ne peut s’envisager que si les violences ont totalement cessé depuis un temps suffisant pour justifier cet engagement ». Il soutient que le dépôt des armes par le FLNC n’est que provisoire. « Le FLNC a dit qu’il ne sera définitif qu’après une solution négociée avec l’Etat. Nous vivons sous la menace de vos amis et d’un chantage inacceptable ! », jette-t-il à Gilles Simeoni qu’il accuse d’ignorer les victimes. « Nous déplorons que vous n’ayez pas écarté les crimes de sang. Les précédentes amnisties ne les prenaient pas en compte. Nous votons contre ! ».
Une question de confiance
Ces propos ne sont pas du goût d’Inseme per Bastia. « La paix ne se décrète pas, mais passe par des actes. Le vote de cette motion est un de ses actes. Depuis un an, le FLNC n'a revendiqué aucun attentat. Ce n'est pas une trêve, c'est un processus de démilitarisation ! Les Nationalistes modérés, qui ont fait depuis longtemps le choix de l'action démocratique, ont joué un rôle décisif dans l'apaisement de la violence », réplique Gilles Guerrini. S’agissant des victimes, il rappelle que ce sont les Corses qui ont payé le plus lourd tribut. Et conclut : « Les Corses en ont assez de la violence. Il faut avoir confiance en nous-mêmes. Nous, nous avons confiance en notre peuple ! ».
Au final, la motion a été adoptée par 29 voix pour, dont 18 voix nationalistes, 5 voix de droite, 4 voix socialistes et les deux votes surprises de deux élus de l’opposition, Jean Geronimi et Jean-Baptiste Raffalli. Les deux élus communistes, Francis Riolacci et Toussainte Devoti, et deux élus PRG, Jean Zuccarelli et Jean François Paoli, ont voté contre. Le MCD n’a pas participé au vote.
N.M.
La motion bastiaise
« Le moment est venu pour toutes les forces de l'île de manifester publiquement leur volonté de mettre un terme à un cycle qui dure depuis plusieurs décennies et d’ouvrir une nouvelle ère de dialogue fécond », explique, en préambule, le maire de Bastia, Gilles Simeoni. Il présente une motion bilingue « en faveur d’une loi d’amnistie pour les faits liés à la situation politique de la Corse » qui prend acte de la situation globale de l’île et de la « volonté largement partagée » des élus et des Corses de « promouvoir une logique de dialogue et d’apaisement ». Considérant que le vote d’une telle loi, « concernant aussi bien les personnes condamnées que celles poursuivies ou recherchées, est le corollaire logique du retour définitif de la paix civile et de l’ouverture d’une ère nouvelle permettant à la Corse de construire son développement politique, économique, social et culturel dans la sérénité et dans le respect absolu et intangible de toutes les opinions », la motion demande à Paris de « soutenir, proposer et adopter » une loi d’amnistie.
Un vote sans réserve
Gilles Simeoni précise que ce texte a fait l'objet « d'une rédaction concertée » avec les différentes forces de la majorité. « S’il ne fait pas référence à l'étendue de la loi d'amnistie, c'est dans un état d'esprit délibéré ». Les deux composantes, socialiste et libérale, de la majorité municipale approuvent la motion sans état d’âme et sans réserve. Philippe Peretti, pour le groupe Bastia Social et Solidaire, rappelle que les deux précédentes lois d’amnistie de 1982 et 1989 ont été décidées et votées par un gouvernement socialiste. Si Jean-Louis Milani, pour le groupe Bastia avant tout, reconnaît que « le sujet peut paraître tabou pour ma famille politique qui a eu parfois des mots durs contre la violence », il évoque le combat du député UMP Sauveur Gandolfi Scheit pour faire adopter la loi sur le rapprochement des prisonniers politiques et les délibérations prises par plusieurs communes de droite en faveur de l’amnistie. Les deux groupes annoncent qu’ils voteront la motion « en l’état », « dans les termes du maire », sachant que, comme les fois précédentes, « le contenu relève du législateur ».
L’amendement du MCD
S’il se dit, également, favorable au principe d’une loi d’amnistie, qu’il qualifie de « légitime et opportune », le MCD (Mouvement Corse Démocrate) de François Tatti, fait, encore une fois, résonner sa différence et propose un amendement excluant les crimes ayant entrainé la mort. « Nous considérons indispensable d’exprimer une position claire, sans ambiguïté sur le point important du périmètre des faits concernés, compte tenu de leur gravité. Cette condition est posée en conscience, même si des mesures de clémence peuvent être réclamées au cas par cas pour solliciter des réductions de peine individuelles ». Le MCD estime la précision nécessaire pour « ne pas compromettre les chances de succès de la loi d’amnistie que nous souhaitons. Nous pensons que notre proposition est susceptible de recueillir l’assentiment le plus large des Corses pour un message fort à l’adresse de l’Etat et du gouvernement ». S’il « respecte la clause de conscience », Gilles Simeoni juge « le débat légitime, mais pas d’actualité ». L’amendement est rejeté par la majorité. Le MCD prévient qu’il ne participera au vote.
L’alternative communiste
Partageant la réserve sur les crimes de sang, les Communistes proposent une motion alternative « sociale, démocratique et républicaine » qui prend en compte l’aggravation du chômage, de la précarité et de la pauvreté. Fustigeant « l’impasse politique et démocratique » de la réforme institutionnelle, « imposée » sans consultation référendaire et génératrice de fractures sociales, le texte propose « la construction d’un rassemblement majoritaire progressiste des Corses » autour d’une politique axée sur le social, l’emploi et l’adhésion aux valeurs républicaines. « Considérant que la République s’est toujours renforcée lorsqu’elle a su faire preuve de clarté, de discernement et de clémence vis-à-vis de certaines personnes qui ont fait l’objet de condamnations pour des actes et délits commis au cours de périodes de crises politiques et sociales ; considérant que l’amnistie relative à ces actes et délits récents, dès lors que les victimes ont obtenu réparation matérielle et morale, peut créer un geste d’apaisement en direction de ceux qui doivent renoncer à la violence clandestine et restituent les armes qu’ils détiennent… », la motion demande le renforcement de la solidarité nationale, notamment la sauvegarde de la SNCM, le référendum sur la collectivité unique et une loi d’amnistie excluant les crimes de sang. La motion, qui n’a recueilli que les deux voix communistes, est rejetée sans appel.
Le Non du PRG
Seule voix totalement discordante, Jean Zuccarelli déclare son hostilité à la loi d’amnistie. S’il soutient le rapprochement des prisonniers, il prétend que les deux précédentes amnisties « ont été foulées aux pieds et ridiculisées par ceux qui commettaient la violence », la première ayant été suivie par une Nuit bleue et la seconde par « une recrudescence sans précédent de la violence ». « Une amnistie ne peut s’envisager que si les violences ont totalement cessé depuis un temps suffisant pour justifier cet engagement ». Il soutient que le dépôt des armes par le FLNC n’est que provisoire. « Le FLNC a dit qu’il ne sera définitif qu’après une solution négociée avec l’Etat. Nous vivons sous la menace de vos amis et d’un chantage inacceptable ! », jette-t-il à Gilles Simeoni qu’il accuse d’ignorer les victimes. « Nous déplorons que vous n’ayez pas écarté les crimes de sang. Les précédentes amnisties ne les prenaient pas en compte. Nous votons contre ! ».
Une question de confiance
Ces propos ne sont pas du goût d’Inseme per Bastia. « La paix ne se décrète pas, mais passe par des actes. Le vote de cette motion est un de ses actes. Depuis un an, le FLNC n'a revendiqué aucun attentat. Ce n'est pas une trêve, c'est un processus de démilitarisation ! Les Nationalistes modérés, qui ont fait depuis longtemps le choix de l'action démocratique, ont joué un rôle décisif dans l'apaisement de la violence », réplique Gilles Guerrini. S’agissant des victimes, il rappelle que ce sont les Corses qui ont payé le plus lourd tribut. Et conclut : « Les Corses en ont assez de la violence. Il faut avoir confiance en nous-mêmes. Nous, nous avons confiance en notre peuple ! ».
Au final, la motion a été adoptée par 29 voix pour, dont 18 voix nationalistes, 5 voix de droite, 4 voix socialistes et les deux votes surprises de deux élus de l’opposition, Jean Geronimi et Jean-Baptiste Raffalli. Les deux élus communistes, Francis Riolacci et Toussainte Devoti, et deux élus PRG, Jean Zuccarelli et Jean François Paoli, ont voté contre. Le MCD n’a pas participé au vote.
N.M.