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Latifa Ibn Ziaten au Lycée Laetitia : Un message de paix, de tolérance et de fraternité


Marilyne SANTI le Mercredi 8 Mai 2013 à 19:10

Le lycée Laetitia Bonaparte d'Ajaccio a été, récemment, le théâtre d'une rencontre entre Latifa Ibn Ziaten, fondatrice de l’association "IMAD IBN ZIATEN pour la jeunesse et la paix", avec les lycéens de cet établissement. Portant, par l’intermédiaire de son association un message de paix, de tolérance et de fraternité dans le cadre d'une structure éducative, laïque et républicaine, c’est en présence de Michel Barat recteur d’Académie et du proviseur Jean-Pierre Casanova, que la mère d’Imad Ibn Ziaten, assassiné par Mohamed Merah le 11 mars 2012, a répondu aux questions des lycéens. Elle se donne aujourd’hui, pour objectif, d’intervenir auprès des jeunes.



Photo Marilyne SANTI
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Cette association, fondée fondée le 20 avril 2012 porte le nom du Maréchal des Logis-Chef Imad Ibn Ziaten qui, à trente ans, a été tué par Mohamed Merah à Toulouse, “s’attaquant ainsi à la démocratie, au vivre ensemble et à la République, jusqu’à la mort.”  

Pour qu’Imad vive éternellement dans les mémoires , et qu’un tel cauchemar ne se produise plus, les membres de l’association Imad Ibn Ziaten pour la Jeunesse et la Paix, se sont donné pour objectif d’intervenir auprès des enfants et des jeunes adultes, des élèves des écoles dans tous les milieux sociaux et auprès des détenus en milieu carcéral.

Le but est d’amorcer un authentique dialogue inter-religieux, de prévenir les dérives sectaires et extrémistes notamment dans certains quartiers sensibles, de promouvoir la laïcité, ce qui ne signifie pas le rejet de la religion, mais au contraire, le droit de vivre sa foi, tout en ayant l’obligation de respecter celle des autres, ainsi que les lois de la République.


Photo Marilyne SANTI
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Voici quelques questions de ces adolescents, auxquels cette mère dans la douleur, et non dans la haine, a répondu :

Aujourd'hui êtes-vous fier de votre fils?
- Je suis entre la tristesse et la fierté. J'ai la fierté de mener ce combat aujourd'hui et de voir cette légion d honneur. Mon fils est mort debout, pour la nation. C’est aussi une fierté pour moi. Mais aujourd’hui, malgré cette fierté, la souffrance est mon quotidien, et le manque constant. 

- Ecrire votre livre vous a-t-il apporter un soulagement ?
- J'avais besoin de me raconter, de raconter ma vie depuis que je suis rentrée en France. C'est important que les Français, les jeunes maghrébines qui vivent en France et le monde entier, connaisse  l'histoire d'une femme de 18 ans qui est arrivée un jour de l'autre côté de la Méditerranée.
J’y raconte ma jeunesse que j'ai passé en France, la famille que j’y ai fondé, et ma réussite avec  mes enfants, jusqu'à ce moment tragique qui m'a frappé. C'était très important pour moi. J'estime beaucoup ce pays où je vis aujourd'hui.
Lorsque je suis arrivé du Maroc, ma famille me manquait, j'étais nostalgique de mon pays, de mes racines, mais je me suis tout de même intégrée. Cette patrie m’a ouvert les bras. Je suis fière de ses deux cultures avec lesquelles j’ai appris à vivre à mes enfants. Quand on a décidé de faire partie intégrante d'un pays, on défend ses valeurs, ses règles, sa culture. C’est ce que ma famille et moi même faisons, sans jamais oublier notre pays pays d’origine.
Je suis venue en France j'avais 18 ans, je m’y suis instruite, j’y ai fondé une famille. Je suis très fière d'être française aujourd'hui.

- Est-ce que vous pensez que ce genre d'événement peut se reproduire?
- Oui malheureusement si on fait rien. Après avoir traversé beaucoup de villes et de cités, j'ai rencontré des jeunes qui étaient en échec scolaire et qui n'avaient aucun cadre familial. Il pourraient donc devenir comme Merah, qui n’avait pas d’éducation, si on ne les aide pas, si on ne fait pas attention à eux. Il était un délinquant, il est allé de foyer en foyer et n'avait pas l'amour de ses parents. C’est pour toutes ces raisons qu’il est devenu un danger pour la société.  J'ai tout fait pour que mes enfants réussissent, je leur ai donné une bonne éducation.

- Avez-vous eu l'occasion de rencontrer la maman de Merah?
- Non pas du tout, je ne souhaite pas la voir. Cette femme est déjà en souffrance et la voir serait lui rappeler que son fils est un assassin. Je n'ai pas de haine envers elle, mais je lui en veux de ne pas avoir fait son devoir de mère, tout comme son mari. Elle était responsable de son enfant.

- Quel est le but de votre association?
- C'est d’aider les jeunes qui sont en souffrance. Quand j'ai vu le lieu où est tombé mon fils à Toulouse, j'ai voulu aller voir où vivait Merha. Là, je suis tombée sur des jeunes à qui j'ai demandé s’ils connaissaient Merah. Ils m'ont  répondu oui, et que c'était un héros de l'islam, un martyr. Et c'est là que je me suis dit qu'iil fallait les aider. Comment pouvaient-ils dire ça, avec sept jeunes assassinés froidement, gratuitement? Ça n'était pas normal. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui que je passe dans les écoles pour donner ce message de paix, de respect et de vivre ensemble.
Je suis française musulmane et l'islam est en moi. Je ne l’impose à personne et je respecte mes voisins mes amis, chrétiens où juifs. Je respecte tout le monde tout simplement. En 37 ans personne ne m'a empêchée de faire mon Ramadan et de prier. Il suffit juste de connaître la culture de l’autre et de le connaître mieux pour l’accepter. Nous sommes tous des humains, il n’y a pas de différence.

- Comment faut-il faire pour empêcher les jeunes en difficulté de suivre le même chemin que Merah?
- Il y a là un travail énorme à faire dans les écoles, les mosquées, les familles. Mais la base ce sont les parents. S’ils donnent une bonne éducation a leurs enfants, ces derniers auront de meilleures chances pour réussir. La violence ou la haine ne mènent à rien.
Il faut faire accepter la différence. Moi, j'ai travaillé dur pour donner de la chance à mes enfants, et ils ont réussi. J'étais contente, j'avais gagné, et quelqu'un de mal élevé m'a pris ce que j’avais de très cher et il a tout démoli.
Mes parents m'ont conseillé la tolérance et le dialogue. Par exemple le repas devait être un temps de partage. Oui on peut discuter avec ses enfants, parler de ce qu’ils ont fait dans la journée, de leurs soucis. On peut alors savoir si son enfant souffre ou si il a un problème. Instaurer un dialogue familiale, c'est la richesse de l'amour des parents. J'ai grandi comme ça et j'ai donné la même éducation à ma fille et mes quatre garçons, sans faire de différences.

- Vous avez parlé d’amalgame entre terroristes et musulmans. Est-ce que vous avez été confronté à ça arrivée en France.?
- Je suis arrivée en France en 1977 et je n'ai jamais connu ça. A l'époque tout le monde était plus ouvert, les Français m’ont aidé, mes voisins conseillés.

- Est-ce que dans un futur proche vous comptez employer d'autres moyens pour sensibiliser les jeunes?
- Je donnerai des conseils comme je le fais déjà. Des parents parfois m'appellent parce qu’ils ne savent pas comment faire avec leurs enfants, eux aussi je les conseille. L'islam c'est la paix, la tolérance, l'islam n’a jamais demandé de tuer quelqu'un, dans le Coran on n'a pas de haine.
Le terrorisme a toujours existé, aujourd'hui on cible les musulmans. Peut-être depuis le 11 septembre? Ce jour là une petite minorité a fait du mal. Il faut éviter de généraliser.

- Comment pouvez-vous expliquer que certains musulmans sont attirés par cette forme d'intégrisme?
- Quand je vais dans les cités ce qui me frappe parfois est le regard dur des enfants et des adolescents. Mais c’est une forme de défense. Il sont sans emploi, oubliés de tous, souvent livrés à eux-même très tôt, en colère contre l’Etat et en conflit avec leurs parents. Si nous ne les aidons pas, d’autres viendront avec de plus mauvaises intentions leur proposer d’être leur ami. Et c’est là que tout peut basculer et que nous retrouverons peut-être des Merah…
Au nom de la religion, on leur mettra de fausses idées en tête. La religion nous l’avons en nous, pas besoin de vêtements particuliers ou d’actions extrémistes. Le coran est bon et juste, mais il faut bien l’étudier pour le comprendre.
Il ne faut pas confondre les pratiques d’une population et la religion.
Dans ces cités, les adultes ont peur des enfants. Lorsque j’étais jeune, au Maroc, l’éducation n’était pas que de la responsabilité des parents. La famille, les voisins,les amis pouvaient se permettre de dire à un enfant qu’il faisait une bêtise, maintenant ça n’est plus le cas.
Reprendre un dialogue au sein de la famille, exiger le respect de nos enfants, leur donner de l’amour, les accompagner avant que d’autres ne profitent de la situation : les solutions sont là dans la majorité des cas !