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"U pasturisimu corsu hè mortu !" : l'amer constat de Casgiu Casanu


le Mardi 28 Mars 2023 à 20:08

Face à la concurrence des milliers de litres de lait arrivant de l'extérieur et à l'inflation qui frappe de plein fouet les éleveurs, l'association regroupant les producteurs de fromages fermiers de Corse s'inquiète de voir le pastoralisme insulaire s'éteindre à petit feu et engage à un sursaut rapide.



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De tous temps, le pastoralisme a toujours eu une place centrale dans la société corse. Mais ce fondement de l’identité insulaire serait-il menacé aujourd’hui ? C’est en tous cas le cri d’alarme qu’entend pousser l’association Casgiu Casanu. « U pasturisimu corsu hè mortu ! », regrette-t-elle ainsi amèrement en constatant en parallèle : « Mais le fromage corse, lui, est bien vivant ». 

En effet, cette structure regroupant les producteurs de fromages fermiers de Corse fustige que chaque semaine « des milliers de litres de lait venant d’Espagne ou d’ailleurs abondent les usines laitières Corses et inondent le marché local de fromages corses ou brousses que le consommateur prend, bien souvent pour du Brocciu ». Une matière première à un coût moindre face à laquelle l’association déplore que les premiers à pâtir de la situation demeurent les « fermiers qui produisent presque à perte et qui ne peuvent pas vendre, à prix réels tellement les produits seraient inaccessibles aux consommateurs ». 

« Pendant ce temps-là, face à l’inflation générale de ces derniers mois, face à celle des fourrages et des céréales, face aux années de sécheresse et au manque d’eau, face à l’isolement dans le rural, face à un réel manque de politique agricole de production dans notre filière Élevage depuis des décennies, face au poids des industriels qui mènent à la baguette la filière lait  au travers d’une interprofession reconnue comme interlocuteur unique de cette filière et soutenue par les pouvoirs publics, les bergers, eux, courbent l’échine, se taisent, survivent et plusieurs vont disparaître dans l’indifférence générale », souligne encore Casgiu Casanu.

" La filière pastorale est en grande souffrance"

Dans ce droit fil, la structure pointe que les « troupeaux commencent à se vendre » et que la « montagne se vide » de ces utilisateurs « si peu rentables ». « Qui cela intéresse-t-il dans cette Corse « loisirs » tant appréciée l’été », siffle-t-elle en martelant que les bergers n’ont aujourd’hui pas besoin « d’argent ni de cabinet d’étude », mais bien de considération pour leur métier, et de « terres labourables et cultivables pour produire du fourrage pour leurs bêtes, de céréales, ou encore d’estives propres ». « Gardiens de savoir-faire fromagers ancestraux qui vont se perdre, connaisseurs du territoire, de toponymes, des sources, ouvrant et entretenant des chemins dans la macchja hors des sentiers de trail ou de randonnées touristiques, nous pensions détenir et sauvegarder une partie du patrimoine culturel de la Corse. Nous ne sommes pas des clichés de cartes postales et nous ne voulons pas le devenir. Le silence assourdissant des pouvoirs publics à notre égard n’est plus supportable et la filière pastorale est en grande souffrance, nous vous l’avons déjà exprimé », s’émeut encore Casgiu Casanu. « Choisir un métier par passion c’est notre choix, mais ne plus pouvoir alimenter sa famille, c’est notre réalité ! », ajoute-t-elle.
 
Pourtant, persuadée que le mode d’élevage pastoral, « s’il est défendu et porté politiquement », saura « répondre aux enjeux de demain, notamment climatiques » et « contribuer à la reconstruction d’un récit collectif positif pour l’intérieur de l’île », l’association invite « de façon très urgente », à « poser de nouveaux jalons pour redonner toute sa place à l’élevage au sein de la société corse ». « Réinscrire le pastoralisme et ses productions emblématiques de viande et de fromages dans l’histoire de la Corse peut lui redonner un dynamisme. L’éthique pastorale appartient au peuple corse », conclut-elle.