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Transformer les agliastri en oliviers, une ancienne tradition qui se perpétue en Balagne


Maria-Serena Volpei-Aliotti le Dimanche 2 Juin 2024 à 11:40

Chaque printemps en Balagne, les agliastri sont greffés, et il faut patienter une vingtaine de jours pour espérer voir les premiers signes tant attendus.



Il y a un peu plus de vingt jours, le Foyer Rural de Montegrossu et la Coopérative Oléicole de Balagne ont organisé, comme à leur habitude, un stage de greffe pour apprendre à transformer les agliastri en oliviers producteurs. Cette rencontre permet à la fois de préserver et nettoyer la nature, mais également de transmettre un savoir-faire ancestral d'utilité publique. Aujourd’hui, plusieurs jours après cet événement, Jean-Marc Rocchi, président du Foyer Rural de Montegrossu, revient sur les résultats obtenus. "Cette journée de stage, c’est un moment d'échange et de partage autour de la greffe d’agliastri, où beaucoup d'amateurs et de professionnels viennent apprendre, récolter et partager des informations car chacun a son savoir-faire. Aujourd’hui, une vingtaine de jours après ce stage, nous descendons vérifier l’évolution de la greffe," explique Jean-Marc Rocchi. Bien que les résultats ne soient pas toujours immédiatement visibles, certains signes permettent de déterminer si les greffes commencent à prendre."Déjà, il faut savoir que cela va plus vite de greffer des agliastri que de planter de nouveaux arbres. Là, on a retiré les scotchs des arbres taillés et greffés. On va vérifier dans un premier temps la couleur du greffon." Le greffon est une petite plaque insérée entre l’écorce et le tronc de l’arbre à greffer. "Le greffon doit rester vert. Dans ce cas, cela signifie qu’il est encore bon." 

Le processus est délicat et requiert une patience certaine. Sur cette plaque, prélevée sur un olivier, se trouve un petit œil d’où sortira, si la greffe prend, un bourgeon. "Ça peut pousser assez rapidement, mais parfois, il faut attendre plus d’un an pour voir apparaître une pousse."

L’objectif de ces greffes est de réhabiliter des terrains abandonnés et de greffer des agliastri, ces oliviers centenaires ayant brûlé mais dotés d’un système racinaire important. Cette technique permet d’augmenter la production d’huile d’olive pour les années à venir, de nettoyer les terrains pour servir de pare-feu et de profiter des caractéristiques des agliastri, qui n’ont pas besoin d’être arrosés, à condition qu'il pleuve suffisamment. "Pour planter des oliviers, il faut un terrain plat, mécanisable, et la possibilité de pouvoir arroser," précise Jean-Marc Rocchi.

Nicolas Volpei, jeune agriculteur, était présent lors du stage pour transmettre sa technique. "Il y a la greffe en couronne et celle en fenêtre. Il faut déjà choisir des jeunes agliastri de diamètre entre 5 et 10 centimètres et prendre des greffons sur des oliviers qui produisent déjà. Les greffes se font essentiellement entre début avril et fin mai, grand maximum. Avant c’est trop tôt, et les températures ne sont pas propices, et après c’est trop tard, à cause des grosses chaleurs."

Perpétrer ces gestes afin de ne pas les voir disparaître
Thierry Cervoni, président de la Coopérative Oléicole de Balagne, souligne l’importance de ces stages. "C'est le meilleur moyen pour ceux qui ne savent pas greffer de voir faire, mais aussi de pouvoir répéter les gestes techniques. Chaque année, nous organisons ce stage avec le Foyer Rural, et de nombreuses personnes de toute la Corse y participent. Il est crucial que des gens se mobilisent pour transmettre ces gestes afin de ne pas les voir disparaître. Les agliastri peuvent se compter par millions, notamment en Balagne. Si chacun greffe une dizaine, une vingtaine ou une trentaine d’arbres par an, dans quelques années, cela fera beaucoup de nouveaux arbres en production."

La greffe offre également la possibilité de choisir les variétés d’olivier. "Nous travaillons uniquement avec des variétés locales, la Germana ou la Sabina. Cela permet aussi à ceux qui ont des oliviers non corses de greffer des variétés insulaires," continue Thierry Cervoni. Cette année, 25 tonnes d’huile ont été produites à la Coopérative de Balagne, malgré une petite production de récolte à l'ancienne. "C’est une année qui impacte encore le fonctionnement de la coopérative, mais on a de l'espoir pour la saison prochaine. Il y a eu énormément d'eau en ce début de printemps, ce qui nous laisse espérer une belle floraison, même si on ne sait pas encore s’il y aura beaucoup de fruits."
Charles Rocchi, formateur, partage quelques conseils pour réussir ses greffes. "C’est un événement que l’on organise une fois par an et qui rencontre un grand succès avec plus d’une vingtaine de participants à chaque fois. Sur le terrain qui accueille l’initiation depuis le début, nous avons un pourcentage de réussite assez élevé. Plus on en fait, plus il y a de chance de réussites. Cette année, il y a plus d’eau que les autres années, donc nous avons beaucoup plus de chances que cela fonctionne. Il faut pratiquer pour bien apprendre et s’adapter au diamètre de l’arbre et à la technique la mieux maîtrisée."

En Corse, la greffe des agliastri est bien plus qu'une simple technique agricole : c’est une tradition qui perpétue un savoir-faire ancestral, essentiel pour la préservation de la nature et l’augmentation de la production d’huile d’olive. Une démarche collective et passionnée qui garantit un avenir florissant pour les oliviers corses.