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Tourisme en Corse : retard à l'allumage pour le CDI saisonnier


David Ravier le Lundi 19 Juin 2023 à 15:54

Annoncé il y a deux ans pour aider les restaurateurs et les hôteliers corses à conserver leurs effectifs, le CDI saisonnier devait contribuer à soutenir es rofessionnels du secteur gravement touchés par le Covid. Depuis, c’est le silence radio du côté de l’Etat.



Archives CNI.
Archives CNI.
Souvenez-vous, c'était en avril 2021: le Covid avait plombé l’été précédent et le secteur du tourisme peinait à se relancer. En déplacement à Ajaccio, la ministre de la cohésion des territoires Jacqueline Gourault et le secrétaire d'Etat chargé du tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, annonçaient le test du CDI saisonnier en Corse. Ce nouveau dispositif, demandé de longue date par les élus locaux, devait servir à pérenniser d'une année sur l'autre les emplois des travailleurs saisonniers. Grâce à ce nouveau contrat, fini les difficultés de recrutement pour les employeurs et les complications d'indemnisation auprès de Pôle emploi pour les employés. 

Revenons au présent. Lorsque l’on interroge les professionnels du secteur sur l’avancée du test grandeur nature du CDI saisonnier, la lassitude a pris le pas sur l’enthousiasme. « Il n’y a pas d’expérimentation qui a été mis en place. Bien au contraire, on l’attend toujours » s’agace Karina Goffi. La gérante de l’hôtel San Pellegrino à Folelli en sait quelque chose du CDI saisonnier: elle fait partie de ceux qui portent le projet en tant que présidente de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) en Corse. "La semaine dernière, avec l'Agence du tourisme corse, l'Agence de développement économique corse, la Chambre du commerce et de l'industrie, UMIH Corsica et UMIH au niveau national, nous avons envoyé un courrier commun au ministre du travail. Maintenant, nous attendons."

La montagne qui accouche d’une souris

Sur le papier, le CDI saisonnier ne présente que des avantages. Pour le salarié, il représente la garantie d'avoir d'avoir travail à chaque saison, mais également d'avoir un justificatif solide à présenter pour certaines démarches administratives, comme la recherche d'un appartement ou l'obtention d'un prêt par exemple. Pour les employeurs, ce CDI lui donne la possibilité de se constituer une équipe solide, qui revient d'année en année : c'est donc moins de gens à former et moins de sueurs froides à l'idée de ne pas réussir à trouver l'intégralité du personnel pour la saison. 

Dans les faits, le tableau est un peu plus contrasté. En cause : le nombre d’établissements qui peuvent prétendre à entrer dans le dispositif reste finalement très maigre selon Karina Goffi. « Nous avions fusionné les fichiers issus des gîtes, des hôtels, du transport de passagers, de la Chambre du commerce et de l’industrie, de l’Agence du tourisme corse et de l’Urssaf avant de les transmettre à l’ensemble des établissements de l’île pour savoir ceux qui souhaitaient se positionner sur ce projet. Nous avons reçu 140 réponses environ. Un questionnaire a ensuite été envoyé par la Dreets, et en fonction des réponses et chiffres donnés par les entreprises, seuls 24 établissements peuvent bénéficier du dispositif. Enfin, en faisant l’audit des salariés et des cabinets comptables, il s’avère que 16 établissements souhaitent essayer le CDI saisonnier. »

Travailler moins pour… gagner moins? 

Ce retard à l’allumage n’est pas à chercher uniquement auprès d’hôteliers et restaurateurs corses trop frileux pour tenter l’expérience. Le coût financier de cette opération n’est pas mieux ficelé, puisqu’en l’état, le CDI saisonnier désavantagerait les travailleurs qu’il est censé mieux protéger. « Vous en connaissez beaucoup des gens qui accepteraient un CDI qui rémunère moins bien qu’une alternance entre travail et chômage? » s’interrog Isabelle de Moura, la directrice régionale de la Dreets.
Aux côtés des restaurateurs et des hôteliers, Isabelle de Moura plaide souvent auprès du ministère du Travail en faveur de ce dispositif qu’elle juge prioritaire pour la Corse. Toutefois, d’après les différents scénari étudiés par ses services, le test grandeur nature de ce contrat paraît compromis. « Pour l'instant, nous ne sommes en pas en capacité de couvrir toutes les dépenses avec l'ensemble de ces outils, même en prenant en compte les heures supplémentaires et les repos compensateurs de remplacement... Côté finances, il manque un petit bout. Surtout, ça désavantage les salariés qui alternent entre chômage et travail car quand ils travaillent, ils ont leur salaire, et quand ils sont à Pôle emploi ils ont les indemnités de chômage. Avec le système tel qu'il est maintenant, cela leur ferait perdre des indemnités de chômage, et donc du pouvoir d'achat. » 

Selon Isabelle de Moura, la période sociale que traverse le pays n’est d’ailleurs pas propice à mettre ce dossier sur le haut de la pile, car le ministère du travail doit notamment faire face à la réforme des retraites et à l'emploi des seniors.
En Corse, le peu d'acteurs toujours engagés sur ce dossier reste prêt, à l’image de Karina Goffi, à mettre le mécanisme en place au moindre signal du gouvernement. «  Même si ce n'est pas la solution-miracle et que cela ne touchera que 10 à 15% de nos salariés, ça sera toujours ça de pris."