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Tête à tête avec... Paul Digiacomi


Vanina Bruna le Lundi 9 Juin 2014 à 21:06

Corse Net Infos reprend aujourd'hui sa rubrique "Tête à tête avec…" Pour la circonstance Vanina Bruna est allée à la rencontre de Paul Digiacomi, le nouveau président de Corse Social Démocrate.



Si vous deviez vous définir en quelques mots en tant qu'homme?

Tête à tête avec... Paul Digiacomi
C'est toujours difficile de parler de soi. J'ai beaucoup de mal à parler de moi parce que je suis quelqu'un d'assez secret. Je dirais que je suis quelqu'un de déterminé, pragmatique et lucide. 

Qu'est-ce que vous aimez dans la vie?

D'abord, j'aime travailler, j'aime l'engagement, j'aime les autres. J'aime être utile. Et j aime aussi beaucoup de choses qui relève de mes plaisirs personnels. J'aime la mer, les voyages, les vacances la musique, les livres...

Le dernier livre que vous avez lu?

J ai relu le livre de Jean-Louis Ferrari, "J'ai oublié mon âme". 

Quel a été votre parcours en politique?

Il a été assez simple. J'ai commence à faire de la politique dans les années 80, lorsque j ai adhéré au parti socialiste, comme simple militant. J'étais jeune et à cette époque là je ne comprenais pas grand chose à la politique, j'observais et essayais de comprendre, mais il y avait déjà à cette époque là un vrai sentiment d'appartenance à une famille politique qu'est la gauche. Ensuite il y a eu Corse Social Democrate, avec Simon Renucci. Nous avons créé ce mouvement dans les années 90. Il y a eu la période de la conquête, Simon a été élu conseiller général, ensuite nous avons élaboré une liste pour les élections territoriales de 98, puis il y a eu la municipales, il y a eu 2001. La formidable aventure de 2001. Puis j'ai été adjoint municipal pendant treize ans. Nous allions dans certaines mairies où il y avait deux personnes. Il y faisait son discours comme si il y en avait cent.

Aujourd'hui vous succédez à Simon Renucci, quels sont vos objectifs?

Mon travail aujourd hui c'est de construire, c'est d'essayer de participer au rassemblement des forces, à sa continuité. C'est ça mon souci. Nous avons aujourd'hui la responsabilité de proposer à la population un rassemblement. Le rassemblement ne se décrète pas, il se construit. Mon objectif c'est de proposer à la fois un projet local, et à la fois un projet régional. Le projet politique, c'est de dire, on parle d'une situation internationale grave, la crise est toujours là, nous avons vu les résultats aux élections européennes, catastrophiques! Catastrophiques pour la démocratie. Les euro-sceptiques ont aujourd'hui 140 députés au parlement et ont pris un poids et un volume qui traduisent un scepticisme grandissant, et une inquiétude grandissante dans l'opinion. L'inquiétude elle est la, elle existe.

Comment pensez-vous que la famille de gauche puisse répondre à ces inquiétudes?

Il faut partir du constat que les gens aujourd'hui, souffre, qu'il y a une crise, que les gens sont au chômage. Il y a des gens mécontents, de la manière dont les politiques en général ont abordé les questions de société, la manière dont les "politiques" se sont intéressés à eux ou pas. Il y a une forme de grogne qui préoccupe. A partir de là, il faut proposer une alternative. Vous ne pouvez pas dire au citoyen, a ceux qui souffrent, et qui n'arrive pas à boucler leur fin de mois, ceux qui ne trouvent pas de logement, ceux qui n'ont pas de travail, ceux qui n'arrivent pas à envoyer leurs enfants à l'université, vous ne pouvez pas leur dire, si vous faites un peu de politique, et si vous la faites pour les autres et pas pour vous, - ce qui est je crois mon cas, pas seulement pour moi en tout cas, parce que si je m'engage aujourd'hui, c'est pour une ambition collective  qu'il n'y a pas d'hommes politiques qui se préoccupent de leur sort. Ca serait catastrophique pour la vie publique ! Moi je veux convaincre que ces gens la ne sont pas seuls dans leur difficulté. Alors je ne dis pas que nous avons une baguette magique et que dès demain matin nous pouvons régler tous les problèmes de la Corse et d'Ajaccio, je dis vous n'êtes pas seuls. Je dis il y a des gens à coté de vous, qui se battent pour la même chose que vous. Lorsque nous constatons cette situation, nous avons envie de dire que ça n'est pas une fatalité.

Vous pensez que nous avons les moyens de lutter contre ça au niveau local?

Je parle d'une situation au niveau local. Il y a des pays occidentaux qui sont pour certains privilégiés, il y a des pays en sous développement qui font sauter les frontières. On parle d'immigration, mais pourquoi les gens bougent? Ils bougent parce qu'ils ne trouvent pas chez eux ce à quoi ils ont droit naturellement, c'est à dire un logement, un toit, de la nourriture, une vie décente. Donc le monde est en crise. L'Europe, nous le voyons avec les élections européennes, n'est pas dans une situation favorable, parce que nous n'avons pas réussi à créer les conditions d'une Europe plus égalitaire, plus équitable, plus sociale, nous sommes dans une Europe qui reste une Europe libérale, l'Europe, l'Europe de la finance, et il est évident que les peuples aujourd'hui sont mécontents. Certains peuples sont mécontents. Je ne parle pas de l'Allemagne qui surfe sur la vague. Il y a une politique nationale ou l'on a pas pris en compte un certains nombres de chose. Je le dis tranquillement, et pourtant j'ai fait campagne pour François Hollande. 

Etes-vous un Européen?

Je ne suis ni un europhobe, ni un europhile. Je suis un euro réaliste. Je dis que cette espace d'échanges, d'individus, de dialogues, institutionnel, est aujourd'hui indispensable pour l'équilibre du monde. Alors en ce sens là je suis un européen convaincu. Parce que si demain l'Europe venait à éclater pour une raison ou pour une autre parce qu'un pays s'amuserait à en sortir, à émettre sa propre monnaie, un autre dirait "moi je ne respecte pas telle ou telle règle européenne", je vous laisse imaginer les conséquences. L'Europe est aujourd'hui une force, qui est aujourd'hui capable de se défendre sur un marché international, capable d'offrir des perspectives à des pays, a des peuples qui ont une histoire et une culture commune. Il y a la comme une évidence. Maintenant il y a beaucoup de choses à changer. Je dis que la politique d'austérité qui a été initié par l'Europe, notamment concernant la Grèce, est catastrophique! Pour les pays concernés, pour l'Europe et pour le Monde. Je suis hostile à la politique d'austérité qui écrase les peuples. Il faut desserrer l'étau. C'est la raison pour laquelle je dis qu'au niveau de la politique nationale, le virage qui à été pris à partir du pacte de responsabilités, mis en oeuvre par le gouvernement Ayrault, ensuite repris par le gouvernement Valls, permet de desserrer l'étau et de favoriser une relance. Je ne dis pas que je suis aujourd'hui satisfait de la politique qui est mené au plan national, je dis qu'au niveau local nous avons un rôle à jouer, dans le cadre de notre appartenance à notre famille politique qui est la famille progressiste.

Alors quelles actions au niveau local dans un tel contexte mondial?

Au niveau régional, le 26 septembre 2013, il y a eu une forme de consensus en Corse, sur un certains nombre de dossiers, qui ont monopolisés la vie politique. La co-officialité, le statut de résidents, le statut fiscal, l'évolution institutionnelle. Ca veut dire que les élus Corses sont capables de discuter sur un certains nombres de choses, pour lesquelles ils n'avaient pas forcément été mandaté. Donc, ils sont capables de se saisir de questions sociétales, qui aujourd'hui occupent l'espace politique et les Corses. Corse Social Démocrate a participé depuis le début à la majorité de Paul Giacobbi. Le vote du 26 septembre à démontrer qu'en Corse nous sommes capables de se mettre d'accord sur un certains nombres de choses. Après les élections municipales, nous constatons que finalement, ce que moi je considérais comme étant un espoir énorme à ce moment là, c'est un petit peu délité. Nous avons vu des rapprochements hasardeux qui ont créé l'incompréhension chez les électeurs. La gauche a été sanctionne. Durement sanctionnée. Si je me satisfait d'un consensus qui peut être trouvé sur un certains nombres de dossiers, je dis aussi qu'il faut montrer un intérêt certains pour tout ce qui touche à la vis quotidienne des Corses: l'emploi, le logement, la formation, l'éducation, l'aménagement du territoire, le rural notamment. Comment éviter que les villages se vident. Il y a toute une politique d'aménagement du territoire qui doit se baser sur les ressources de la Corse. Le PADDUC va dans ce sens. Il faut aussi se recentrer sur les dossiers qui concernent la population au quotidien. Le consensus est bon, discuter sur ce qu'on pourrait proposer aux corses pour l'avenir, c'est bien aussi, mais ici et maintenant, les corses ont des difficultés. Ces difficultés il faut s'en occuper. Si il n'y a pas de retour en arrière, il y a la volonté d'aller au fond des dossiers traités à l'Assemblée de Corse. Aller au fond ça veut dire, quel statut de résident ? Quelle co-officialité ? Sur le principe j'y suis tout à fait favorable mais il faut lui donner un contenu. C'est en donnant ce contenu que le groupe CSD à l'Assemblée de Corse fera valoir son point de vue et pourra être force de proposition. Ensuite il faut que les élus et les Corses en général se penchent sur les problèmes au quotidien des insulaires. Les problèmes de santé, les problèmes de logement, la formation des jeunes, le tourisme. Notre préoccupation aujourd'hui dans l'opposition, c'est de rappeler un certains nombres de choses, rappeler un bilan, ce que nous avons fait, le parking Campinchi, la réforme des rythmes scolaires.

En tant qu'ancien adjoint en charge de l'éducation ?

La réforme des rythmes scolaires doit partir d'une question : oui ou non applique-t-on la loi ? On nous a fait croire avant les élections que la réforme des rythmes scolaires ne serait pas appliquée. Nous avions prévu un dispositif extrêmement solide. Nous partions du principe qu'il fallait appliquer la loi. A partir de la il fallait permettre aux parents, aux enfants et aux enseignants d'en tirer un avantage, sinon ça n'était pas appliquer la loi, c'était la subir. Nous ne voulions pas subir ! Nous avons fait un projet éducatif territorial. Pour mettre des activités en place de qualité, il faut au moins une heure par jour. Nous avions contacté tous les directeurs d'école, les associations de parents d'élèves. Nous avions prévu l'école jusqu'à 15h30. Ceux qui le souhaitaient pouvaient récupérer leurs enfants, les autres bénéficiaient de la garderie. Avec 250 animateurs prévus au compteur, avec quatre zones sur Ajaccio, pour faire en sorte que trois jour sur quatre le temps periscolaire soit assuré et le quatrième jour l'école finissait à 16h30. Nous avions prévu des zones pour permettre une fluidité de la circulation. Le mercredi matin, les enfants devaient commencer à 9 heures au lieu de 8h30, et finir à midi, nous avions prévu un temps de garderie gratuit pour les parents qui amèneraient leurs enfants à midi. Nous avions prévus un transport pour les enfants dont les parents ne pouvaient pas venir les récupérer à midi, pour les amener dans les centres aérés où un repas leur aurait été servi. Nous avions prévu bien sûr un vrai projet basé sur des activités artistiques, théâtrales, culturelles, sportives. Lorsque le maire dit "il faut créer 80 emplois", non!  3 heures par semaine ce sont des heures de vacations. Nous aurions pu contractualiser avec des prestataires spécialisés dans l'animation, sans aucune charge sociale à assurer par la mairie. Ces activités étaient gratuites! Certains ont pensé qu'en s'exprimant pour cette nouvelle majorité, le temps scolaire n'existent pas. Ils se sont trompés. 

L'éducation est-elle une priorité pour la majorité selon vous?

Je n'ai pas l'impression que cela en soit une. Parce que si l'on parle de l'aspect financier, il faut dire que, d'abord, c'est un choix politique : est-ce qu'on veut mettre les moyens sur l'école ou sur autre chose ? Je pense qu'une collectivité, un pays, un état, une région, doivent aller dans le sens de l'éducation et mettre les moyens pour que nos jeunes soient éduqués, encadrés, puissent avoir des activités qui valorisent leur potentiel, leur épanouissement personnel, leur orientation future. Le budget initial était de 700 000 euros, aujourd'hui on me dit 1 300 000. A un moment donné, c'est le recteur qui va définir les horaires. Le maire dira :"je n'applique pas la réforme". Mais les parents les professeurs et les enfants seront obligés d'aller à l'école. Ca n'est pas une bonne approche. Il va y avoir des déceptions ! On ne peut pas dire aux gens "moi je n'applique pas la loi". 

Et le parking Campinchi alors?

Le parking c'est pareil. C'est un dossier qui était bouclé. Le contrat avec Q-Park était passé, onze millions d'euros déjà versés, nous avions prévu que le quai Napoléon trouverait une destination qui serait compatible avec la construction du parking, même si nous ne gardions pas tout, nous aurions gardé une petite partie en témoignage de l'histoire. Aujourd'hui on veut, à travers cette découverte qui n'en est pas une, de porter un coup à cette réalisation qu'on ne veut peut être pas assumer. Rompre le contrat avec Q-Park pourrait coûter entre 5 et 6 millions. En dehors de ça quel projet alternatif ? Nous savions que les quais Napoléons étaient là ! Sous Ajaccio il y a des choses ! Nous avons vu avec l'opération à Alban, nous avons fait en sorte que les archéologues puissent effectuer leur travail scientifique. Il faut préserver lorsqu'on peut préserver, il faut aménager, il faut garder en témoignage. Quand cette phase est terminée, il faut continuer un projet qui était prévu et pour lequel ils ont voté. La majorité en place a voté pour à l'unanimité lorsque le projet a été proposé! 
Aujourd'hui pour des raisons qui, a mon avis sont d'une autre nature, je ne suis pas sûr qu'ils aient vraiment l'intention de réaliser ce projet, mais c'est pareil,, ils vont être obligé. Parce que c'est bon pour la ville!  Parce qu'il fallait effectivement un parking en centre-ville et parce qu'il y a le contrat de rénovation du parking Diamant qui est lié à l'opération. Ça n'est pas seulement le parking Campinchi ! Sur des dossiers pareils, nous serons extrêmement vigilants, nous aurons, bien sûr, des propositions à faire. Nous connaissons le fonctionnement de la ville, nous avons présenté un projet devant les ajacciens, qui était riche et porteur d'espoir. Il s'est passé ce qu'il s'est passé, il y a eu une liste de gauche, il y a eu une politique nationale qui a été sanctionnée, puis il y a eu des pratiques qui ne sont pas forcément des pratiques complètement transparentes, qui ont fait que le résultat est là. Je rappelle quand même que nous avons perdu pour 287 voix.

Pourquoi François Casasoprana n'a-t-ill pas assisté à votre élection à la présidence de Corse Social Démocrate?

C'est à lui qu'il faut poser la question. Mais je vais aller plus loin. J'ai, lors d'une assemblée générale avant l'élection, annoncé que j'allais présenter un projet. J'ai dis, je suis candidat dans le cadre de renouvellement des instances, au poste de président, sur la base d'un projet politique. J'engage tous les militants, tous ceux qui le souhaitent à faire acte de candidature à venir avec leur projet politique, débattre, puis les militants trancheront. C'est la démocratie. Q'on vienne, qu'on discute et que chacun amène ses propositions. Je n'ai pas constaté qu'il y avait un autre projet. Je l'ai fortement engagé à le faire. Il a choisi de ne pas être là et de ne pas être candidat. 

Pensez-vous qu'il y a la place pour la jeunesse au sein de Corse Social Democrate?

Pourquoi je suis vieux ? Je suis dans l'Education nationale depuis 35 ans, je travaille avec des jeunes, des adolescents depuis des années, je dirige une communauté scolaire de 1 300 personnes et vous croyez que j'ai des leçons de jeunesse à recevoir ? Vous croyez que mon approche de la jeunesse est décalée lorsque je vis avec eux? Ce que je veux dire c'est que avoir sur son état civil un certain âge ne donne pas plus de capacité à comprendre la jeunesse. Ce n'est pas qu'il y a la place pour la jeunesse, c'est que la jeunesse est indispensable. Il faut préparer l'avenir et cela ne peut se faire sans la jeunesse. Aujourd'hui je pense que les jeunes ont besoin qu'on leur dise la vérité, qu'on arrête la démagogie, ils ont besoin de savoir ou l'on va, qu'on fixe un cap. Et il faut créer les conditions d'un développement dans lequel ils puissent s'insérer. Le cap que je fixe c'est celui là. Un cap pragmatique et objectif. Les électeurs ont besoin d'hommes simples, qui les représentent dignement. Nous devons être dignes d'eux. 

La prochaine échéance pour Corse Social Démocrate?

Toutes les échéances ! Mon objectif encore une fois, c'est de participer au rassemblement de la gauche, de participer à l'élaboration du projet porté par la gauche dans toutes les échéances. Je suis pour le rassemblement aux cantonales, aux municipales, aux territoriales.  Dans cette volonté commune il y a des ressources des idées et des hommes. J'ai la conviction et la ferme volonté d'y participer et d'apporter ma contribution à celle qui sera jugée être la nôtre le moment venu.

Avez-vous confiance en l'avenir de la Corse?

Globalement oui. Malgré la confusion ambiante, je pense que nous devons revenir aux fondamentaux. Que chacun puisse retrouver des repères. Il faut continuer le travail qui est fait en Corse. Il y a des jeunes qui portent des initiatives magnifiques. Certains jeunes qui ne veulent pas quitter la Corse, sont plein d'idées et font preuve d'initiatives. Il faut que la jeunesse se prenne en main. Je ne pense pas que la jeunesse corse se sente malheureuse ou laissée pour compte de la société. Il y a toujours une solidarité, même si elle est entamée, il y a des choses magnifiques qui se font dans les villages. Il ne faut pas que les Corses pensent qu'à l’intérieur de la Corse nous ne pouvons rien faire. Si on ouvre les perspectives avec l'aménagement du territoire, nous pouvons favoriser un retour à la vie à l’intérieur. Tout cet équilibre territorial est trouvé dans le PADDUC, que Corse Social Démocrate soutient évidemment.