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Moussa Ag Assarid : « Pour le printemps des peuples d'Europe et d'ailleurs »


Nicole Mari le Lundi 5 Août 2013 à 22:35

Obtenir l’autodétermination dans un pays à peine sorti d’une guerre civile, gangrené par la menace terroriste islamiste d’Aqmi et dont la paix relative ne dépend que de l’intervention de l’armée française et de la présence des Casques Bleus. C’est la revendication que le MNLA, le Mouvement national de libération de l’Azawad, le territoire du Nord Mali, entend arracher à Bamako et à la communauté internationale, après 55 ans de rébellions Touaregs. Explications, pour Corse Net Infos, de Moussa Ag Assarid, écrivain et représentant du MNLA en Europe, invité des 32ème Ghjurnate Internaziunale di Corti, qui ont mis, cette année, la question malienne à l’honneur.



Moussa Ag Assarid, écrivain et représentant du MNLA en Europe.
Moussa Ag Assarid, écrivain et représentant du MNLA en Europe.
- Pourquoi avez-vous participé aux Ghjurnate di Corti ?
- Ce fut une opportunité de présenter la lutte de libération menée par le MNLA dans l’Azawad et de faire le point sur la situation actuelle avec notamment l’intervention française et la présence des Casques Bleus des Nations-unies sur ce territoire.
 
- Qu’est-ce exactement le MNLA ?
- C’est un mouvement qui se bat depuis 2011 pour la libération du territoire de l’Azawad et permettre au peuple, dans toute sa diversité, de vivre librement et dignement sur le territoire de ses ancêtres. Quatre ethnies composent ce peuple : les Peuls, les Maures, les Sonrhaïs et les Tamacheq, c’est-à-dire les Touaregs Noirs et Blancs. Nous avons pris le relais de plusieurs mouvements et fronts qui se sont battus depuis 1957 pour la libération de l’Azawad.
 
- Que représente l’Azawad à l’intérieur du Mali ?
- Le Nord du Mali. Les frontières internationales avec la Mauritanie, l’Algérie, le Niger et le Burkina-Faso restent les mêmes. Nous en créons une avec le Mali.
 
- Pourquoi ne voulez-vous pas rester dans l’Etat malien ?
- L’Etat malien a failli à son devoir. Depuis plus de 50 ans, il n’est pas présent dans l’Azawad, il est même quasiment inexistant. Il n’apparaît qu’à travers la présence des militaires qui nous terrorisent et qui massacrent nos populations. L’Etat ne nous a pas protégés et n’a pas assuré notre sécurité. Nous avons décidé, après avoir chassé l’armée et l’administration malienne sur notre territoire, de déclarer, le 6 avril 2012, l’indépendance de l’Azawad.
 
- Votre rébellion, début 2012, est à l’origine de la guerre civile…
- Nous sommes à l’origine de la libération de notre territoire ! A partir du 11 janvier 2013, l’armée française est intervenue pour faire revenir, contre notre gré, l’armée et l’administration maliennes sur notre territoire. Aujourd’hui, nous sommes dans un processus de négociations avec Bamako. Un accord de cessez-le feu a été signé à Ouagadougou, le 18 juin dernier. Il doit permettre l’élection du président de la République afin de négocier avec lui un statut politique et juridique de l’Azawad.
 
- Pourquoi boycottez-vous les élections ?
- Cette élection nous a été imposée. Nous laissons les électeurs maliens élire leur président. Nous n’avons pas de candidats. Nous ne votons pas et nous n’avons pas de préférence. Un des deux candidats restant en lice, Ibrahim Boubacar Keïta ou Soumaïla Cissé, sera élu. Comme prévu dans l’accord de Ouagadougou, 60 jours après l’installation du nouveau gouvernement, nous entamerons des pourparlers avec le président élu pour négocier le statut de notre territoire. Il choisira la paix ou il choisira le contraire. Nous demandons que notre peuple soit protégé et que nous puissions gérer notre destin.

- Pourquoi accusez-vous l’Etat malien d’avoir laissé Aqmi s’implanter dans le Nord du pays ?
- Depuis une dizaine d’années, Aqmi, la mouvance Al Quaïda du Maghreb islamique, s’est installée chez nous et n’a jamais été combattue par l’armée malienne. L'Etat malien a laissé faire. Il a même été complice, à certaines occasions, d’une manière ou d’une autre. De hauts officiers maliens ont été complices de la présence des narcoterroristes d’Aqmi.
 
- Le président mauritanien dit que le MNLA est le seul rempart contre Aqmi dans la région. Avez-vous les moyens de lutter contre les terroristes ?
- Oui, si on nous les donne. Nous pouvons lutter contre les groupes narcoterroristes à condition que nous ayons les moyens, les prérogatives et la souveraineté pour assurer la sécurité de notre territoire. Même si elles existent encore, les forces des narcoterroristes ont beaucoup diminué depuis l’intervention française, leurs bases arrières ont été détruites. Par un accord politique avec Bamako nous donnant une large autonomie, le droit de défendre notre sécurité et de protéger nos populations civiles, nous pouvons combattre Aqmi et sécuriser notre territoire. Nous pouvons, même, participer à la sécurité au Sahel et au Sahara.
 
- L’autonomie vous a toujours été refusée. Pourquoi Bamako vous l’accorderait-elle aujourd’hui ?
- L’Etat malien ne peut pas rester insensible à ce qui s’est passé en 2012 et 2013. Pendant plus d’un an, il a été chassé et a été absent de ces territoires. Il ne peut pas nier cette réalité. Il ne peut pas nier son incapacité à sécuriser les populations et à permettre aux différentes communautés de vivre en paix. Il ne peut pas remplir les prérogatives d’un Etat digne de ce nom. C’est à nous, qui sommes chez nous, de le faire ! Pas à l’Etat malien !
 
- Bénéficiez-vous du soutien de la population de l’Azawad ?
- Nous sommes un mouvement révolutionnaire, nous ne faisons pas de consultations de la population pour savoir qui est ou qui n’est pas avec nous. Le MNLA compte, en son sein, des personnes issues de toutes les communautés et de toutes les couches de la population. Que l’on permette un référendum d’autodétermination et on verra si le peuple est ou pas avec nous ! En tous cas, nous nous battons pour les aspirations du peuple de l’Azawad.
 
- Comment expliquez-vous que ces aspirations ne sont reconnues, ni par les Etats africains, ni par la communauté internationale ?
- Nous nous posons la question. Il faut savoir que l’Union africaine (UA), qui a pris le relais de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), se base sur des documents disant que les frontières issues de la colonisation sont intangibles. Pourtant, les cas de l’Erythrée et du Sud Soudan démontrent le contraire. En Europe, le Kosovo, les Balkans et d’autres pays ont obtenu leur indépendance. Pourquoi n’avons-nous pas aussi le droit à l’autonomie ou à l’indépendance ?
 
- Disposez-vous néanmoins d’appuis en Europe ?
- Au Parlement européen, des députés français, comme François Alfonsi, des députés allemands, hollandais, estoniens… nous soutiennent et nous aident à organiser des conférences. Nous avons des relations avec les représentants des peuples d’Europe en lutte, tels que les Sardes, les Basques, les Corses, les Siciliens, les Catalans, les Irlandais, les Ecossais… Les peuples privés de liberté sont en train de travailler pour le printemps des peuples d’Europe et d’ailleurs.
 
- Qu’attendez-vous de la Communauté internationale ?
- De garantir les Accords éventuels, d’assumer ses responsabilités au niveau humanitaire, au niveau du développement et du soutien économique, mais aussi de remettre les choses à leur place afin de soutenir le processus de paix.
 
- Que reprochez-vous à la France ?
- Je fais un constat et je pose des questions. Pourquoi l’armée française n’a-t-elle pas empêché l’armée malienne, qu’elle a fait revenir sur notre territoire, de commettre des exactions sur nos populations civiles ? Pourquoi la France n’a pas répondu, en 1957 et en 1958, à la sollicitation des chefs de tribus et des chefs de village d’accorder l’indépendance de l’Azawad ? Pourquoi nous a-t-elle rattachés à l’Etat malien qui est devenu indépendant en 1960 ? Pourquoi, aujourd’hui, sommes-nous obligés, avec la bénédiction de l’armée française, d’accepter, contre notre gré, le retour de l’armée et de l’administration maliennes sur notre territoire ? La France porte une responsabilité historique capitale dans l’histoire de l’Azawad. Nous pensons qu’elle a les clés de la résolution de ce conflit.
 
- Quelles seraient ses raisons ? Vous évoquez le contrôle des matières premières du sous-sol de l’Azawad…
- C’est aussi un constat ! Nous savons que notre sous-sol regorge de matières premières. Nous savons aussi que, dans la réalité, les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Connaissant cela, nous disons : pourquoi ne pas permettre à un peuple de vivre librement et dignement sur son territoire et de négocier avec lui gagnant-gagnant, chacun défendant ses intérêts ? Nous pensons que la France a, dans le cadre de l’exploitation des matières premières de notre sous-sol, beaucoup plus à gagner avec nous qu’avec Bamako.
 
- Vous affirmez que c’est le MNLA qui a retrouvé le corps de l’otage français Philippe Verdon et pas l’armée française, comme elle le prétend ?
- Oui. C’est une unité du MNLA qui a retrouvé, début juillet, le corps de Philippe Verdon qui a été tué par ses geôliers. Nous avons donné les coordonnées de localisation GPS aux forces françaises pour qu’elles aillent le chercher. Il faut rendre à César ce qui est à César. Le MNLA participe, depuis très longtemps, à la lutte contre le narcoterrorisme sur le territoire de l’Azawad, mais aussi à la recherche des otages.
 
- Etes-vous confiant ?
- Je suis optimiste, mais malheureusement prudent. Je ne suis pas très confiant en ce qui concerne le respect de la parole politique du Mali. Nous avons signé l’accord de cessez-le feu depuis 1 mois et demi et le Mali n’a pas assumé sa parole. Les prisonniers Tamacheq, dont la libération était prévue dès la signature de l’accord, n’ont toujours pas été libérés. Nous nous demandons pourquoi ? Et nous nous posons la question : s’ils n’arrivent pas à libérer les prisonniers qui sont dans leurs prisons, que vont-ils faire, demain, du reste de l’accord qui demande plus d’actions et de volonté ?
 
- Irez-vous jusqu’au bout ?
- Oui. Si moi, je ne peux pas le faire, mon enfant va le faire ! Les autres feront le reste. Aujourd’hui, existe une possibilité de régler les problèmes de l’Azawad. La France, l’Union européenne, l’Union africaine et les Nations-Unies peuvent le faire. Si elles ne le font pas, Je crains le pire. Je ne souhaite pas en arriver là. Quand je vois en Europe la fin de la lutte armée de l’ETA, je crois que nous pouvons espérer régler les problèmes en nous parlant, en nous disant la vérité et en acceptant que si nous, nous existons et nous aimons vivre en paix, en liberté et en dignité, il faut aussi admettre que les autres vivent de même ! Si la France est un pays des Droits de l’Homme, il faut que les Droits de l’Homme s’exercent ailleurs aussi ! Si c’est un pays de liberté, d’égalité et de fraternité, il faut aider à ce que les autres, aussi, vivent en liberté, en égalité et en fraternité !
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Les différentes délégations internationales aux Ghjurnate di Corti.
Les différentes délégations internationales aux Ghjurnate di Corti.