Corse Net Infos - Pure player corse

Marins en procès contre la SNCM


le Mardi 9 Octobre 2012 à 08:41

Quatre marins de la SNCM ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) de Bastia pour demander la reconnaissance de l'origine professionnelle de leur maladie qui aurait été contractée au contact de produits toxiques. Ils accusent leur employeur de "faute inexcusable". L'armateur leur oppose le droit et le statut des marins. Le jugement a été mis en délibéré au 12 novembre.



Marins en procès contre la SNCM

Marins en procès contre la SNCM

Me Victor Gioia : "Les droits des marins sont ignorés"


L'avocat des marins stigmatise les différences de traitement et de statut entre les salariés à quai et les salariés embarqués et réclame une égalité de droits.

 

- Quelle est la raison de ce procès ?

- De rétablir une égalité entre les travailleurs. Les salariés à terre sont les principaux salariés en droit du travail. Les salariés embarqués sont une catégorie particulière avec un statut à part, proche de l'esclavage. Les marins ne peuvent pas aujourd'hui, par leur statut, revendiquer les même droits que les salariés dentaires. Pourtant, les salariés dentaires sont potentiellement exposésà des risques pendant 8 ou 12 heures. Les marins, pendant un mois, 24h/24h sans interruption. Ce qui veut dire que le risque de contracter une maladie pour le sédentaire devient une certitude pour le marin.

 

- Quel type de maladie ?

- Le marin vit dans des conditions effroyables de bruit, de chaleur, d'inhalation de produits, tous plus toxiques les uns que les autres, dans des conditions de stress inouïes. Or, il n'a ni la possibilité de voir reconnaître sa maladie comme d'origine professionnelle, ni celle de mettre en cause son employeur pour une faute inexcusable. Cette faute est d'autant plus inexcusable que l'employeur a conscience du danger auquel il expose ses marins. Il fait en sorte de ne pas y exposer les salariés dentaires, organise des séminaires sur les risques à quai et ignore complètement les salariés embarqués.

 

- Comment expliquez-vous cette différence de traitement entre la terre et la mer?
- Je pense qu'on ne s'est jamais préoccupé du marin. Le marin n'est pas quelqu'un qui revendique et tape du poing sur la table. Il vit dans des conditions difficiles. Il est habitué à obéir, à exécuter car il a une culture de l'obéissance. A bord, dire Non est un crime. Donc, les marins ne disent rien, font et meurent.

 

- Ces marins ont-ils effectué d'autres actions avant de saisir la justice ?

- Oui. Ils ont fait tout un parcours de tentative de reconnaissance de leur maladie professionnelle. Mais ils ont été ignorés, on ne leur a pas répondu. Ils ont été boutés d'un point de vue administratif au motif qu'ils ont un statut. Aujourd'hui, ils forcent la porte du tribunal.

 

- Pourquoi les syndicats de marins dont l'activisme est virulent ne se sont-ils pas emparés de la question ?

- Les syndicats de marins sont virulents sur les conditions de travail à bord. Mais quand les marins ne travaillent plus, ils n'ont plus de liens. A bord, les syndicats se battent pour la sécurité et les conditions de travail, mais les malades sont souvent oubliés.

 

- Qu'est-ce cette action en justice peut changer pour eux ?

- D'abord, leur indemnisation et leur couverture sociale. On en sait pas aujourd'hui combien de gens sont morts à cause de maladies neurologiques développées à partir de l'exposition aux produits toxiques. Il faut aussi prendre en compte les veuves et les familles endeuillées.

 

- Pensez-vous jouer sur la jurisprudence de 2011 pour obtenir satisfaction ?

- Je compte d'abord sur la clairvoyance des magistrats qui ne peuvent pas considérer aujourd'hui qu'il y a deux catégories de citoyens, ceux qui ont des droits et sont préservésparce qu'ils sont à terre et ceux qui sont ignorés et crèvent dans des cales.

                                                                                     Propos recueillis par Nicole MARI