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Les élèves du Stiletto témoignent et s'engagent contre le harcèlement scolaire


Angelina Rosano le Jeudi 9 Novembre 2023 à 14:14

Le phénomène est immense : près d'un million d'enfants en est victime à l'école chaque année selon le ministère de l'Education. Ce jeudi 9 novembre à l'occasion de la journée contre le harcèlement scolaire, au collège du Stiletto d'Ajaccio les élèves ont témoigné de leurs histoires personnelles.



« J’ai été harcelée lorsque j’ai changé d’établissement. J’ai subi des critiques et moqueries sur mon physique, explique une jeune élève de 3e, la voix étouffée par les larmes. J’ai eu le courage d’en parler à ma mère, elle en a directement parlé au personnel du collège pour que ça s’arrête. J’ai changé de classe, et ça a recommencé. J’en ai immédiatement parlé et ça s’est arrêté. C’était un effet de groupe. Mon harceleur a dû s’excuser devant moi, il a perdu toute sa crédibilité. Et moi, je me suis engagée dans la lutte contre le harcèlement ». Ses larmes témoignent de la difficulté de subir du harcèlement, son sourire montre, lui, le soulagement d’en parler.

C’est par ce témoignage émouvant que s’est conclue l’échange entre le Jean-Philippe Agresti, recteur académique de Corse, et la vingtaine d’élèves ambassadeurs « non au harcèlement » du collège du Stiletto qui a eu lieu ce jeudi 9 novembre à l'occasion de la journée nationale contre le harcèlement scolaire. 
 
La lutte contre ce fléau est devenue une priorité depuis la nomination de Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale, victime lui aussi de ce phénomène lors de sa scolarité. Elle l’est également pour le recteur de Corse Jean-Philippe Agresti qui a passé la matinée au collège ajaccien afin d’échanger avec l’ensemble de la communauté éducative. La journée dédiée au harcèlement à l’école a débuté par la distribution d’un questionnaire d’auto-évaluation sur la question du harcèlement. Du CE2 à la terminale, tous les élèves du territoire sont concernés par cette démarche. Au Stiletto ce sont 600 élèves qui ont répondu anonymement aux questions. « Ce questionnaire permettra d’identifier le nombre d’élèves victimes de harcèlement. Nous devons mettre en place les conditions pour que plus aucun élève n’en subisse » explique le recteur. Lors d'un cas de harcèlement avéré, l'établissement prend immédiatement les mesures nécessaires. Un suivi sur le long terme, de l'élève harcelé mais également du harceleur, est alors enclenché. 

Sensibilisation et prévention

Chaque classe de sixième était ensuite invitée à un temps d’échange et de sensibilisation en compagnie de la conseillère principale d’éducation de l’établissement ainsi que de l’assistante sociale. Le recteur débutait l’échange : « Le harcèlement est pénalement répréhensible, c’est un acte délinquant. C’est très grave de harceler quelqu’un. Vous devez y être sensibilisés afin de savoir de quoi on parle réellement et ainsi d’avoir tous les outils nécessaires pour faire cesser cette situation si vous en êtes victimes ou témoins ». 
  
Les 25 scolaires étaient invités au débat par l’assistante sociale, « qu’est-ce que vous évoque le mot harcèlement ? » les questionne-t-elle. Un premier élève prend la parole : « C’est quelque chose qui ne va pas faire plaisir », un autre poursuit « c’est quand on veut embêter quelqu’un, car on croit qu’il est faible, car on ne veut pas s’attaquer à plus fort que ce soit ». « C’est la répétition des choses » s’élance une jeune fille. « En effet, c’est une violence physique, verbale ou psychologique qui va se répéter tout au long du cursus scolaire avec la notion de répétitivité », complète la CPE.


Les sentiments sont partagés de tous les très jeunes adolescents, « ça donne la boule au ventre, des angoisses, de la peur, de la tristesse ». 

Le personnel éducatif alerte sur les premiers signaux et incite les enfants à en parler rapidement à un adulte, « que vous en soyez victimes ou témoins » afin d’endiguer au plus tôt le phénomène pour limiter les conséquences. Une vidéo de sensibilisation, réalisée par les collégiens du collège de Baleone, leur est ensuite projetée. Cette vidéo poignante, basée sur des faits réels, touche particulièrement les petits élèves.

Ambassadeurs "non au harcèlement"

Toutes les manières sont bonnes pour parler de cette cause, pour sensibiliser les jeunes. C’est ainsi que la chorale du collège a préparé une chanson sur ce thème. « Effet de masse » de l'artiste Maëlle, est chanté par une vingtaine d’élèves devant le recteur académique mais également devant les élèves ambassadeurs « non au harcèlement » de l’établissement. Ces jeunes sont tous engagés dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Ils se sont engagés sur la base du volontariat, avec pour chacun, l’envie d’aider les personnes en souffrance.
 
« On s’est rendu compte du fait que des élèves plus âgés parlent aux plus jeunes fonctionne bien. Ils sont attentifs et en confiance » remarque Jean-Philippe Agresti. Ces vingt élèves sont répartis entre les classes de 6e et 3e. Tous réfléchissent aux solutions qui peuvent imaginées pour enrayer ce phénomène. Tous y sont sensibles et ne prennent pas la cause à la légère. « Il faut aider les victimes à casser l’isolement » lance une élève. « Ils peuvent se confier à moi. Si quelqu’un se sent harcelé, notre rôle est d’en parler directement au personnel afin de régler le problème » explique une seconde jeune fille.

Une petite élève de sixième s’exprime : « Je trouve ça bien de pouvoir aider ceux qui sont seuls avec leurs problèmes ». « Je me suis engagée pour pouvoir aider et essayer de faire parler les personnes victimes de harcèlement. Je pense que beaucoup de personnes le cachent, il faut les aider à gérer la chose pour qu’ils ne restent pas seuls. C’est plus compliqué de parler à un adulte qu’à un autre élève, il y a la peur du jugement, que ça leur retombe dessus » argumente une jeune fille à peine plus âgée. Le recteur leur fait remarquer qu’il est « très courageux de devenir ambassadeur du non au harcèlement ».
 
La question est posée de savoir si les élèves avaient déjà été victimes ou témoins de harcèlement. Tous répondent en avoir été témoins, de moqueries sur le physiquement notamment. Ils racontent des histoires vécues par leurs amis. « J’ai une copine qui avait des garçons dans sa classe qui se moquaient de son physique. Ça s’est arrêté car ils les ont mis dans des classes différentes ». « Une de mes amies se faisait frapper dans la cours, elle nous l’a dit quand ses harceleurs sont partis au collège. On ne pouvait plus rien faire » témoigne avec la voix tremblante une élève de sixième très émue.

"J'ai été victime de harcèlement"

Puis quelques instants plus tard, une élève confie avoir elle-même été victime du phénomène. « J’avais une amie à l’école qui se faisait taper et rabaisser par une plus grande, elle m’a harcelé à moi aussi. C’était dans la cour pendant la récréation et elle venait avec ses copines plus grandes aussi ». Les langues se délient alors. Une élève témoigne à son tour avoir « été victime de harcèlement par rapport à mon physique et mes notes. J’ai pu en parler, ça s’est quand même arrêté, mais parfois il y a quand même des moqueries qui continuent ». « Au primaire, les autres élèves se moquaient parce que mon père ne s’occupait pas de moi et que je n’avais pas de nouvelles. C’était difficile car ma situation familiale me touchait déjà beaucoup » continue une autre collégienne.
 
Jean-Philippe Agresti pose alors la question de la difficulté de faire comprendre aux élèves harceleurs que de tels actes ne sont pas drôles. « Il faut qu’ils se mettent à la place des autres » répond un garçon. Un autre poursuit « il ne faut jamais faire aux autres ce que l’on n’aimerait pas qu’on nous fasse », « il faut que les ambassadeurs interviennent dans les classes pour expliquer concrètement ce qu’est le harcèlement » explique à son tour un jeune élève membre de la chorale.
Ces élèves sont de véritables relais importants dans le dispositif de lutte contre le harcèlement scolaire. Le recteur a tenu à leur rappeler « le courage » qui était le leur pour s’engager dans cette lutte. « Vous êtes importants, vous n’êtes bien sûr pas là pour vous substituer aux adultes mais votre rôle est très important ».
L’échange se termine sur ces mots : « La personne courageuse est celle qui va faire stopper la situation en allant en parler aux adultes, s’attaquer à quelqu’un n’est, en revanche, pas courageux ».