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Laurent Marcangeli candidat à la présidence de l'Exécutif de Corse : "il est urgent d’entamer une alternative, une alternance"


Julia Sereni le Dimanche 20 Septembre 2020 à 18:05

Laurent Marcangeli, maire d'Ajaccio, n’en fait plus mystère, il sera bel et bien candidat aux prochaines élections territoriales. D’ores et déjà, il décoche ses premières flèches contre le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, à qui il reproche d’avoir failli dans sa gestion de la Collectivité. Il esquisse les contours de son projet politique, entre rassemblement de la droite et ouverture... mais jusqu’où ?



Laurent Marcangeli vise la présidence de l'Exécutif territorial (Photos Michel Luccioni)
Laurent Marcangeli vise la présidence de l'Exécutif territorial (Photos Michel Luccioni)
- Vous avez déclaré être prêt à vous porter candidat aux élections territoriales. Qu’est-ce-qui vous a décidé ?-
- C’est une réflexion de plusieurs mois et même de plusieurs années car, avec l’engagement politique qui est le mien, la question s’est déjà posée à deux reprises, en 2015 et en 2017. J’avais alors voulu respecter la parole que j'avais donnée en 2014, à savoir être au service des Ajacciens jusqu’en 2020. J’ai depuis accompli un mandat entier, il y a des fondations qui ont été posées à Ajaccio. Elles demeureront même si je ne suis plus maire. Je précise néanmoins que je ne quitterai pas Ajaccio, je resterai conseiller municipal et par ailleurs président de la CAPA jusqu’à la fin du mandat.
Aujourd’hui, si je considérais que tout allait bien, je me rangerais derrière le président de l’Exécutif. Or il y a eu un certain nombre d’épreuves depuis 2016 qui amènent les uns et les autres à le juger. Moi le premier, en tant que décideur public et homme engagé. Pour moi, le compte n’y est pas. Je ne ferai pas ma campagne sur une critique de Gilles Simeoni mais il faut bien à un moment que l’on parle de ce qu’a fait le sortant. Il porte une lourde responsabilité, il a un bilan. Peut être qu’il ne lui convient pas, mais il ne pourra pas botter en touche durant toute la campagne électorale. Si je suis candidat c’est que je considère qu’au bout de cinq années il y a de quoi être déçu et d'ailleurs, je suis déçu parce que je ne voulais pas qu'il échoue. Je souhaitais sa réussite pour la Corse et pour les Corses. Aujourd'hui il est urgent d’entamer une alternative, une alternance.
 
- On sent que depuis votre annonce de candidature le duel avec Gilles Simeoni s’installe. Il a d’ailleurs fait référence, lors de l’émission Cuntrastu, à vos deux visions qui s’affrontent, notamment sur la question des déchets.
- Sa vision c’est l’échec. La situation des déchets n'a jamais été aussi mauvaise, il faudrait rentrer dans l’intimité du dossier pour voir à quel point la responsabilité de Gilles Simeoni et de ses amis est lourde. Le centre de Vico, fermé en 2015, sonne le glas du SYVADEC tel que nous l’avons connu. Un centre payé par l’argent public, et fermé parce que des collectifs dont les personnes sont connues comme étant proches de Gilles Simeoni, considèrent qu’on ne peut plus continuer comme cela. Je faisais partie à l’époque, en tant que parlementaire, de ceux qui considéraient qu’effectivement le tout-enfouissement n’était pas une solution et qu’il fallait mettre en oeuvre des solutions alternatives. Je regrette qu’entre janvier 2016, quand Gilles Simeoni devient président, et aujourd’hui, la nécessaire prise de conscience des responsabilités qui sont les siennes semble passer derrière sa mobilisation militante.
 
- Concrètement que proposez-vous ? Gilles Simeoni vous présente parmi les tenants du privé, quand lui se pose en défenseur du public.
- Il n’était pas à une approximation près. Aujourd’hui, nous parlons d’un sujet sérieux. Depuis 2015, la CAPA propose un projet, voté favorablement par le bureau du SYVADEC, qui a délégué la CAPA maître d’ouvrage. C’est un projet qui est porté par la puissance publique, sur un terrain public, propriété de la CAPA. Donc je n’ai pas de leçons à recevoir sur ce sujet.
Ce qui est certain, c’est que la politique proposée par cet exécutif est une politique de chimères. Nous n’arriverons pas, et tout le monde est d’accord avec cela, sauf les associations qui portent ces projets et qui sont la cheville ouvrière de Gilles Simeoni, au tri à la source généralisé. On ne peut pas avoir une vision uniforme, c’est ce que je reproche aussi à l’actuelle majorité et ce sera l'un des axes majeurs de ma campagne. La Corse ce sont des territoires, et ils sont tous différents. Evidemment qu'on peut faire beaucoup plus facilement du tri dans une commune de 50 habitants que dans une commune de 70 000. Evidemment que l’on peut faire du tri de manière beaucoup plus efficace dans une commune où on a de l'habitat individuel que dans une commune où la majorité de l'habitat est de l’habitat collectif.
 
- Les territoires donc, un axe clé de votre projet ?
- Les territoires sont au cœur de mon engagement. Pourquoi ? Parce que je considère que la suppression de l’échelon départemental est aujourd'hui très mal vécue, notamment dans la ruralité. Aujourd'hui le cri du cœur de l’ensemble des élus locaux de toutes obédiences, c’est qu’il y a une difficulté majeure à se faire entendre de la part de la Collectivité de Corse, de porter des projets, d’entretenir le quotidien : par exemple, l'entretien des anciennes routes départementales n’est plus le même que lorsque les conseils départementaux existaient.
 
- D’où l’idée de la chambre des territoires…
- Dès le début, j’ai annoncé que je ne siègerai pas dans cette chambre parce que je pensais qu’on n’avait pas les débats qu'il fallait avoir et que le mode de fonctionnement n'était pas le bon. Je propose autre chose : une modification du mode de scrutin. Jean-Jacques Panunzi a rédigé une loi qui propose que l'Assemblée de Corse soit non plus élue sur un scrutin de liste régionale mais avec un certain nombre de circonscriptions qui permettraient aux territoires d'être représentés, avec des listes par micro-régions. Cette proposition je la fais mienne. Cela permettrait de faire en sorte que l’assemblée ne soit plus « hors-sol ».
L’outil chambre des territoires devrait être lui remplacé par une conférence des territoires. Le président de l’Exécutif aura la nécessité de réunir les EPCI qui prennent une place importante, il y a 19 en Corse, et rien ne doit se faire sans eux. Y compris, pourquoi pas, envisager certaines délégations de compétences.
 
- Comment voyez-vous votre campagne dans les semaines et mois à venir ?
- D’abord, la situation sanitaire peut être de nature à remettre carrément en cause le calendrier électoral et cela serait fâcheux, mais si cela doit être le cas, ce serait une cause de force majeure. La période exige beaucoup d’humilité, il y a un rebond épidémique qui m’inquiète et qu’il ne faut pas prendre à la légère. Qui sait dans quelle situation nous nous trouverons ? En tout état de cause, ce sera une campagne où, plus encore que d’habitude, je veux aller à la rencontre de celles et de ceux qui font la Corse. Je veux avoir un dialogue avec eux, mais je veux aussi tenir un discours de vérité. Je veux mettre le doigt sur ce que j'estime être les problèmes qui nous font mal.
 
- Quels sont-ils ?
- Les déchets, les transports, le modèle économique, les infrastructures. Mais également d’autres sujets qui sont parfois plus difficiles à appréhender : la culture et l’identité de la Corse. Parler d’identité n’est pas un vilain mot et je l’ai toujours fait à ma manière. Je pense qu’on peut être Corse, le porter en soi, tout en étant très à l'aise avec le fait d'être aussi un enfant de la République, ce que je suis. Un enfant de la méritocratie républicaine, ce que je suis aussi. Européen, méditerranéen. C’est en tout cas ce que je développerai lors de cette campagne parce que le repli sur soi est une menace.
 
- Vous trouvez que l’actuelle majorité est dans une attitude de repli ?
- Parfois, je ressens une volonté d'enseigner à nos enfants une situation de victime permanente. Oui, la Corse a eu une histoire difficile, mais pas plus que d'autres territoires qui ont été davantage encore frappés. Cela fait partie de l’histoire, cela fait partie d’un bloc, et la Corse est aujourd’hui partie intégrante de ce bloc. Il faut savoir ce qu’il s’est passé, l’enseigner, mais il ne faut pas non plus oublier que nous sommes le premier territoire de France libéré en 1943. Aujourd’hui, comme ailleurs et comme avant, la République apporte des bienfaits à la Corse. Est-ce que cela a toujours été une relation paisible ? Non. Est-ce que l’Etat a toujours eu raison en Corse ? Bien sûr que non. Mais aujourd’hui, est-ce que l’on construit avec l’Etat un territoire où on arrive à vivre, à prospérer, à élever ses enfants, à bien vieillir ? Ça c’est la question. Est-ce que cette coopération doit se faire dans la montagne russe des relations que nous avons pu suivre depuis 2017 ? Je ne le crois pas. Est-ce qu'elle doit se faire en étant franc ? Je le pense. En disant non parfois, en exprimant ses désaccords publiquement. Mais pas en en faisant des sujets de manifestations publiques, de boycott d'une visite présidentielle, de blocage de l’île. Je ne pense pas que cela soit de bon ton. Cela attise les haines et les colères et cela crispe la vie politique.

Laurent Marcangeli.1
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- Quel mode de gouvernance comptez-vous adopter ?
- Bien que n’étant plus rattaché à aucune formation politique nationale et ne demandant aucun soutien ni aucune investiture, je suis issu d'une famille politique. Cette famille, c’est le centre-droit.  J’ai vocation, dans un premier temps, à aller à la rencontre de celles et de ceux qui s’en sentent proches. Mais je n'ai pas vocation qu’à cela, parce qu’être président de l'Exécutif cela demande à élargir, à être beaucoup plus ouvert, d’autant plus que je pense profondément qu’une majorité unicolore n’est pas bonne. Je pense que le futur exécutif se devra d’être un exécutif de coalition afin de décrisper la vie politique. Pour le coup je suis d’accord avec Gilles Simeoni, le « bloc contre bloc », je suis contre. Je ne suis pas anti-nationaliste et je n’ai pas vocation à le devenir dans les prochains mois.
 
- Donc pourquoi pas une coalition avec des nationalistes ?
- Du moment qu’on est d’accord sur des bases. Le principe d’une coalition c’est le suivant : il y a des forces qui se présentent, pour la clarté du débat public, dans un premier temps, chacune sur ce qu'elles ont de plus fondamental. En ce qui me concerne, je suis un homme de centre-droit, j’irai donc prioritairement dans le cadre de l'élection au premier tour à la recherche de femmes et d’hommes venant de ce bord. Il n’est pas impossible que dans la liste que je conduirai des signaux d'ouverture soient donnés, mais globalement ma mission est d’essayer de rassembler une famille politique qui a connu beaucoup de divisions, qui en connait encore, et qui doit muter. Cette mutation je pense y être parvenu sur le terrain ajaccien et aujourd’hui je propose de l’élargir à l’ensemble de la Corse pour faire en sorte que nous soyons une droite qui ne renie pas ces valeurs, une droite qui est multiple, mais une droite qui se rassemble suffisamment pour pouvoir arriver en tête. Après que fait-on ? Peut-on dès l’entre deux tours créer les conditions de rapprochements avec d’autres listes de gauche ou nationalistes ? L’avenir le dira.
 
- De quoi alimenter la rumeur d’un accord entre Jean-Charles Orsucci, Jean-Christophe Angelini et vous…
- Il n'y a eu aucun pacte, aucun accord, aucune réunion cachée ou publique à ce sujet-là. En revanche, je défends un modèle de gouvernance différent, je suis en rupture et je n’exclus rien, du moment que chacun prenne la responsabilité de travailler sur des bases saines, c'est-à-dire un contrat de mandature. Si demain l'intérêt de la Corse passe par ce contrat de mandature… Et de toute façon, si demain je suis président de l’Exécutif, d’une manière ou d'une autre, je présiderai de manière à faire en sorte que personne ne se sente exclu. J’aurai toujours à l'esprit la volonté de rassembler au maximum et surtout d’être dans une démarche de décrispation de la vie politique. Sur la question, je considère que nous avons régressé. Paul Giacobbi, et cela ne lui a pas réussi, avait pris le pari de donner des signaux d'ouverture importants en direction des nationalistes. Après cela doit aller dans les deux sens, les nationalistes doivent faire un geste envers ceux qui ne le sont pas. Je reproche à l’actuelle présidence d’être dans une démarche qui se veut enjôleuse lorsqu'il s'agit d'évoquer médiatiquement ces idées mais dans la pratique on est très loin des termes d’ouverture, de rassemblement et de partage qui sont évoqués.
 
 - Qui sera à vos côtés sur votre liste ?
- Je ne fais pas de mystères, il y a des élus qui ont déjà appelé à me soutenir. Valérie Bozzi l’a fait publiquement, c’est une amie et je pense qu’il est normal qu’elle soit à mes côtés. Il y a également parmi les sortants à l'Assemblée de Corse des gens dont on sait qu’ils me sont proches. Par exemple, Xavier Lacombe, qui est mon vice-président à la CAPA. J'ai beaucoup d'affection et d'amitié également pour le maire de Ghisonaccia, que j'ai appris à connaître. J'ai également entamé des rapports depuis maintenant plusieurs années avec Jean-Martin Mondoloni, qui a eu le mérite de conduire une démarche en 2017 et qui préside un groupe issu d’une élection difficile.
 
- Justement sur la Haute-Corse, n’aurez-vous pas quelques difficultés ?
- Nous avons souffert électoralement en Haute-Corse mais il y a un socle que je veux rassembler. J’irai à la rencontre de celles et de ceux qui l’incarnent à Borgo, à Calvi, à Corte, dans la Plaine orientale, à Bastia, dans le pays bastiais. Dans un premier temps la mission que je m’assigne c’est de les rassembler, comme je le ferai dans l’extrême sud.
Mais je veux dire aux habitants de la Haute-Corse qu’ils ne tombent pas dans le piège que certains leur tendront pendant cette élection, en pensant que le méchant ajaccien va venir les détrousser et leur marcher dessus. Ils verront en lisant la liste, la Haute-Corse sera représentée. Que les gens fassent confiance à mon expérience et à mon sens de l’éthique pour me mettre à la hauteur de l’enjeu. Je ne serai pas le maire d’Ajaccio candidat aux territoriales, je serai un candidat pour devenir président de l’Exécutif. Et si je suis élu président de l’Exécutif, je serai celui de l’ensemble des Corses et je ne ferai pas de discriminations.
 
- Vous arrivez aux responsabilités. Votre priorité ?
- Faire fonctionner enfin l’institution. Il y a un problème d’organisation dénoncé par les organisations syndicales et par les agents de la collectivité. Je n’ignore rien des difficultés, mais la mécanique a du mal à se mettre en marche. Et surtout, ce que je pense, c’est qu’il ne faut pas se plaindre d'avoir ce qu'on a voulu. On a voulu une collectivité unique, on a voulu une suppression des départements, on a accéléré le calendrier, alors que ce n'était pas nécessaire de la faire en deux ans. Cet exécutif a exigé une collectivité unique au 1er janvier 2018, elle a eu très peu de temps pour s’y préparer. Sans faire le procès de quiconque, ni même de l’institution elle-même, il y a beaucoup à redire sur le fonctionnement actuel de la Collectivité de Corse.