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La Collectivité de Corse s'engage pour l'égalité entre hommes et femmes car "le vieux monde n'a pas disparu"


le Samedi 30 Mars 2024 à 15:19

Depuis 2014, les collectivités de plus de 20 000 habitants doivent présenter un rapport annuel sur la situation en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. La Collectivité de Corse a présenté le sien, jeudi matin.



La conseillère exécutive Lauda Guidicelli a présenté le rapport relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes en Corse.
La conseillère exécutive Lauda Guidicelli a présenté le rapport relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes en Corse.
"Ce document est obligatoire, mais rien n'oblige la Collectivité de Corse à avoir une politique volontariste en matière d'égalité femmes hommes", a souligné Lauda Guidicelli, en préambule du rapport présenté. En effet, la CDC ne s'en est pas tenue à une simple photographie de la situation. Des mesures ont été mises en oeuvre, qui ont coûté 150 000 euros. La conseillère exécutive les a rappelées.

Il y a eu notamment la pose dans les établissements scolaires, de distributeurs de protections périodiques. En abordant la problématique de la précarité menstruelle avec les adolescents, "nous nous sommes attaqués à un tabou", confie l'élue bastiaise qui s'est rendue au lycée Giocante de Casabianca pour opérer un travail de sensibilisation auprès des lycéennes et des lycéens. Elle en a tiré un enseignement : "Parler aux jeunes garçons, c'est aussi utile que d'installer des distributeurs pour les filles." Une autre mesure importante, c'est la distribution de kits "primi cicli mestruali" à destination des collégiennes de 6e. "Nous avons commencé à les distribuer la semaine dernière à Porticcio", a précisé Lauda Guidicelli.

48,5 % des jeunes interrogés disent avoir subi une agression sexuelle

Au début du mois, l'Insee a publié une étude qui révélait que, en Corse, les inégalités entre les femmes et les hommes avaient tendance à se réduire, même si elles subsistaient. La Collectivité de Corse aboutit à une conclusion similaire, après avoir mené sa propre enquête auprès d'un panel de plusieurs centaines de jeunes corses âgés de 11 à 30 ans.

Cette enquête met en avant quelques points encourageants. Ils sont ainsi 76,1% des jeunes interrogés à penser que tous les métiers peuvent être exercés autant par les femmes que par les hommes ; ils sont 82,7 % à estimer qu’il est très important que les femmes et les hommes aient les mêmes chances d’accès aux métiers et d’évolution de carrière. Pour 58,9 % d'entre eux, la lutte contre les inégalités concerne autant les hommes que les femmes. Et ils sont 40,4% désireux de s’engager en faveur d’une plus grande égalité.

En revanche, des réalités préoccupantes ont été recueillies. 32,9 % des jeunes interrogés déclarent s’être déjà sentis
personnellement discriminés (50,4 % des filles et 11 % des garçons) ; 37,8 % ont déjà choisi de changer de comportement, de tenue, de chemin ou de trajet pour éviter des remarques ou des risques de violences. Sur les 231 jeunes corses ayant choisi de répondre à cette question, 79,2 % disent avoir été victimes d’insultes sexistes (83,1 % des filles et 53,3 % des garçons), 48,5 % d’une agression sexuelle (51,7 % des filles et 26,7 % des garçons) et 21,6 % d’un viol.

Selon un rapport publié début mars par l’Insee, 1 338 faits de violence ont été recensés en 2023 en Corse. Un chiffre en augmentation de 18 % par rapport à 2022. « C’est quand même un changement dans nos mentalités en Corse… », s’en est émue Cathy Cognetti (Un Soffiu Novu) qui soumet l’idée « qu’on puisse avoir des structures qui accueillent les victimes, même au sein des territoires ruraux ».

Afin d’enrayer ce phénomène, la CDC a organisé de nombreux ateliers de sensibilisation auprès d’un public scolaire, ou tout simplement jeune. Des animation sur les thématiques du consentement, de la prévention du sexisme et de la sexualité responsable, et qui vont se poursuivre dans les années à venir.

"Servir d'exemple"

« Cette égalité, en est convaincu Pierre Ghionga, c’est ce qui fera changer notre société et la portera vers le progrès et la paix". L’élu (non inscrit) y est allé de sa proposition : « Pourquoi la collectivité ne met-elle pas en place un congé pour les menstruations difficiles ? L’Assemblée nationale vient de la refuser, peut-être que nous pourrions servir d’exemple. » En effet, le texte qui prévoyait la possibilité pour les femmes d’avoir jusqu’à 13 jours d’arrêt maladie par ans pour règles douloureuses, sous réserve d’un certificat médical, a été rejeté cette semaine par la commission des affaires sociales. Lauda Giudicelli lui a répondu que « l’idée méritait d’être étudiée en interne, sur le plan des ressources humaines ».

Et en interne, quelle est la situation en matière d’égalité parmi les effectifs de la collectivité de Corse ? «  Si les catégories A et B sont davantage féminines, l’encadrement est encore fortement masculinisé », regrette Lauda Guidicelli, même si la situation s’améliore d’année en année.  En matière de rémunération, le niveau moyen des femmes fonctionnaires est supérieur de 2,6 % par rapport à celui des hommes. En effet, elles perçoivent un salaire brut moyen mensuel de 3 333 € contre 3 247 € pour les hommes. Il y a une explication, que livre le rapport : « Cet écart se traduit principalement par le poids des femmes en catégorie A et par la surreprésentation des hommes en catégorie C. La différence de répartition des femmes et des hommes dans chaque catégorie va donc contribuer à augmenter le salaire moyen global des femmes. »

"Des positions conservatrices, voire rétrogrades"

Le 8 mars, les parlementaires actaient l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la constitution. Une entrée que Lauda Gudicelli (Fà populu Inseme) et Julia Tiberi (Avanzemu) n’ont pas manqué de saluer. A une épine près, qui leur est restée en travers de la gorge : « Nous avons pu compter sur tous les parlementaires corses… enfin presque tous », a taclé Lauda Guidicelli, en référence au vote contre du sénateur Jean-Jacques Panunzi. Preuve en est, pour l’élue ajaccienne Julia Tiberi que « cette question doit continuer de nous mobiliser car à cette heure, de nouveaux mouvements font leur apparition sur la scène politique insulaire et font valoir des positions extrêmement conservatrices, voire rétrogrades sur ce même sujet. Ayons donc à l’esprit que ce vieux monde, même s’il n’est pas majoritaire fort heureusement, n’a pas disparu. Et que les droits et les libertés des femmes restent fragiles. »

Gilles Simeoni a tenu à s’exprimer, histoire de rétablir un tant soit peu l’équilibre des temps de parole entre hommes et femmes : « A part Pierre Ghionga, cette discussion a surtout été une affaire de femmes, et je pense que c’est un piège de penser que la problématique n’est pas une affaire d’hommes aussi. On a parlé hier (mercredi) de l’autonomie, et je souhaite que la problématique d’égalité continue d’irriguer l’ensemble de nos politiques publiques, de nos choix et de nos comportements. »