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A Via San Martinu : U Festivale di a ruralità 2024 fête A Sant’Isidoru à Bunifazziu


Nicole Mari le Mercredi 8 Mai 2024 à 21:22

U festivale di a ruralità étend pour sa 16ème édition son maillage sur de nouvelles communes sous l’égide de San Martinu. Démarré le mois dernier à Roglianu et Tominu à la pointe du Cap Corse, il inaugure du 10 au 12 mai une nouvelle séquence de trois jours à Bunifazziu en collaboration avec la Venerabile Cunfraternita Santa Maria Madalena di Bunifazziu pour la Sant’Isidoru. Relier l’île du Nord au Sud est l’ambition affichée d’a Via San Martinu, portion corse de l’Itinéraire culturel européen « A Via Sancti Martini », centré sur Saint Martin, qui relie entre eux les territoires ruraux autour de valeurs et d’un patrimoine commun dans un objectif de développement durable. Explications de Christian Andreani, président du Centru culturale San Martinu Corsica.



Le Piale bunifazzincu. Photo C.Andreani.
Le Piale bunifazzincu. Photo C.Andreani.
- L’édition 2024 du festivale di a ruralità est lancée et prend ses marques ce weekend à Bunifazziu. C’est une première ?
- Oui ! C’est une première dans l’Extrême-Sud de la Corse. Le festival a été lancé le 23 mars dernier à la pointe du Cap Corse sur les communes de Roglianu et Tominu à Santa Maria di a Chjappella à l’occasion du Nouvel an pisan. La République de Pise avait voulu marquer sa différence avec les autres lieux de pouvoir en Méditerranée et situer son nouvel an, le 25 mars, le jour de l’Annonciation. La Corse étant à ce moment-là sous domination pisane, on retrouve dans l’île beaucoup de lieux liés à cette époque, notamment ces fameuses églises de style pisan. Le but de cette première journée était de marquer le lien historique profond qui existe entre la Corse et un contexte européen. Ce fut une journée d’interprétation avec des conférences et des intervenants pisans venus pour l’occasion. U festivale s’est donc ouvert sur la Toscane où nous prévoyons d’organiser des séquences dans les mois à venir. La seconde étape se déroule ce weekend sur trois jours à Bunifazziu.
 
- Pourquoi Bunifazziu ? Qu’est-ce qui le relie à San Martinu ?
- Le territoire de Bunifazziu est un territoire martinien. L’ensemble du territoire, qui part du Piale, c’est-à-dire la campagne de Bunifazziu jusqu’à l’entrée de Portivecchju au ponte bunifazzincu, s’appelle a Comarca di San Martinu. On voit sur le Plan Terrier que c’est un immense territoire qui a été redivisé ensuite sous la période française. Toute la plaine de Sotta s’appelle San Martinu. De plus, il y a à l’extérieur de la ville de Bunifazziu, une ancienne chapelle San Martinu. En travaillant sur l’Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe « A Via Sancti Martini », on travaille aussi sur les occurrences entre les saints fêtés et représentés sur le territoire de la Corse. Ils sont à des périodes des marqueurs de l’histoire et de pratiques cultuelles, mais aussi culturelles. A l’intérieur de l’église Santa Maria Magiu de Bunifazziu, il y a un autel avec un tableau dédié à Saint Isidore de Madrid parce que Saint Isidore est le patron des laboureurs.
 
- Quel est le lien entre Santu Isidoru et San Martinu ?
- Ce sont des saints agraires. Saint Isidore de Madrid est plus tardif que Saint Martin. C’est un jésuite. Dans l’église Santa-Maria de Bastia, on peut admirer dans la nef gauche un très grand tableau qui était le tableau de la société agricole de la ville. Sur ce tableau sont représentés Saint Isidore de Madrid le laboureur, Saint Martin de Tours en charité et Santa Zica de Lucca, patronne de la corporation des jardiniers et des fleuristes à Bastia depuis le XIXe siècle. Ces trois saints sont représentés dans l’iconographie à Bunifazziu, à Bastia et vraisemblablement dans d’autres lieux de Corse, ils sont emblématiques du territoire rural. On les fêtait - San Martinu au mois de novembre - notamment en faisant des rogations pour faire pleuvoir. C’est un sujet d’actualité ! Santu Isidoru a été remis au goût du jour par la Venerabile Cunfraternita Santa Maria Madalena di Bunifazziu qui est la confrérie des jardiniers, des gens de la terre qui exploitaient le Piale. Je rappelle qu’il y a cinq confréries à Bunifazziu. Dans ces fameuses processions, on dit toujours : « E sempre l’urtima cum’a Madalena ». « Elle est toujours dernière comme Marie-Madeleine » parce que Sainte Marie-Madeleine est une sainte emblématique très présente dans les campagnes – sa grotte est à la Sainte-Baume – et ici à Bunifazziu. Elle était aussi fêtée à San Fiurenzu où elle est représentée. Ces personnages du monde chrétien ont accompagné la vie des communautés rurales en Corse. La toponymie, le fond légendaire, les traditions liées au partage et les ressources agroalimentaires en attestent, ce sont autant d’éléments historiques pour raconter le territoire.
 
- Comment s’articulent ces trois journées du vendredi 10 mai au dimanche 12 mai ?
- Ces journées ont été créées par la Venerabile Cunfraternita Santa Maria Madalena di Bunifazziu autour de la fête de Santu Isidoru de Madrid. Elles sont organisées autour de traditions et de chants puisqu’on entendra l’office en langue bonifacienne. Il y aura dimanche une procession des rogations vers le Bastion de l’Etendard. Nous travaillons sur le projet d’itinéraire d’A Via Sancti Martini en lien avec de nombreuses confréries de Corse et de nombreux territoires. Il y a quelques années, nous avons invité les confréries de Bunifazziu à y participer et nous les avons encouragées à organiser cette fête qu’ils ont eu l’idée de créer sur le sens du partage, comme nous le faisons pour la San Martinu à Patrimoniu. Elles ont donc élaboré ce programme. La Venerabile Cunfraternita a souhaité que la partie culturelle se fasse en collaboration avec le Festival di a ruralità. Le projet d’itinéraire, qui concerne le territoire, permet de redécouvir des pans entiers de cette histoire sur 1700 ans. Avant de savoir quelque chose, on ne le sait pas ! Cela commence à devenir intéressant parce que nous travaillons sur la connaissance de ces choses-là.
 
- Quel est l’intérêt ?
- D’abord de raconter différemment le territoire, de lui redonner une histoire qui peut être un vecteur pour les gens qui s’occupent de développement durable et de circuits courts. L’itinéraire San Martinu à Bunifazziu signifie la valorisation des producteurs du Piale. Il y a de nouveaux vignerons, des éleveurs, des apiculteurs, des productions artisanales. L’idée est de les valoriser pendant trois jours sur la thématique d’un saint agraire. Ces trois journées se terminent par la fête Pialinca qui est un moment de solidarité puisqu’elle intervient en soutien de l’association Inseme. Elle véhicule des valeurs de partage, d’échanges, de solidarité, de culture, des valeurs très corses de nos campagnes. C’est une fête paysanne. Ensuite au niveau des chants, nous travaillons sur des répertoires très anciens comme ceux que l’on va entendre vendredi soir à l’église San Dumè. Ces chants concernent le territoire de Bunifazziu et le Sud de la Corse et valorise les langues corses et bonifaciennes. C’est une richesse linguistique sur un si petit territoire au service du développement. Cela fait partie du monde d’aujourd’hui sur des problématiques de tourisme de demain. L’on viendra sur des territoires, pas seulement pour consommer, mais aussi pour échanger et mieux connaître ce territoire qui nous accueille. C’est le but d’A Via San Martinu qui prône un développement interculturel durable.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

La via Sancti Martini, Itinéraire culturel européen

Christian Andreani. Photo JBA.
Christian Andreani. Photo JBA.
L’itinéraire culturel européen de Saint Martin – A Via Sancti Martini – a l’ambition de partager la connaissance et les valeurs d’un personnage commun à toute l’Europe, Saint Martin, à travers un itinéraire de 2800 kilomètres qui retrace son parcours de Hongrie jusqu’en France en traversant 14 pays. 1700 ans après sa mort, les deux gestes forts qu’il a accomplis - le partage de son manteau avec un pauvre et le baiser à un lépreux – ont tellement marqué les mémoires que le Conseil de l’Europe l’a choisi comme personnage emblématique des valeurs européennes. San Martinu, patron des vignerons, est le chantre de la ruralité. C’est pour cela que chaque territoire le décline sous une forme locale.
 

Voici le programme