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L’Assemblée nationale vote un dispositif de zone de développement prioritaire pour la Corse


Nicole Mari le Jeudi 15 Novembre 2018 à 22:10

L’Assemblée nationale a adopté, jeudi soir, en première lecture, un amendement faisant de la Corse, une Zone de développement prioritaire (ZDP) avec des défiscalisations à la clé pour les TPE-PME. Cet amendement, présenté par le gouvernement dans le cadre des débats sur la prochaine Loi de finances, fait suite à une demande de l’Exécutif territorial concernant la mise en place d’une zone fiscale prioritaire de montagne et à une promesse du ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Le dispositif devrait être affiné en seconde lecture au Sénat. « C’est une avancée politique », explique, à Corse Net Infos, Jean-Félix Acquaviva, député de la circonscription de Corte-Balagne et président du Comité de massif de Corse.



Jean-Félix Acquaviva, député de la circonscription de Corte-Balagne et président du Comité de massif de Corse.
Jean-Félix Acquaviva, député de la circonscription de Corte-Balagne et président du Comité de massif de Corse.
- Qu’est-ce que cette Zone de développement prioritaire ?
- Le gouvernement s’est inspiré de nos proposition de zone fiscale prioritaire de montagne et de notre projet de statut social et fiscal de la Corse pour rédiger un amendement instaurant en Corse une zone de développement prioritaire sur une base de critères. La porte d’entrée juridique choisie, pour éviter la censure du Conseil constitutionnel, est que cet amendement ne s’adresse pas seulement à la Corse, mais à toutes les régions métropolitaines. Ceci dit, par l’application de critères cumulés, seule la Corse est éligible. D’ailleurs, cet amendement est présenté comme un amendement corse. C’est une avancée importante qui fait suite à la visite de Bruno Le Maire en Corse. Ce vote permet de montrer qu’il peut y avoir un chemin de co-construction entre la Corse et Paris.
 
- Quels sont les critères cumulés ?
- Ils sont de trois ordres. La région concernée doit faire partie des 30% des régions métropolitaines qui ont le taux de pauvreté le plus haut, des 30% qui ont le taux le plus haut des 15-24 ans sans formation et sans emploi, et des 30% qui ont la densité démographique au m2 la plus faible. Si une région cumule l’ensemble de ces contraintes, les communes, qui la composent, sont éligibles à la Zone de développement prioritaire.
 
- Quels sont les avantages de cette ZDP ?
- Cette zone permet des défiscalisations plus ambitieuses que celles accordées par la zone de revitalisation rurale (ZRR). Notamment des exonérations pendant 5 ans des impôts sur les sociétés et des exonérations pendant dix ans de taxes locales telles que la cotisation sur le foncier des entreprises (CFE) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Par exemple, concernant la CFE, la moitié de la valeur de la base nette serait prise en charge par l’Etat pendant sept ans, et de manière dégressive pendant les trois ans restants. Les communes et EPCI peuvent, par délibération, s’ils le veulent, prendre en charge l’autre moitié. Ce dispositif permet, in fine, de porter à 100% l’exonération de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAUE, CFE et TFPB).
 
- Quelles entreprises sont concernées ?
- Toutes les TPE/PME à activités industrielle et commerciale qui seront créées à partir du 1er janvier 2019. Par exemple, les meublés professionnels de tourisme et les entreprises touristiques sont éligibles à ce dispositif.
 
- Y-a-t-il d’autres différences par rapport à une zone de revitalisation rurale?
- Oui ! Les défiscalisations sont déplafonnées, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas soumises à la règle des De minimis. Alors que dans la zone de revitalisation rurale, l’exonération pendant dix ans, selon certains critères, de l’impôt sur les sociétés est plafonnée à 200 000 € sur 3 ans. Un autre élément intéressant est que, selon le type d’entreprise, sa dimension et son objet, celle-ci peut choisir d’être en zone de revitalisation rurale pour l’impôt sur les sociétés et en zone de développement prioritaire pour les cotisations locales, ou vice-versa.
 
- N’est-ce pas un manque à gagner pour les communes et EPCI ?
- Oui, mais cela concerne des entreprises en devenir qui n’existent pas encore sur le territoire ! Il y a un effet d’attractivité. Dans une zone rurale de montagne où il n’y a ni entreprise, ni TPE, cela ne coûte rien à une commune ou à un EPCI d’exonérer l’autre moitié des taxes d’une entreprise qui s’implante et crée des emplois. D’autant que ça n’impacte pas les recettes des communes sur les grandes entreprises comme EDF… De plus, l’amendement prévoit que la part de l’exonération de l’Etat sera compensée aux communes et aux intercos.
 
- Ce dispositif concerne-t-il toutes les communes rurales ?
- Justement ! Le gouvernement a défini un zonage unique. La région corse cumulant l’ensemble des contraintes, le dispositif s’applique sur l’ensemble des communes. Je regrette, pour ma part, que Bastia et Ajaccio soit traitées au même titre que Lozzi ou Taglio-Isolaccio. Nous souhaitons sous-amender pour exclure les Communautés d’agglomérations afin qu’elles ne puissent pas accorder d’exonération sur les 50% restants. Le but est créer un différentiel entre les agglomérations-ville et les territoires ruraux de montagne afin de résorber la fracture territoriale entre montagne et littoral. D’ici à sa présentation au Sénat début décembre, nous allons travailler à affiner le dispositif sur le zonage. Les députés Charles De Courson (Marne) et Serge Letchimy (Martinique) sont venus en appui sur ce point.
 
- Ce dispositif est-il suffisant par rapport à vos attentes sur la montagne ?
- Non ! Ce dispositif n’est pas suffisant, ni politiquement, ni économiquement, ni fiscalement. Loin s’en faut ! Ce n’est pas la zone fiscale de montagne telle que nous l’avons proposée. Néanmoins, c’est un acquis politique qui s’inspire de la zone fiscale de montagne et de la prise en compte du caractère rural et montagneux de la Corse. C’est un compromis intéressant qui crée un vrai avantage fiscal pour favoriser l’attractivité économique des territoires ruraux et de montagne. Il corrobore la discussion que nous avons eue au Parlement concernant les crédits d’impôts. D’un côté, on éteint des crédits d’impôts spéculatifs et, de l’autre, on les redéploye sur des fiscalisations et des crédits d’impôts productifs. Même si nous aurions souhaité que des exonérations de charges sociales et patronales soient intégrées au dispositif, c’est une avancée politique et économique par rapport à ce que la Corse a connu jusqu’à aujourd’hui.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.