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Italie-France maritime : Une Task Force pour développer des projets transfrontaliers


Nicole Mari le Mercredi 28 Mai 2014 à 22:33

Le programme Italie-France Maritime 2014-2020, financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER), est en cours d’élaboration. La Corse, la Toscane, la Ligurie et la Sardaigne, partenaires de ce programme sur la période 2007-2014, ont constitué, avec le Var et les Alpes maritimes, une Task Force pour bénéficier de cette aide, estimée à près de 169 millions €, sur les 6 prochaines années. Leurs représentants se sont réunis, mercredi en séminaire à Bastia, avec des porteurs de projets pour valider les besoins et les choix stratégiques de développement et recueillir des propositions d’action. Explications, pour Corse Net Infos, d’Emmanuelle de Gentili, présidente de l’office d’équipement hydraulique de Corse, conseillère exécutive en charge des affaires européennes et 1ère adjointe à la mairie de Bastia.



Laura Canale, directrice des affaires européennes et internationales de la Ligurie, Emmanuelle de Gentili, conseillère exécutive en charge des affaires européennes, et Stéphane Claisse, directeur adjoint du Pôle mer Méditerranée.
Laura Canale, directrice des affaires européennes et internationales de la Ligurie, Emmanuelle de Gentili, conseillère exécutive en charge des affaires européennes, et Stéphane Claisse, directeur adjoint du Pôle mer Méditerranée.
- Quel était l’objet de ce séminaire ?
- Il s’agissait d’aller dans le détail du futur programme Italie-France Maritime qui est un programme de coopération entre la Corse, la Sardaigne, la Ligurie, la Toscane, auxquelles s’ajoutent aujourd’hui le Var et les Alpes maritimes. Nous souhaitions avec les porteurs de projets et l’ensemble des représentants des régions partenaires définir plus finement les axes et les actions afin que le programme définitif corresponde aux attentes des porteurs de projets.
 
- Quels grands projets avez-vous retenus ?
- Plutôt que de projets, nous parlons d’axes qui peuvent correspondre à des attentes des territoires. Ils concernent la culture, le patrimoine, les ressources naturelles, la préservation de l’environnement, les risques majeurs, le changement climatique et, bien entendu, la compétitivité et l’emploi qui sont des axes majeurs de l’Union européenne. Ceux-ci peuvent se traduire par l’innovation dans tous les domaines : innovation sociale, dans la gouvernance…
  
- Avez-vous déjà identifié des actions concrètes à mener ?
- Nous ne sommes pas encore dans la concrétisation des projets, mais dans la définition du programme. Si nous étions au niveau des projets concrets, cela signifierait que le projet est fermé et pratiquement privatisé. Ce n’est pas l’objet de la collectivité qui doit donner le cap. L’Europe nous demande de concentrer les moyens pour être plus efficace. Plutôt que de saupoudrer le territoire, il faut identifier ses forces et ses faiblesses, mettre en avant ses forces et pallier ses faiblesses et ses carences. A partir de là, nous travaillons avec des porteurs de projets connus et d’autres nouveaux.
 
- Qui sont les nouveaux ?
- Nous avons beaucoup travaillé avec les agences et offices. Aujourd’hui, le monde économique demande à participer à nos partenariats avec l’Italie et le Sud de la France. Nous devons entendre ces demandes et mettre en œuvre de nouveaux projets.
 
- Ce type de coopération et de projets partagés est-ce un moyen de faciliter l’obtention de crédits européens ?
- L’idée est d’essayer d’identifier les bonnes pratiques de part et d’autre de la Méditerranée pour avancer plus vite dans l’appropriation de certaines problématiques. Nous voulons être dans le concret. Mais, être efficace dans tous les domaines n’est pas évident pour des insulaires. Etablir un partenariat avec la Ligurie ou la Toscane, qui ont un passé, une histoire et un potentiel de développement économique, peut s’avérer très intéressant en matière de tourisme et d’économie. Nous essayons de valoriser ce genre d’initiatives.

- Ce partenariat peut-il améliorer les dessertes maritimes et aériennes de la Corse ?
- Nous avons travaillé avec la Commission pour essayer de financer une ligne publique aérienne. Nous avons essuyé un refus car le fonctionnement de cette ligne ne serait pas éligible au programme transfrontalier. Par contre, la Commission est favorable à ce que nous étudions les moyens à mettre en œuvre pour constituer un GECT (Groupement européen de coopération territoriale) qui permettrait de gérer le développement d’une future ligne aérienne.
 
- Seulement 300 000 Corses face à plus de 6 millions d’Italiens. N’est-ce pas compliqué pour la Corse de défendre ses projets face au poids des Italiens ?
- Oui ! Ce fut très difficile. Cela l’est toujours. Nous avons réussi, grâce à notre expérience et à notre statut d’autorité nationale, à nous faire entendre et à défendre nos projets. Mais il y a un déséquilibre évident en termes de capacité à répondre à nos attentes puisqu’un opérateur ne peut pas mener trois ou quatre projets à la fois dans l’île sur la période. Six millions d’habitants attirent beaucoup plus de porteurs de projets différents. C’est pourquoi nous avons saisi la possibilité d’élargir le partenariat français avec beaucoup de vigilance, malgré la crainte d’être marginalisé ou enfermé dans un programme qui n’aurait été qu’insulaire.
 
- C'est-à-dire ?
- Notre besoin porte, à la fois, sur la relation avec les autres îles, mais aussi sur le lien avec les régions littorales. Nous avons bataillé avec l’aide de la Datar et de l’Etat qui a été un partenaire très actif pour soutenir les revendications de la Corse. Nous n’avons accepté de faire rentrer dans ce programme que les régions ayant un réel enjeu à entamer un partenariat : le Var et les Alpes maritimes. Intégrer complètement la région PACA aurait été une erreur.
 
- Pourquoi ?
- Nous avons déjà un partenariat avec la région PACA sur les lignes de transport aérien et maritime. Nous travaillons économiquement avec Marseille. Si de nouveaux efforts devaient être faits, il est important pour nous qu’ils le soient en direction de régions avec lesquelles nous n’avons pas de partenariats institutionnels.
 
- L’entrée du Var et des Alpes maritimes peut-elle remettre en cause le statut d’autorité nationale que possède la Corse ?
- C’est l’objet de nos négociations. Nous avons demandé plusieurs choses. Primo, de rester autorité nationale car les autres régions ont d’autres dispositifs et programmes dans lesquels elles ont des compétences. Nous avons fait valoir que, dans l’ingénierie de projets et la gestion de programmes, la Corse avait besoin de développer des compétences. Je dirais même d’un transfert de compétences vers notre île. Je crois que nous avons été entendus. Deuxio, nous avons demandé que l’enveloppe financière, qui pourrait être allouée à la Corse, soit équivalente aux enveloppes antérieures afin que nos porteurs de projets disposent de ressources pour continuer ou développer de nouveaux projets.
  
- Vous avez identifié cinq filières (tourisme, nautisme, biotechnologies, énergies renouvelables et nanotechnologies). Allez-vous focaliser les projets sur ces cinq filières ?
- Oui. Effectivement. De manière générale, l’Europe demande qu’on concentre et qu’on spécialise. Nous avons monté une Task Force avec les représentants de tous les porteurs de projets et de toutes les collectivités participantes pour échanger et définir, ensemble, les domaines d’intérêt inter-régional. Ce qui peut nous rapprocher, permettre l’échange de compétences, de savoir-faire et, surtout, le développement économique.
 
- Quel est le plus grand défi que la Corse doit relever par rapport à cette programmation ?
- C’est d’arriver à vraiment travailler sur le contenu des projets plus que sur le partage des enveloppes. L’important pour la Corse est d’obtenir des résultats, des indicateurs favorables en termes de création d’emplois et de dégagement de richesses pour le territoire plus que de dire que nous avons obtenu tant de millions d’euros.
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Laura Canale, Directrice des affaires européennes et internationales de la Ligurie.
Laura Canale, Directrice des affaires européennes et internationales de la Ligurie.
Laura Canale : « Travailler ensemble sur le développement touristique et l’innovation »

Directrice des affaires européennes et internationales de la Ligurie, Laura Canale participait au séminaire de coopération transfrontalier en tant que porteur de projets.
 
« Nous entamons la huitième année de coopération avec la Corse, la Toscane et la Sardaigne. Ce programme européen est un peu une usine à gaz. Chaque fois que j’en ai l’occasion, je cherche à proposer des partenariats et des possibilités de projets. C’est mon but majeur. Je suis venue à Bastia présenter les réalisations de la Ligurie et engager une approche territoriale pour créer de nouvelles entreprises et de l’innovation, aussi dans l’administration. Je travaille surtout à essayer d’agglomérer les communes. En France, les agglomérations, les communautés de communes sont imposées par la loi. En Italie, ce n’est pas le cas. J’essaye, donc, de les regrouper autour de projets de développement. La Ligurie est presque la seule région italienne à avoir inclus, dans la future programmation, la nécessité de faire du développement économique avec tous les moyens de financement possibles et avec la coopération. Je cherche des territoires qui ont des problèmes, des points de force et de faiblesse similaires pour travailler ensemble sur le développement touristique, l’innovation et la création de nouvelles entreprises ».