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ENTRETIEN. Laurent Marcangeli : "j'ai pu mener en toute liberté mes mandats sans subir aucune pression"


Naël Makhzoum le Samedi 8 Octobre 2022 à 17:32

A l'occasion du premier comité municipal du parti Horizons organisé à Ajaccio ce samedi 8 octobre, Laurent Marcangeli, président des députés Horizons & apparentés à l'Assemblée nationale et référent régional du parti, a réuni ses adhérents au Grand Café Napoléon. Aux côtés d'Antoine Maestrali, délégué municipal de la ville et de Stéphane Sbraggia, maire d'Ajaccio, le parlementaire a présenté les grandes lignes de la politique d'un parti "de droite modérée".
Au lendemain de la cosignature d'un texte réclamant la libération de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi pour reprendre les discussions sur l'avenir de l'île, il a aussi réaffirmé sa position sur les questions corses. "Je ne veux pas de violences dans les rues", a-t-il clamé en appelant au dialogue.
Entretien



Laurent Marcangeli, Antoine Maestrali, délégué municipal de la ville et Stéphane Sbraggia, maire d'Ajaccio
Laurent Marcangeli, Antoine Maestrali, délégué municipal de la ville et Stéphane Sbraggia, maire d'Ajaccio
Corse Net Infos : - Après le refus en appel de la semi-liberté conditionnelle de Pierre Alessandri et le report consécutif de la visite du ministre de l'Intérieur, les 21 élus membres du comité stratégique pour l'avenir de la Corse qui négocie avec le gouvernement, ont signé un texte commun (à l'exception de Corsica Libera) demandant solennellement à l'État la libération de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi pour reprendre le processus en cours. Vous avez signé ce texte, quel regard portez-vous sur les discussions concernant l'autonomie ?
Laurent Marcangeli : - Ce que j'ai toujours dit, c'est que l'autonomie ne doit pas être considérée comme un gros mot. C'est un type d'organisation qui peut prendre différentes formes. Il y a des modèles ibériques comme les îles Canaries, les Açores au Portugal, des modèles italiens très proches de nous comme la Sardaigne ou la Sicile, des modèles plus lointains dans d'autres îles hors Méditerranée et un modèle français avec des départements et territoires d'outre-mer comme la Polynésie française ou la Nouvelle-Calédonie, qui ont des formes d'organisation politiques et administratives particulières.
 
Je veux qu'on aille au fond, qu'on arrête un modèle et la représentativité politique à travers les modes de scrutin. Ce sont des questions que j'ai mis sur la table, qui doivent être débattues et tranchées. Et puis, il y a aussi les projets structurants en matière de vie quotidienne des Corses. Les déchets, par exemple, je crois que c'est une urgence que nous devons et pouvons traiter chez nous mais aussi en discussion avec l'État car des financements devront être mis sur la table.
 
- Le maintien du dialogue est nécessaire pour vous ?
- Bien sûr, c'est indispensable. On ne peut pas s'arrêter maintenant. On a débuté il y a quelques semaines. Si demain, nous prenons la décision de ne plus discuter, je ne sais pas combien de temps il faudra pour qu'on puisse recommencer à le faire. Il va falloir faire preuve d'une très grande maturité politique, de résilience, de patience et faire les choses dans l'intérêt du peuple et de l'avenir. Hier, je me suis exprimé avec mes collègues et j'ai dit ce que je pensais devoir faire. Je crois que le dialogue est un impératif et pas une commodité. C'est quelque chose qu'il faut que nous poursuivions dans le sens des intérêts de la Corse.
 
- Le gouvernement n'a guère tenu jusqu'à présent ses promesses sur la Corse qui reste très défiante à son égard. Pensez-vous que ça pourrait changer et pourquoi ?
- Je suis un optimiste et je suis amené à rencontrer notamment la Première ministre plusieurs fois par semaine et à plaider les dossiers de la Corse lorsque je considère qu'ils vont dans le bon sens. Et ce, même s'ils sont portés par des personnes politiques qui ne sont pas du même bord que moi. Le Président de l'exécutif peut et doit souvent faire des propositions qui vont dans le sens de l'intérêt général et si c'est ce que je pense, je le défendrai. Peut-être que ma présence peut aider.
 
Je ne suis pas là pour être dans le fatalisme. En Corse comme ailleurs, on a souvent un peu de pessimisme systémique : avant même que ça n'ait raté, on pense que ça ne va pas marcher. C'est vrai qu'on a une histoire qui est là pour nous rappeler que c'est pas simple. L'État a aussi parfois tenu parole, ça lui est arrivé de faire de belles choses pour la Corse. C'est plutôt de ce côté-là que j'essaie de regarder.
 
Je pense qu'à l'avenir, il faut faire en sorte que l'État fasse du mieux possible mais aussi que la Corse fasse bien, parce que parfois, l'île n'a pas été au rendez-vous. Ce n'est pas forcément que depuis que les nationalistes sont aux responsabilités mais aussi depuis qu'ils y sont. Il faut faire la part des choses et tout le monde doit se mettre à la hauteur des enjeux, des attentes et de ce rendez-vous qui concerne l'avenir.
 
- Au sortir de ce premier comité municipal d'Horizons à Ajaccio, quels sont pour vous les axes de réflexions principaux ?
- J'ai plein d'idées à faire valoir et je les réserve pour le comité qui se réunira en présence du ministre de l'Intérieur. Je veux parler de ce qu'est l'autonomie et de quelle forme elle peut prendre demain, éventuellement avec mon soutien. Et ce qu'elle ne devrait pas être parce que nous ne sommes pas totalement d'accord avec le Président de l'exécutif sur la question.
 
Il y a également les projets que nous devons porter pour la Corse. Ce n'est pas comme si aujourd'hui, nous étions totalement tirés d'affaire sur l'énergie, l'hydraulique, les transports, le développement économique, la formation professionnelle, la culture, la langue, ce qu'est être Corse aujourd'hui et en 2050. J'ai toujours défendu une certaine conception de la vie publique et une certaine volonté de voir la Corse s'inscrire dans tel ou tel processus. Ce n'est pas en devenant député et président d'un groupe parlementaire que je vais abdiquer mes idées et encore moins ne pas me positionner.
 
- Quels sont les objectifs et enjeux pour la Corse ?
- Définir une position, une stratégie, une doctrine en tant qu'Horizons, parti qui a des élus à l'Assemblée Nationale, des élus locaux comme le maire d'Ajaccio et son premier adjoint. Nous sommes en capacité, modestement mais avec certitude, de participer aux débats qui ont lieu et à faire entendre notre position, nos sentiments sur ce que nous voulons pour le devenir de la Corse et de ses enfants. 
 
- La ville d'Ajaccio et la CAPA sont sous le coup d'une enquête de la JIRS qui a saisi plusieurs dossiers. De quoi s'agit-il et dans quel état d'esprit êtes-vous ?
- Je n'en ai aucune idée, je l'apprends parfois en lisant la presse. Les enquêteurs ont fait comme souvent une incursion à la CAPA et à la ville. Je n'ai pas vocation à commenter quelque chose dont je n'ai pas totalement connaissance. Mais plus largement, je suis totalement serein. J'ai passée huit années à servir la ville d'Ajaccio et la CAPA. J'entends beaucoup de commentaires mais je sais comment les choses se sont déroulées durant mon mandat. Je suis prêt à le dire et le redire à ceux qui se posent des questions et qui sont autorisés à le faire : les juges et les enquêteurs. Pour l'instant, je n'ai pas été convoqué mais si on me demande des explications sur tel ou tel sujet, je le ferai sans rien cacher. Tout a été fait dans le respect des législations et des réglementations. 
 
- Vous n'avez aucune idée des sujets qui pourraient être concernés ?
- Non, j'ai lu le journal comme tous aujourd'hui. Il y a des choses qui ont été prises en rapport avec des permis de construire qui sont passés devant le conseil municipal. Si vous voulez dissimuler quelque chose, il y a des moyens de faire moins publiques et moins démocratiques qu'un passage en conseil municipal avec des médias présents... En ce qui me concerne, j'ai toujours pris les décisions après avoir consulté les avis politiques et techniques et été conseillé par des avocats. Quand on prend des décisions pour une collectivité, on peut être amenés à commettre des fautes sans avoir l'intention d'en commettre donc on doit être accompagnés.
 
En revanche, pour ceux qui se posent des questions sur des porosités ou des pressions, je réaffirme que j'ai pu mener en toute liberté mes mandats sans subir aucune pression.
 
Propos recueillis par Naël Makhzoum

Laurent Marcangeli. Photo Michel Luccioni
Laurent Marcangeli. Photo Michel Luccioni