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Ajaccio : Notre Dame du Mont Carmel fêtée à la Chapelle des Grecs


José Fanchi le Lundi 16 Juillet 2018 à 21:32

Sur le front de mer d’Ajaccio, cours Lucien Bonaparte, subsiste Notre-Dame-du-Mont-Carmel, plus populaire sous le nom de Chapelle des Grecs. En dépit de son nom, cet oratoire a une histoire bien plus riche que son attachement au destin des Grecs en Corse. La chapelle est aussi très importante au cœur des Ajacciens qui s’y rendent régulièrement, comme hier soir, pour la messe de Notre Dame du Mont Carmel



Ajaccio : Notre Dame du Mont Carmel fêtée  à la Chapelle des Grecs
Le souvenir d’Armand Berthault, industriel qui avait légué à Ajaccio un splendide jardin dans le quartier, est encore dans la mémoire de quelques vieux ajacciens. Le parc Berthault est devenu une grande résidence où les traces de l’ancien jardin à la végétation luxuriante persistent encore. Près du grand jardin, la Chapelle des Grecs a mieux résisté à l’usure du temps. Tous les dimanches matin, à 9 heures, la messe y est dite, une façon comme une autre de convier à notre mémoire tous ceux dont la vie en habita le site. Longtemps abandonnée, l’édifice a été rendu au culte en 1972 et c’est le tricentenaire de l’arrivée des Grecs qui poussa en 1975 d’importants travaux de rénovation.


Une vierge noire
Notre-Dame-du-Mont-Carmel possède une histoire. Elle remonte très probablement  à l’époque de l’évangélisation de l’Île qu’on a attribuée à Saint Paul. Le site de la Chapelle devait être occupé par un oratoire qui a fait place à édifice chrétien à l’intérieur duquel se trouvait  une Vierge Noire. Il est orienté vers le soleil levant. Très vite, il est intégré dans le dispositif de défense de la ville contre les Maures…


Les Grecs de Paomia
A la fin du 17ème siècle, la Chapelle des Grecs a été mise à la disposition de la colonie grecque de Paomia (ancien village proche de Cargèse) qui, sous la menace des bergers de Vico, avaient du se réfugier à Ajaccio. Pour cette raison, elle est restée la « Chapelle des Grecs », même si à l'heure actuelle plus aucun rite orthodoxe n’y est pratiqué. Joseph Bonaparte, dans ses mémoires se rappelle y être venu avec son petit frère Napoléon. « Nos promenades avec Napoléon se prolongeaient sur le rivage de la mer, bien au-delà de la chapelle des Grecs, en côtoyant un golfe aussi beau que celui de Naples…» Une plaque placée sur l’un des murs de l’édifice rappelle l’anecdote.

La maison du vieil ermite…
Vers 1630, Pascal Emile Pozzo di Borgo, commandant de la garde du Pape à Rome, décide de restaurer l’édifice qui déjà est lié au Mont Carmel sous le nom de Madonna del Carmine. Depuis le Moyen-Âge, c’était un sanctuaire à la fois champêtre et marin, situé dans le maquis et face à la mer. Il abritait un ermite qui était parmi les premiers à sonner l’alerte dès qu’une voile suspecte surgissait à l’horizon.
Un siècle plus tard, le lien avec le Mont Carmel est oublié et l’édifice prend en 1732 le nom de Chapelle des Grecs. Une communauté de Chrétiens d’Orient, les Maïnotes avaient en effet décidé de fuir le sud du Péloponnèse et les exactions ottomanes et, après un passage par Gènes, ils avaient abordé la Corse en 1676. Refusant de se dresser contre leurs bienfaiteurs génois, les Grecs durent se réfugier précipitamment à Ajaccio en 1731. Les 750 grecs furent bien accueillis par les Ajacciens si bien qu’ils comptèrent des élus comme un podestat sous Louis XV et des maires comme Nicephore après la Seconde Guerre Mondiale.  Leur importance fit que San Rucchelu leur fut rapidement trop petite. Notre-Dame-du-Mont-Carmel leur fut attribuée. Elle ne servait alors plus que de lieu de funérailles pour les Leca de Vico. Seule la statue de la Vierge Noire fut laissée aux Grec. Installant des souvenirs de leur douloureux exil dans l’église, les Grecs continuèrent cependant de s’intégrer de mieux en mieux. La Chapelle était devenu un lieu grec d’Ajaccio, un point central de cette communauté qui ne reniait ni ses origines, ni sa terre d’accueil. Ce n’est qu’en 1775 que la Chapelle fut rendue au rite catholique et à ses propriétaires, les Leca de Vico. Son appellation de Chapelle des Grecs montre qu’on en a retenu que ce qui avait fait son originalité pendant quelques années. Elle fut plus que cela : chapelle maritime, elle abrita aussi des ex-voto et elle fut même considérée comme la patronne des pêcheurs de corail.
Les Ajacciens continuent de l’appeler chapelle des Grecs ou A Madona di i Carmini ou simplement I Carmini.
La messe a été célébrée par le Père Olivier Mesana, du Sacré Cœur, en présence de Mme Simone Guerrini, représentant le maire d’Ajaccio. 
Plus d’informations et de photos dans l’ouvrage à paraître « Aiacciu, lochi di mimoria » 
J. F.