Corse Net Infos - Pure player corse

À Bonifacio, la construction de résidences secondaires bientôt interdite


le Mardi 29 Avril 2025 à 18:59

Alors qu'en octobre dernier, le conseil municipal de Bonifacion arrêtait son projet de Plan Local d’Urbanisme, avant l'adoption définitive du document le maire, Jean-Charles Orsucci a décidé de profiter de la possibilité d'instaurer une servitude de résidence principale dans le document d'urbanisme, ouverte par la récente loi Le Meur. La cité des falaises devrait de facto devenir la première commune corse à interdire la construction de nouvelles résidences secondaires sur son territoire.



À Bonifacio, la construction de résidences secondaires bientôt interdite
C'est un ersatz  de statut de résident qui ne dit pas son nom. Avant l'adoption de son Plan Local d'Urbanisme (PLU), dont le projet a été arrêté le 24 octobre dernier, le conseil municipal de Bonifacio a récemment décidé de profiter d'une disposition de la loi Le Meur, en vigueur depuis novembre 2024, qui ouvre la possibilité de réserver les zones urbanisées restantes sur le territoire aux résidents de la commune.

Pour rappel, l'élaboration du PLU de Bonifacio s'était faite dans un contexte contrait par l’application de nombreuses normes. « Sur les 14 000 hectares que compte Bonifacio, 97 % du territoire est classé en zone agricole ou naturelle. Dans les 3 % qui restent, 1,5 % à 2 % sont déjà construits », explique le maire, Jean-Charles Orsucci en rappelant en parallèle : « Un de mes engagements forts de 2020 était d'avoir un PLU respectueux des lois et règlements ». Dans le droit fil du Plan d’Aménagement et de Développement Durables (PADD), le projet de PLU devait également s’astreindre à « assurer la préservation environnementale de Bonifacio en tenant compte des enjeux liés à la fréquentation touristique », « conforter la qualité de vie bonifacienne tout en anticipant la croissance démographique d’ici 2035 », ou encore « développer l’activité économique de manière équilibrée dans le temps et l’espace ». Le tout renforcé par l’urgence d’adopter un nouveau PLU faute de quoi « en 2027, plus un seul permis ne pourra être délivré sur la commune ». Un exercice dans lequel le conseil municipal était parvenu à trouver des équilibres.
 
Mais après la communication de ce projet de PLU aux personnes publiques associées, l’adoption de cette loi dite Le Meur,  est toutefois venue rebattre un peu les cartes, en ouvrant la possibilité d’instituer une servitude de résidence principale dans le PLU d’une commune. Un élément capital dans pour la cité des falaises, frappée de plein fouet par la spéculation foncière. « Nous avons choisi de mettre en place cette servitude de la loi Le Meur, c’est-à-dire d’interdire la construction de nouvelles résidences secondaires, sur l’entièreté des zones constructibles de Bonifacio », pose ainsi Jean-Charles Orsucci en notant que dans le projet initial figuraient déjà des mesures incitatives allant dans ce sens. « J'avais limité à 200 m² la taille des maisons pour favoriser la maison principale. Il y avait déjà des éléments réglementaires, cartographiques, qui permettaient de favoriser le logement permanent. Avec l’application de la servitude la loi Le Meur, on espère donner un coup d'accélérateur à cela », indique-t-il. 

Une fois son PLU adopté, Bonifacio devrait ainsi devenir la première commune corse, et la deuxième de France après Chamonix, à interdire la construction de toute nouvelle résidence secondaire sur son territoire. Le tout sans attendre le tant espéré statut d'autonomie. « Il n'y a pas de défiance envers les résidences secondaires. Nous savons tout ce que ça a pu apporter au développement économique de Bonifacio, mais quand on est aux responsabilités d'une commune comme la mienne, on doit toujours trouver des équilibres. Or, l'équilibre sur la commune de Bonifacio n'existe plus », tient à souligner Jean-Charles Orsucci en déroulant : « En France, la moyenne nationale de résidences secondaires dans une commune est de 10 %. En Corse, elle est autour de 30 %. À Bonifacio, il est à plus de 65 %. Outre le déséquilibre démographique, il est prouvé que quand on arrive à des déséquilibres aussi importants, on s'achemine tout droit vers un déclin économique ».
 
Mais s'’il estime que l’application de servitude de résidence principale est aujourd’hui la meilleure voie pour la commune, le maire de Bonifacio reconnait toutefois : « Personne ne sait quelle va vraiment être sa répercussion sur le marché de l'immobilier. Il y a aujourd'hui une part d'inconnu, mais un PLU est valable pour 10 ou 15 ans. On se reverra pour faire un point dans 5 ans pour savoir comment l'application de cette loi a eu des répercussions qu'on espère positives pour le territoire ».
 
Plus loin, pour Jean-Charles Orsucci, la mise en place d’une telle mesure est l’aboutissement d’un long combat. « Avec mon adjoint en charge de l’urbanisme Patrick Tafani, nous rêvions d'avoir une loi qui permette au maire de pouvoir décider si les nouvelles constructions devaient être des résidences principales ou secondaires dans les zones à urbaniser. Cela fait des années que l’on militait pour cela », dévoile-t-il en ajoutant : « Il y a trois ans, en tant que secrétaire général adjoint de l'Association nationale des élus du littoral, lors de notre assemblée générale, j'avais demandé à Dominique Faure, à l'époque ministre des collectivités locales, de porter une loi de ce type pour que les zones tendues puissent disposer d’un tel outil. Pour moi, c'est un vieux combat qui aujourd'hui a donc été emporté. J'ai été content que ce soit une députée Renaissance qui ait porté cette loi. Tout comme je me réjouis du soutien de l'État et notamment de celui du président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, qui m'avait encouragé à mettre en place la loi Le Meur et indiqué que cela renverrait un message politique fort en amont de la CTPENAF ».  
 

Jean-Charles Orsucci et la députée Renaissance Annaïg Le Meur, à l'origine de la loi permettant d'instaurer une servitude de résidence principale dans le PLU des communes. (Photo : DR)
Jean-Charles Orsucci et la députée Renaissance Annaïg Le Meur, à l'origine de la loi permettant d'instaurer une servitude de résidence principale dans le PLU des communes. (Photo : DR)
Assurant que « tous les conseillers municipaux, quel que soit leur engagement politique, ont été d'accord pour qu'on mette en place cette servitude de résidence principale dans le PLU », le maire de Bonifacio annonce ainsi que sur le dernier pourcent de terres constructibles de son territoire, il mettra en place dans son PLU « l'obligation de ne laisser construire que de la maison principale, de l’hôtellerie et de la maison pour des saisonniers ou des résidences sociales ». Cependant, il affirme dans le même temps que la pression foncière ne peut toutefois être contenue par cette seule mesure. « J’avais milité pour qu'il y ait la possibilité d'avoir une taxe sur les résidences secondaires que j'ai appliquée sur ma commune. J’ai mis en place aussi une politique beaucoup plus drastique sur ce qu'on appelle communément le AirBnB. Je suis aussi en train d'encadrer ce mode de fonctionnement », détaille-t-il en indiquant également que la commune travaille sur la mise à disposition de logements sociaux pour les foyers les plus modestes.  « Je mène déjà le rachat de foncier dans la vieille ville de Bonifacio pour y construire du logement social. J'ai mis des moyens importants, la commune achète elle-même des logements qu'elle va remettre en état pour les mettre à disposition des Bonifaciens à l'année », dévoile-t-il. 
 
Par ailleurs, la dimension agricole a également été considérablement renforcée dans le projet de PLU arrêté à l’automne dernier. « Le PLU de 2006 comprenait à peu près 1200 hectares de zones agricoles. Dans le plan arrêté en 2024, nous sommes à plus de 5000 hectares agricoles. Nous avons multiplié par 4 le nombre de terrains agricoles », insiste le maire. « Sur les espaces stratégiques agricoles, le Padduc prévoit que la commune de Bonifacio doit avoir à peu près 1158 hectares agricoles sur son document. Nous serons aux alentours de 10 % voire plus d’hectares supplémentaires d'Espaces Stratégiques Agricoles », ajoute-t-il. Grâce à l’élaboration d’un DOCOBAS par la Chambre d’Agriculture, ces fameux ESA ont en effet pu être précisés, à l’issue d’un travail de terrain et d’une concertation avec les agriculteurs locaux. En outre, près de 100 hectares supplémentaires ont été identifiés par rapport aux exigences du Padduc. Enfin, la protection des espaces proches du rivage et des espaces remarquables figure aussi parmi les priorités du projet. « Nous respectons les espaces proches du rivage et nous allons revenir quasiment à la ligne du Padduc concernant ces espaces. Il en est de même sur les espaces remarquables », affirme Jean-Charles Orsucci.
 
Afin d’être opposable, le projet de PLU doit encore franchir plusieurs étapes avant son adoption définitive. « Le passage en CTPENAF aura lieu le 26 mai », indique le maire, qui espère lever d’ici là « un malentendu sur la lecture des cartes de la part de la chambre d'agriculture ». Suivront l’enquête publique, puis l’adoption définitive, espérée pour septembre. À partir de quoi, plus aucune nouvelle résidence secondaire ne devrait sortir de terre dans la cité des falaises.