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Gilles Simeoni : « Les accusations contre Yvan Colonna ne sont qu'un prétexte »


Nicole Mari le Samedi 13 Juillet 2013 à 17:26

Yvan Colonna a été « baluchonné », vendredi matin, ce qui veut dire, en argot carcéral, transféré brutalement sans prévenir, de la centrale d’Arles, où il était incarcéré, au centre pénitentiaire de Réau. La Chancellerie médiatise ce « transfèrement par précaution » et le justifie par une suspicion d’évasion à l’explosif ! Ce que nie totalement Yvan Colonna qui, en protestation, fait la grève de la faim. Gilles Simeoni, un de ses avocats, explique, à Corse Net Infos, que ces accusations ne sont qu'un prétexte pour maintenir Yvan Colonna sous le statut de DPS, détenu particulièrement signalé, et empêcher son éventuel transfert à la prison de Borgo.



Gilles Simeoni, un des avocats d'Yvan Colonna.
Gilles Simeoni, un des avocats d'Yvan Colonna.
- Comment Yvan Colonna réagit-il à son transfert et à la suspicion d’évasion dont on l’accuse ?
- Yvan Colonna conteste totalement cette accusation. Il a téléphoné à sa famille pour l’avertir qu’il commençait une grève de la faim pour protester, à la fois, contre le transfèrement et contre l’accusation.
 
- Que pensez-vous de ces accusations ?
- Le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire ont communiqué sur ce transfèrement et son motif allégué. A partir du moment où ils ont fait le choix de médiatiser cette accusation gravissime, il faut qu’ils aillent au bout de leur démarche et donnent les éléments sur lesquels elle repose, si tant est qu’ils existent ! Soit ils communiquent ces informations publiquement, soit ils ouvrent une information judiciaire… Et, on verra bien si leurs dires reposent sur des éléments sérieux ou, au contraire, sur des éléments purement fumeux, voire inexistants ! Aujourd’hui, je privilégie cette deuxième hypothèse.
 
- Pourquoi monter de telles accusations, si elles sont fausses ?
- Ces accusations participent, très certainement, de l’acharnement mis en œuvre contre Yvan Colonna depuis dix ans, que ce soit dans le cadre de sa détention ou de son procès. Un acharnement judiciaire en relation avec la logique de raison d’Etat que nous dénonçons de façon constante. Il y a, aussi, une raison plus directe. Après avoir été placé pendant deux ans à l’isolement total, Yvan Colonna a conservé son étiquette de DSP, Détenu particulièrement signalé, alors même qu’aucun élément objectif ne le justifie.
 
- Que signifie cette étiquette ?
- Elle a pour conséquence de faire endurer à Yvan Colonna un régime de détention plus strict que le régime de droit commun et, surtout, d’interdire son transfèrement à la prison de Borgu. Nous avons contesté ce régime de DSP, comme cela est possible au plan juridictionnel. D’abord, devant l’administration pénitentiaire qui l’a reconduit. Nous avons, alors, introduit un recours devant le Tribunal administratif qui devrait statuer au troisième trimestre 2013, en septembre ou en octobre.
 
- Ce recours a-t-il, selon vous, motivé l’accusation de suspicion d’évasion ?
- Comme je l’ai dit, le grief qui permet de maintenir Yvan Colonna en régime de DPS ne repose sur aucun élément objectif. L’accusation de suspicion d’évasion vient, opportunément, donner une consistance, réelle ou supposée, à la justification du régime particulier de détention dont il fait l’objet. La ficelle est un peu grosse !
 
- Cela empêcherait-il également son éventuel transfert à la prison de Borgo ?
- Oui. Mais, au delà du cas Colonna, ce prétexte de suspicion d’évasion risque d’être invoqué par l’administration pénitentiaire chaque fois que des détenus politiques corses demanderont à rentrer en Corse. Ils pourraient obtenir le transfèrement en application des règles de droit commun auxquelles on opposera cette suspicion d’évasion comme prétexte juridique pour ne pas les laisser rentrer.
 
- En tant qu’avocat d’Yvan Colonna, quels recours envisagez-vous ?
- Nous allons, d’abord, aller chercher des informations. Mais, il faut savoir qu’au niveau du droit disciplinaire carcéral, la décision de transfèrement est discrétionnaire, il n’y a, donc, aucune manière de la contester. Le ministère de la justice et l’administration pénitentiaire auraient pu transférer Yvan Colonna sans le dire publiquement, ni le justifier. Ce qui signifie bien que le choix de médiatiser son transfèrement est un choix politique, un choix de communication. Justifier ce transfèrement en disant qu’il y a « suspicion d’évasion par explosifs » est un choix encore plus politique ! C’est, encore une fois, un moyen de distiller dans l’opinion publique qu’Yvan Colonna est quelqu’un de dangereux et de potentiellement relié à des faits de nature criminelle, de délinquance ou de terrorisme organisé. C’est particulièrement pernicieux !
 
- Ne pouvez-vous donc rien faire ?
- Du moment que l’administration a fait le choix de porter ces éléments devant l’opinion publique, une information judiciaire va être ouverte. Il est impensable qu’il en soit autrement ! A ce moment-là, on verra bien si l’accusation repose ou pas sur des éléments concrets. Je pense, pour ma part, qu’il n’y en a aucun !
 
Propos recueillis par Nicole MARI