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Conférence sociale : L’économie et le social au cœur des négociations entre la Corse et l’Etat


Nicole Mari le Lundi 23 Mai 2022 à 22:19

La conférence sociale, mise en place en 2018 par la Collectivité de Corse, pour répondre à la crise des gilets jaunes et à la précarité grandissante dans l’île, s’est, de nouveau, réunie, lundi après-midi à Bastia, à l’initiative du Président de l’Exécutif et des Présidentes de l’Assemblée de Corse et du CESEC. L’objectif était de sonder les représentants institutionnels, syndicaux et sociaux, qui ont tous répondu à l’appel, sur la nécessité d’intégrer la question économique et sociale dans le processus de négociation entre la Corse et l’Etat. Côté politique, seuls les élus de la majorité territoriale étaient présents. La réponse a été uniment favorable. A également été actée, dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d’achat, annoncé par le gouvernement pour fin juin, la demande d’une adaptation législative afin d’obtenir rapidement des mesures spécifiques à la Corse. Explications pour Corse Net Infos du Président de l’Exécutif, Gilles Simeoni.



La conférence sociale réunie à l'Hôtel de Région à Bastia.
La conférence sociale réunie à l'Hôtel de Région à Bastia.


- Quel était l’objectif de cette nouvelle réunion de la conférence sociale ?
- La Conférence sociale pour le respect des droits fondamentaux des citoyens de Corse dans le domaine économique et social a été lancée en 2018 à l’occasion de la crise dite des gilets jaunes, afin de traiter les problèmes majeurs qui touchent au quotidien l’ensemble des Corses, frappant au premier chef celles et ceux qui se trouvent en situation de précarité et de pauvreté. Le premier objectif de cette nouvelle réunion était de réaffirmer solennellement la nécessité d’intégrer un volet social et économique dans le processus de négociation « à vocation historique », selon la formule consignée dans le document que j’ai signé et co-signé avec Gérald Darmanin. Ce qui n’est pas acquis aujourd’hui ! Aussi la conférence sociale a-t-elle redit aujourd’hui à l’unanimité qu’à côté des volets politique, institutionnel, culturel, et linguistique, il fallait impérativement un volet économique et social.
 
- C’est du long terme. Vous avez également acté des mesures de court terme à intégrer dans le futur projet de loi sur le pouvoir d’achat. De quoi s’agit-il ?
- La deuxième décision, qui a été votée à l’unanimité par la Conférence sociale aujourd’hui, est de mettre en place un groupe de travail dédié pour demander, en application du principe d’adaptation législative, que le futur projet de loi consacré au pouvoir d’achat, qui sera présenté par le gouvernement dès la fin du mois de juin devant l’Assemblée nationale, intègre les demandes spécifiques de la Corse. Nous avons fait depuis longtemps le constat d’un différentiel important dans des domaines stratégiques, notamment les prix des carburants, les prix des produits de consommation courante, le niveau des salaires beaucoup moins élevé - 440 € bruts en moyenne de moins - que sur le continent. Donc, des rémunérations plus basses pour un coût de la vie plus élevé. Tout cela justifie que, dans un certain nombre de domaines, ce différentiel soit pris en compte par la future loi.
 
- Que répondez-vous aux Corses qui ont du mal à remplir leur réservoir ou leur réfrigérateur et à qui ces questions institutionnelles semblent lointaines ?
-C’est une manœuvre que d’essayer d’opposer le processus global de discussion avec Paris et les enjeux du quotidien ! La revendication d’autonomie, par exemple, est aussi une façon d’apporter des réponses concrètes. Lors de la conférence sociale d’aujourd’hui, l’unanimité s’est faite non seulement sur la réaffirmation d’inclure le volet social et économique dans le processus de négociation, mais également de travailler à des propositions très précises, y compris dans la perspective du projet de loi qui sera débattu à la fin du mois de juin. Par exemple des propositions pour faire disparaître le différentiel des prix en matière de carburant, de produits de consommation courante et d’énergie, pour atténuer les disparités en matière de salaires, pour stabiliser des emplois qui soient rémunérateurs par un certain nombre de garanties…
 
- Combien de temps faudra-t-il pour obtenir des avancées sur ces projets-là ?
- Concernant la prise en compte des spécificités de la Corse dans la loi sur le pouvoir d’achat, cela dépend des choix qui seront faits par le gouvernement. Il a, aujourd’hui, annoncé que ce projet de loi serait sur la table de l’Assemblée nationale dès juin, juste après l’élection des députés. Nous avons décidé, à l’unanimité de la Conférence sociale, de mettre en place un groupe de travail dédié qui, dans les jours à venir, travaillera à produire des propositions concrètes avec l’ensemble des acteurs concernés - élus, acteurs institutionnels, syndicats, associations, collectifs… - d’ici à la fin du mois de juin, voire au 15 juin.
 
- Vous dites avoir déjà beaucoup travaillé sur la baisse des prix, mais les Corses voient peu de résultats. Cela veut-il dire que ça n’a pas marché ?
- Non ! On ne peut pas dire ça ! Cela veut dire qu’il y a des domaines dans lesquels la Collectivité de Corse a une compétence propre et exclusive, et pas d’autres. Par exemple, le domaine de l’aide à la construction de logements et d’accession à la propriété, notamment pour les primo-accédants. Entre 2018 et 2021, nous sommes passés de 8,5 millions d’euros d’aides à 20 millions d’euros. Lorsque cela dépend de nous, nous faisons les efforts. De la même façon, nous avons contractualisé à hauteur de 24 millions d’euros avec l’Office public de l’habitat de la Corse et 8 millions d’euros avec l’Office public de l’habitat de la CAPA. Lorsque cela dépend de la Collectivité de Corse, nous mettons en place les moyens budgétaires en application de nos objectifs politiques, et nous réussissons. Par contre, dans d’autres domaines, nous n’avons pas le monopole de la décision. Dans le domaine du prix du carburant, nous avons fait un très gros travail, nous avons objectivé la différence de prix et expliqué très largement le mécanisme de formation des prix. Nous avons conclu qu'il fallait une régulation des prix et une fiscalité compensatoire, assorties de mesures d’urgence, comme celles qui ont été prises, et qui intègrent le différentiel des prix. Hélas, nous ne pouvons pas décider seuls ! Une partie doit être prise en charge par le gouvernement. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui à l’unanimité de la Conférence sociale, nous avons acté de demander que ce différentiel de prix soit compensé à titre temporaire dans la prochaine loi sur le pouvoir d’achat, le temps de mettre en place des dispositifs pérennes selon les délibérations que l’Assemblée de Corse a votées.
 
- Le calendrier est très resserré. Quel est l’enjeu à court terme ?
- Il y a plusieurs enjeux majeurs. Le premier est déjà, comme je l’ai dit, de faire acter par le gouvernement l’intégration d’un volet social et économique dans le processus de négociation. Le deuxième est d’obtenir l’ouverture la plus rapide possible de ce processus de négociation et la réaffirmation des engagements pris, y compris en termes de contenu et d’objectifs, notamment la discussion sur un statut d’autonomie, mais pas seulement. Le troisième enjeu est, de se saisir, sur des domaines précis, du contexte général pour concrétiser des avancées, comme nous voulons le faire avec la future loi sur le pouvoir d’achat. Nous allons transmettre nos demandes au gouvernement et à la future Assemblée nationale.
 
- Gérald Darmanin a été reconduit à son ministère. Avez-vous repris contact ? Savez-vous quand aura lieu la réunion attendue avec Paris ?
- Pour l’instant, je n’ai pas eu de nouveau contact direct avec Gérald Darmanin. C’est vrai que l’actualité gouvernementale a été plutôt chargée, mais ceci étant, il ne faut pas que les contraintes, qui pèsent sur l’action gouvernementale, impactent le processus. Dès la semaine dernière, le Conseil exécutif de Corse a dit qu’aussi bien en ce qui concerne le calendrier prévu que sur le fond, il était impératif que les engagements, qui ont été pris par Gérald Darmanin au moment de sa venue en Corse en mars 2022, soient respectés. C’est-à-dire d’avoir, le plus vite possible, une première réunion avec le gouvernement pour fixer la méthode, réaffirmer les objectifs et travailler ensemble à la mise en œuvre de ces différents objectifs. Donc, une réunion rapide. Et sur le fond, une volonté politique qui existe de notre côté et qui doit être réaffirmée du côté du gouvernement. C’est-à-dire la volonté de mettre en place un véritable processus à vocation historique, de définir une solution globale, institutionnelle, mais également économique, sociale, culturelle et linguistique.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.