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La préfète de Corse relève le défi de la pauvreté et appelle au décloisonnement


Florence Vandendriessche le Jeudi 10 Janvier 2019 à 15:34

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée par le président de la République en septembre dernier, la Préfète de Corse a réuni, jeudi matin à la préfecture d'Ajaccio, l’ensemble des associations et des services de l’État intervenant dans la lutte contre la précarité et pour l’insertion sociale et professionnelle dans l’île. Cette réunion s'est déroulée en visio-conférence avec la préfecture de Haute-Corse.



Les acteurs de lutte contre la précarité invités par la préfète de Corse (Photos Michel Luccioni)
Les acteurs de lutte contre la précarité invités par la préfète de Corse (Photos Michel Luccioni)

Le modèle social français compte une progression de 9% en 10 ans. La sonnette d'alarme est tirée une fois de plus en Corse, région la plus touchée de France, à la différence qu'aujourd'hui, l'heure serait à la révision d'un fonctionnement peut-être mal étudié ou non étudié initialement. Etre solidaire, Faire - réellement -ensemble : une utopie ou un vrai champ du possible ? La Préfète de Corse, Josiane Chevalier, a convié en ce jeudi matin tous les acteurs de la précarité en Corse afin de travailler au nouveau plan d’action de lutte contre la pauvreté inscrit par le gouvernement en septembre dernier. Tous présents ou presque et tous concernés : la Haute-Corse et la Corse-du-sud étaient donc ici au cœur d’une même réunion, en visio-conférence.


Huit milliards d’Euros pour agir
La stratégie nationale a été présentée le 13 septembre 2018 par le Président de la République et par la Ministre Agnès Buzyn, ce plan est doté de 8 milliard d’Euros sur quatre ans. « Notre but, c’est bien sûr de nous saisir de cette stratégie nationale, de la décliner dans un esprit de partenariat, de co-construction avec tous les partenaires » a expliqué Josiane Chevalier, Préfète de Corse.
  « Chaque service de l’État, a-t-elle ajouté, est concerné et sera mobilisé au cours de la création d’un pôle de compétence « solidarité » que j’animerai personnellement car de part mon passé professionnelle en tant que Directrice de l’action sociale dans un Conseil Général (Isère) pendant sept ans, j’ai l’expérience et surtout une grande sensibilité à ces questions. »
Didier Deport, Directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), Didier Duport,  a rappelé 5 axes et engagements majeurs :
- L’égalité des chances dès les premiers pas pour éviter la reproduction de la pauvreté
- La garantie des droits fondamentaux des enfants
- Un parcours de formation garanti pour tous les jeunes
- Un meilleur accès aux droits sociaux
- L’investissement pour l’accompagnement de tous vers l’emploi

 

La philosophie de ce plan sera constitué de trois principes simples
Josiane Chevalier a présenté trois leviers de transformation et a souligné clairement sa volonté de décloisonner le fonctionnement actuel :   « Nous n'avons pas les moyens de nous faire concurrence.» a-t-elle précisé.
1 - la coordination des actions : mettre en place une synergie de tous les acteurs avec tant la sphère publique, privée, qu’associative.. Il s’agirait là d’un réel décloisonnement et une véritable rénovation du travail social,
2 - la mobilisation et l’engagement. Adopter le réflexe de solidarité et d’avoir aussi chaque fois une approche de pouvoir d’achat, exemple de l’énergie : les dispositifs « chèques énergie  » dont on compte seulement 23 000 bénéficiaires en Corse. Il en résulte un profond manque d’information,
3 - l’innovation dans le champ social, revoir le travail commun à tous, « faire ensemble » en apportant des solutions concrètes, apporter des réponses nouvelles dans le quotidien.

 

Différentes prises de parole ont ponctué la réunion, dont celles du Maire de Bastia, Pierre Savelli, du Secrétaire général du Secours Populaire, Hyacinthe Choury, de Barbara Serreri, Responsable du Centre Intercommunal d'Action Sociale (CIAS), de serge Linale, Délégué à la cohésion sociale, aux liens intergénérationnels et au logement social à Bastia, Raymond Ceccaldi, Président des restos du coeur, la Caf, les diverses associations telle que Partage à Bastia.

Dr François Pernin, président de la coordination interassociative de lutte contre l’exclusion (CLE)
Dr François Pernin, président de la coordination interassociative de lutte contre l’exclusion (CLE)

« Cette coordination, c’est à vous de la constituer»
Le  Dr François Pernin, Président de la coordination interassociative de lutte contre l’exclusion (CLE) a été appelé par la Préfète à s'exprimer, sa voix, ses paroles d'une grande lucidité, lève le voile :


« J’avais envie de vous dire : Bienvenue , Bienvenue à vous, l’État, merci de rejoindre le club de ceux qui veulent faire reculer la pauvreté, on vous attendait depuis longtemps, vous êtes là, merci » s’est-il exprimé en s’adressant à Mme la Préfète se prêtant elle-même à cette petite introduction ironique du Dr Pernin à laquelle elle répondit avec le sourire : « vous avez raison : il va falloir rattraper le retard


Il continua : « Nous sommes toujours dans l’action, parfois la nuit, le week-end, pendant les vacances … Nous ne sommes pas seulement des « musculaires de la solidarité », nous sommes aussi des témoins qui par nos bilans au niveau national, au niveau local, donnons depuis plus de vingt ans. »


« Et puis, nous sommes aussi des contributeurs au niveau local en Corse, nous contribuons par nos méthodes de travail au niveau des municipalités, au niveau de la collectivité, et des différents organismes à ce que se battissent de véritables politiques contre la précarité. Alors vous nous parlez de coordination : oui, mais en ce qui nous concerne, la coordination des associations est déjà faite, je vous parle de coordination des responsables de l’État. En effet, sur le terrain, nous sommes sur 4 ou 5 plans de précarité différents et sommes face à l’État, aux municipalités, aux institutions, avec dix interlocuteurs différents qui souvent s’ignorent et parfois s’opposent. Cette coordination, c’est à vous de la constituer. »
 

Une définition obsolète de la pauvreté
« En premier lieu, commençons par nommer le problème. Ensuite, attachons-nous à connaître ses causes et ensuite oui, innovons, trouvons des solutions. Il est essentiel de définir la pauvreté, tant qu’on ne nomme pas les choses, on ne sait pas les soigner. Quelle est l’étude qui dit qu’avec 1000€ par mois, on est capable de vivre en France ? Cette définition rigide et unidimensionnelle, ne vaut plus. Il faut une définition multidimensionnelle et qualitative sur l’accès au logement, à la mobilité, à la santé, au pouvoir d’achat, adoptons une véritable définition de la pauvreté et là nous verrons que le chiffre des pauvres de 8 800 000 est bien en de-ça de la vérité. Nous sommes face à un problème complexe : réduire la pauvreté et développer les actions. Si nous avons le plan qui permet de mettre les actions sur les objectifs, nous pourrons avoir du résultat mais si nous continuons en table ronde comme ici, on va s’ennuyer longtemps. »


(Photos Michel Luccioni)