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Niolu : Une découverte archéologique unique en Corse


Nicole Mari le Mardi 16 Avril 2013 à 22:55

Un moule entier de pendeloque plume datant du premier âge du fer, dans un bon état de conservation, a été découvert fortuitement sur le site de Sidossi, situé sur la rive du lac de Calacuccia au Niolu. Cette pièce, rare en Méditerranée et unique en Corse, était utilisée entre -800 et -500 avant Jésus-Christ pour fabriquer des parures. Elle témoigne de la grande richesse archéologique de la région et sera visible, une fois étudiée, au musée d’Albertacce, le seul musée archéologique du département. Explications conjointes pour Corse Net Infos de Ghjuvan-Filippu Antolini, archéologue et conservateur du musée, Jean-Jacques Grimaldi, découvreur du moule et Jean-Luc Chiappini, président du Parc naturel régional de Corse, co-financeur des campagnes de fouilles et du musée.



Moule de pendeloque datant de l'âge du fer
Moule de pendeloque datant de l'âge du fer
 
Les plus grandes découvertes se font souvent par hasard. Ce n’est pas Jean-Jacques Grimaldi qui dira le contraire. Ce Niolain, amateur éclairé d’archéologie, se promenait, avec un ami, Christophe Lecat, sur la rive du lac de Calacuccia dans le hameau de Sidossi où il habite, quand tous deux ont fait cette découverte d’importance. « Christophe Lecat a lancé un coup de pied dans une pierre qui était posée à même le sol. Quand cette fameuse pierre s’est retournée, nous avons tout de suite vu que c’était une petite merveille. C’était un moule à bijou », raconte-t-il. D’autant que Jean-Jacques Grimaldi n’en était pas à son coup d’essai. « J’avais, auparavant, découvert un moule à pointe de lance fabriqué dans la même pierre, toujours par hasard, alors que je creusais deux mètres sous terre pour faire une fosse sceptique ». Il a, également, trouvé maints tessons de poteries. « J’ai un regard aiguisé sur la nature. J’observe en permanence et il m’arrive de faire des découvertes ». Chaque fois, il ressent la même impression : « On fait un voyage dans le temps, un voyage imaginaire. On laisse l’imagination vagabonder ».
 
Une pièce unique
Cette pièce rare est un moule de pendeloque plume, c’est-à-dire un élément de parure en bronze que l’on suspendait au vêtement à l’âge du fer. Elle est obtenue en coulant, dans le moule, un alliage d’étain et de cuivre à proportion de, respectivement, 15% et 85%, porté en fusion à forte température. « On a trouvé de nombreuses pendeloques plume en Corse alors qu’il y en a très peu ailleurs dans le bassin méditerranéen. On avait déjà trouvé un fragment de moule, mais c’est la première fois que l’on découvre une valve entière. C’est une pièce unique en Corse et d’autant plus exceptionnelle qu’ailleurs ce type de pendeloque plume n’existe pas. La Corse semble, donc, avoir une production particulière », commente Ghjuvan-Filippu Antolini, archéologue, responsable des campagnes de fouilles archéologiques et conservateur du musée préhistorique d'Albertacce.
 
Un site important
Cette découverte faite en surface prouve qu’il y a eu une occupation très importante du site de Sidossi à l’âge du fer qui était, certainement, la principale occupation du Niolu. Les céramiques exhumées présentent un faciès particulier, très rare, propre à Sidossi. « C’est rare que l’on invente au niveau des céramiques. En général, les populations se contentaient de copier ce qui se faisait alentour. On retrouve au niveau de Sidossi des influences, dont certaines venant de Sardaigne, et des innovations que l’on ne retrouve pas ailleurs en Corse. Ce qui signifie que le site avait une telle importance qu’il se permettait d’innover au niveau de la confection des céramiques », poursuit-il.
 
L’implication du Parc régional
Deux ans après sa découverte fortuite, cette « petite merveille » a été présentée au musée d'Albertacce, en présence de Jean-Jacques Grimaldi, de Ghjuvan-Filippu Antolini, de Jean-Luc Chiappini, président du parc naturel régional de la Corse, d’Hervé Corteggiano, co-développeur au Parc, et d’Angèle Santini, agent du Parc qui s’occupe d’ouvrir le musée au public. « L’implication du Parc régional est très importante parce qu’il finance entièrement le musée d’Albertacce qui n’existerait pas sans son aide. Le Parc participe également au financement des fouilles archéologiques et s’implique, donc, dans le développement archéologique du Niolu », précise Ghjuvan-Filippu Antolini. Etaient également représentés les maires de Calacuccia et d’Albertacce, ainsi que le directeur régional des affaires culturelles (DRAC), Frank Leandri, qui participe également au financement des fouilles archéologiques.
 
Des résultats exceptionnels
Cette implication produit des résultats que l’on peut admirer dans ce musée qui est le seul du département, consacré entièrement à la préhistoire. « Les résultats sont exceptionnels. Nous montrons les dernières découvertes : un bronze en cordiforme qui est le plus grand de Corse, une pointe de lance d’inspiration étrusque, un moule en serpentinite bivalve ou encore une fibule que j’ai découverte sur l’indication de Jean-François Luciani, un ancien recordman du GR20. Cet accompagnateur de moyenne montagne, qui parcourt la région, est un informateur précieux qui nous signale dès qu’il trouve quelque chose d’intéressant », explique Ghjuvan-Filippu Antolini.
Des résultats dont se félicite Jean-Luc Chiappini : « Ma présence est, d’abord, une reconnaissance du travail de qualité qui a été effectué par les Antolini, père et fils. J’ai également une pensée pour Lucien Acquaviva qui a été à l’origine de toutes ces fouilles et ces recherches. Le Parc, qui avait estimé que des richesses dormaient sur le territoire, a mis, à un moment donné, en place une politique pour tenter d’abord de faire des fouilles. Il a ensuite créé ce musée qui a, maintenant, une quinzaine d’années ».
 
Développer les territoires
L’intérêt n’est pas seulement de mettre en valeur le patrimoine culturel, mais de promouvoir le développement. « Le Parc régional, c’est l’homme dans la nature. Le patrimoine est un élément important pour développer le Niolu en faisant la conjonction entre le patrimoine naturel et le patrimoine culturel développé autour des fleuves et de l’environnement. C’est aussi un moyen de lutter contre le phénomène de désertification qui, pour nous, n’est pas une fatalité. En mettant en place une politique et en formant des jeunes afin qu’ils puissent réinvestir leur territoire, je pense que les villages vont retrouver vie », ajoute Jean-luc Chiappini.
 
Un lac à explorer
La richesse et l’importance du site de Sidossi laissent présager d’autres découvertes. Seul bémol, une partie du site est enfouie sous le lac de Calacuccia. Il faudrait donc fouiller sous l'eau et la vase, mais ce type de fouilles pose des problèmes d’autorisation d’EDF, propriétaire du site, et de sécurité par rapport à la vase accumulée et instable. « Le site de Sidossi est un éperon. On a fouillé pendant 4 ans le sommet de l’éperon, il faut maintenant fouiller sous le lac », constate Ghjuvan-Filippu Antolini. L’archéologue espère bien pouvoir l’envisager le jour où le barrage sera vidé, comme cela arrive tous les dix ans.
 
N.M.