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Zone Franche en Sardaigne : Une question de vie ou de mort ?


Nicole Mari le Mardi 20 Août 2013 à 00:24

En février dernier, la Sardaigne s’est décrétée : zone franche intégrale (ZFI). Plongés dans une récession qui lamine toute possibilité d’avenir pour la jeunesse, les Sardes veulent ressusciter leur économie en établissant une ZFI qui leur permettrait de fixer leurs propres règles fiscales, hors de celles des Parlements européens et italiens et du territoire douanier de l’Union européenne (UE). Si la mise en place de cette souveraineté fiscale est légalement possible, elle suscite l’hostilité du gouvernement italien. Mais, les Sardes sont bien décidés à l’obtenir. C’est une question de vie ou de mort. Explications, pour Corse Net Infos, d’Antioco Patta, porte-parole du Comité « Zona Franca Sardegna ».



Le port de la Maddalena en Sardaigne.
Le port de la Maddalena en Sardaigne.
- Pourquoi voulez-vous une zone franche ?
- La zone franche peut donner à la Sardaigne la possibilité de survivre, seule, grâce au travail de sa population. Nous avons deux choix : ou mourir, ou combattre. Nous ne voulons pas mourir, nous voulons combattre. Ce qu’on ne veut pas nous donner, nous le prendrons !
 
- Avez-vous déposé une demande auprès de l’Union européenne (UE) ?
- Oui. Nous avons adressé, en février dernier, un communiqué au gouvernement italien, aux douanes et à l’UE parce que la zone franche comporte une part de droits douaniers pour l’UE et de droits fiscaux pour l’Etat italien. Nous n’avons pas fait une demande, nous avons juste informé ces trois entités de l’activation de la zone franche parce que, pour nous, elle est, déjà, prévue dans la loi constitutionnelle italienne, qui est antérieure à l’UE mise en place par le Traité de Rome en 1957. Nous revendiquons le même droit que celui qui existe à Trieste, à Livigno, aux ports de Bordeaux, de Hambourg, de Rotterdam, de Liverpool et de Southampton, à l’île de Man, en Andorre… Tous ces endroits sont zones franches.
 
- Qu’est-ce que l’UE vous a répondu ?
- Elle nous a répondu que ce n’était pas de sa compétence. C’était à l’Etat italien de lui communiquer la création d’une zone franche et elle l’enregistrerait au journal officiel européen. Mais l’UE ne peut pas nous enlever un droit que nous détenons depuis bien avant sa naissance.
 
- Qu’a fait l’Etat italien ?
- Nous avons informé l’Etat italien que nous attendions sa décision, qu’il nous dise : oui ou non pour la zone franche. S’il accepte, nous la faisons. S’il refuse, nous irons même jusqu’à la Cour européenne de justice parce qu’alors, l’Etat italien violerait la loi constitutionnelle. La zone franche est un droit inscrit dans la Constitution. En dehors de cette loi, nous avons d’autres arguments.
 
- Lesquels ?
- Aujourd’hui, en Sardaigne, a recommencé l’émigration. Les jeunes Sardes sont obligés de fuir le pays pour trouver un travail. 50 % des jeunes sont au chômage, c’est-à-dire qu’un jeune sur deux est oisif. Ce n’est pas acceptable ! Etre obligé de s’exiler pour manger, d’aller grossir les rangs de la diaspora, c’est un crime contre l’humanité ! Imaginez : nous avons l’essence la plus chère d’Europe alors que nous sommes producteurs et transformateurs de pétrole. A Saroch, près de Cagliari, se trouve l’énorme raffinerie de pétrole de Saras qui est l’une des trois plus grandes d’Europe.
 
- Cette situation est-elle la conséquence de la crise économique qui sévit en Italie ?
- Oui. Chez nous, la crise est terrible ! Elle nous a même privé du tourisme international. Nous sommes victimes de l’euro. Nous ne retirons même pas les bénéfices de l’insularité car la Sardaigne est la seule île au monde qui ne bénéficie pas d’aide de l’Etat. Venir d’Italie en Sardaigne, de Gênes à Porto Torres, pour un passager et une petite voiture, coûte autant qu’une semaine de vacances dans les Canaries, à Majorque, en Grèce ou en Tunisie, avion compris.
 
- Est-ce consécutif à la privatisation des compagnies régionales maritimes ?
- Oui. Un cartel de trois compagnies privées s’est constitué avec la complicité de l’Etat italien, mais aussi de quelques Sardes et avec l’appui d’un système européen basé sur la concurrence. Résultat : le prix du billet est de : 400 € aller et 400 € retour, c’est-à-dire 800 € pour venir en bateau d’Italie ! Ces prix prohibitifs excluent la Sardaigne des circuits touristiques. Comme nous ne contrôlons pas les transports, leur coût est gigantesque. Plus personne ne vient en Sardaigne ! Nous ne pouvons plus l’accepter !
 
- Qu’allez-vous faire ?
- Nous disons : « Non » à cet embargo qui n’est pas seulement économique, « Non » à ce retour de l’émigration qui est un crime contre l’humanité et « Non » à la violation de la loi constitutionnelle. Nous voulons ce droit. Ou on nous le donne, ou nous le prendrons en utilisant tous les instruments que nous avons à notre disposition, même les plus mauvais ! Parce que, quand les gens ont faim, qu’ils n’ont plus d’argent pour manger, qu’ils sont obligés de vendre la maison qu’ont construit leur père, de voir leurs enfants s’exiler… ils ont le droit de se rebeller, de refuser de payer les impôts et même de ne plus reconnaître l’Union européenne. C’est de la légitime défense !
 
- Appartenez-vous à un parti politique ?
- Non. Nous sommes un mouvement de la société civile qui rassemble toute la Sardaigne. Nous comptons, déjà, 150 Comités et 50 000 adhérents. Nous voulons la zone franche. Ou les élus politiques nous la donnent, ou nous nous constituerons en parti politique et nous la ferons nous-même. Si nous nous présentons aux élections, nous les gagnerons parce que la zone franche, toute la Sardaigne la veut ! Sur les 377 communes que compte la Sardaigne, 330 communes, soit 90 %, ont délibéré et voté la zone franche.
 
- Demandez-vous l’indépendance ?
- Oui. Nous sommes une région à statut autonome et nous voulons une forme d’autonomie plus forte, proche de l’indépendance, qui assure le développement de notre territoire. L’indépendance est, aujourd’hui, une notion différente de celle qui avait cours dans le passé. Indépendance et autonomie sont, désormais, des états synonymes et non contraires. Nous sommes encore comme des enfants, mais nous voulons grandir et marcher tout seul. Nous en avons le droit. Nous n’avons pas besoin qu’on nous tienne la main.
 
Propos recueillis par Nicole MARI

Au centre, Antioco Patta, porte-parole du Comité « Zona Franca Sardegna ».
Au centre, Antioco Patta, porte-parole du Comité « Zona Franca Sardegna ».
La Sardaigne, une île plombée par la crise
 
Une zone franche est une zone fiscale particulière où les entreprises sont peu taxées, la taxe se limitant généralement à un port ou à quelques villes. L’établissement d’une zone franche requiert une exception au code douanier européen, l’approbation du gouvernement de l’État membre, du Parlement européen et le vote unanime du Conseil européen. En septembre, l’Italie approuvera la mise en place de certaines zones franches non ZFI, telles que celles des municipalités de Livigno, de Campione et de Lugano.
 
Une région défavorisée
Misant sur l’article 174 du Traité de Lisbonne qui vise à compenser les disparités entre les régions européennes, la Sardaigne déclare être une région désavantagée et demande l’établissement d’une ZFI comme moyen de réduire les écarts.
L'article 174 du traité de Lisbonne prévoit, en effet, que, parmi les régions concernées par la politique de cohésion économique, sociale et territoriale, une attention particulière doit être accordée aux « régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne ».
 
En pleine récession
Selon l’ISTAT, agence gouvernementale italienne de statistiques, au cours du premier trimestre 2013, la Sardaigne comptait 452 000 inactifs et 3200 sociétés en faillite depuis 5 ans dont 928 entreprises en faillite en 2012. L’île, qui représente 2,2% du PIB (Produit intérieur brut) italien, affiche une population de près de 1,6 million de personnes. Elle souffre d’une émigration importante, d’un taux de croissance de la population négatif et d’une très faible densité de population. Cette densité, qui est de 68 habitants par km2, équivaut au tiers de la moyenne italienne qui est de 189 habitants par km2. Pour les opposants à la zone franche, l’instauration d’une ZFI en Sardaigne engendrerait la perte sèche de plus de 2,5 milliards d’euros de revenus, issus de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des droits d’accises.
 
Pour une zone franche corse
Dans la foulée sarde, une association s’est créée en Corse pour demander, via une pétition et une page Facebook, la mise en place d’une ZFI pour la Corse afin de « créer une vrai renaissance économique en Corse, en faisant pression sur la France et l'Europe, en jetant les bases pour un développement social et économique garantissant la survie d'une terre et de ses habitants dans une île au patrimoine culturel inestimable ».
https://www.facebook.com/pages/Pour-une-zone-franche-en-Corse
 
Autres liens :
http :www.zonafrancasardegna.com
https://www.facebook.com/specialprezzo.zonafranca